vendredi 29 février 2008 par Nuit & Jour

Avec son retour officiel (et définitif ?) au PDCI-RDA, l`ancien Premier ministre Charles Konan Banny a donné, indéniablement, plus de lisibilité à sa marche politique : il va la mener dans le cadre de ce parti, où il est condamné à enjamber nombre d`embûches.

C`est finalement au PDCI-RDA, ``la maison de mon père``, comme il l`appelle, que Charles Konan Banny a décidé d`entamer sa carrière dans la politique nationale. Jeudi 14 février 2008, il a mis fin à ce qui ressemblait à une danse de funambule dans laquelle il semblait être engagé, entre la voie d`une candidature indépendante à l`élection présidentielle, celle de la création d`un parti unique et celle d`un retour vers le seul parti politique au sein duquel il a milité avant que ses obligations professionnelles ne lui imposent d`y surseoir. C`est donc cette dernière voie, qui vient de faire de lui un membre du bureau politique du PDCI-RDA, qui vient de l`emporter. Selon nombre d`observateurs avertis du jeu politique ivoirien, cette option est de loin la meilleure pour la reconversion de Charles Konan Banny à la politique. Selon eux, étant donné que l`ancien Premier ministre nourrit l`irrépressible ambition de briguer la magistrature suprême de la Côte d`Ivoire, aucune autre option n`aurait été plus raisonnable que de prendre pour cheval de bataille la vieille et très rodée machine politique du PDCI-RDA, parfaitement rompue aux joutes électorales. De plus, ce parti politique est le seul à pouvoir faire valoir des sections dans chaque périmètre de l`ensemble du territoire national. Et donc, toujours selon ces observateurs, c`est en enfourchant un tel cheval que Charles Konan Banny pourra combler à temps son déficit de connaissance du terrain politique que ses adversaires pratiquent depuis plusieurs décennies. Mais tout cela à la condition que, entré au PDCI-RDA, l`ancien gouverneur de la BCEAO ne se pose pas comme un adversaire ou un rival du maître incontesté de ces lieux, Henri Konan Bédié.

Atterrissage en pleine guerre de succession à Bédié

Il est clair qu`en faisant le choix d`entrer au PDCI-RDA, Charles Konan Banny a fait, en amont, celui d`une collaboration franche et harmonieuse avec le président et, cumulativement, candidat à l`élection présidentielle. D`ailleurs c`est bien ce que le concerné lui-même a fait savoir au lendemain de son retour à la maison du père (sic).
Et pourtant, au-delà des déclarations selon lesquelles le PDCI-RDA a reçu un renfort politique et électoral de poids avec le retour de Charles Konan Banny, il serait illusoire de croire que ce parti lui ouvre, dans les faits, les bras tant que cela. Et c`est contre une méconnaissance des réalités actuelles au sein du vieux parti qu`il devra avant tout se battre. Or ces réalités justement, c`est que, contrairement à ce qu`il paraît, le PDCI-RDA est loin des apparences d`eaux calmes qu`il présente en ce moment. Il est très agité et traversé en-dessous par des courants divergents, concurrents et rivaux. Engagés non pas dans une lutte de positionnement auprès d`Henri Konan Bédié, mais rien moins que dans une guerre sans merci à la succession de celui-ci (nous y reviendrons à travers des dossiers très fouillés). En dépit du capital d`estime et de sympathie qui précède Charles Konan Banny, la pire des illusions pour lui serait de croire qu`il vient au PDCI-RDA pour être positionné ipso facto comme le dauphin d`Henri Konan Bédié. Les clans qui sont en lutte dans ce parti ne s`effaceront jamais pour lui faire de la place. Le premier obstacle donc à vaincre pour lui, c`est de se trouver un positionnement par rapport à tous ces clans : devra-t-il en créer un, se faire le porte-étendard d`un autre ou se poser comme le point de convergence de tous ces clans et se faire porter par le faisceau de toutes leurs énergies ? Il est indéniable que pour pouvoir se sortir d`un tel dédale, étant donné que c`est au sein du PDCI-RDA qu`il a décidé de mener sa carrière politique, Charles Konan Banny est, de ce fait, condamné à se faire tenir par la main et guidé par un ou des hommes qui possèdent parfaitement les arcanes de ce parti. N`a-t-on pas coutume de dire que gravir les échelons au sein de l`ancien parti unique est comparable à une danse des sorciers?

Choisir ses hommes et organiser son équipe

Banny a-t-il déjà les hommes pour lui permettre de dompter l`appareil du PDCI-RDA et de lui permettre de le réorienter à son avantage, pour faire de lui, à terme, le successeur d`Henri Konan Bédié ? Du temps où il était encore gouverneur de la BCEAO et qu`était née l`idée de sa candidature à la Présidence de la République et plus tard, durant son séjour à la Primature, l`on avait vu divers groupes s`activer autour de Charles Konan Banny. D`abord, le groupe de Kouakou Abonouan Empirus, Dr Brou Firmin, Dr Kané Brigitte, Jean-Philippe Kouamé, Léopoldine Kouassi, Jean M`Bahia, Lambert Konan qui forme actuellement le cabinet privé et enfin, les députés Félix Akoto Yao et N`Guessan Brou. Le dernier groupe cité, lui, a fait long feu. Courant 2006, le député de Sakassou, Félix Akoto Yao a, à la surprise générale, déclaré sa candidature à l`élection présidentielle. Du coup, le groupe conduit par les deux députés avait ravalé sa flamme pour Charles Konan Banny (rien ne dit qu`il ne va pas ressurgir avec la nouvelle donne), laissant du coup sur la scène les deux groupes.
Avec la nouvelle orientation que Charles Konan Banny vient de donner à son ambition politique, surtout dans le contexte de lutte au sein du PDCI-RDA décrit plus haut, un savant choix de ses hommes et une organisation idoine de ceux-ci, s`imposent nécessairement à lui. Parce que si elle peut constituer pour lui un inestimable moyen d`action pour lui le moment venu, la réputation de la possession d`une incommensurable surface financière qui précède l`ancien gouverneur de la BCEAO, aiguise les appétits les plus fous. L`intense ballet de flatteurs et de laudateurs qui lui ont donné la sérénade, déguisés sous le manteau ``clownesque`` de la société civile, durant son séjour à la Primature, a de quoi le tenir à jamais sur ses gardes. Dans la mesure où ce n`est pas au PDCI-RDA où il évolue désormais, que ces appétits pécuniaires contre lui vont s`éteindre. N`est-ce pas dans ce parti que sont nés les premiers clubs de soutien avec l`accession d`Henri Konan Bédié au pouvoir, avant que ceux-ci ne le renient et l`abandonnent avec sa chute du pouvoir ? Tout le problème de Charles Konan Banny au PDCI-RDA aujourd`hui, est de distinguer, parmi tous ceux qui viennent vers lui entre les flatteurs, les laudateurs et autres opportunistes embusqués intéressés par son argent. De ceux qui ont un véritable projet de futur leader du PDCI-RDA pour lui et qui ont foi en lui pour l'incarner. En un mot, il doit pouvoir faire le tri entre le vrai et l`ivraie. Inutile de dire qu`un exercice si délicat ne peut se faire sans les recommandations éclairées de conseillers qui maîtrisent parfaitement l`appareil du PDCI-RDA. Il s`acquitte de sa tâche pour l`avancement de l`?uvre, en fin de compte, commune. C`est de la qualité des hommes dont il va s`entourer et de la complémentarité et de la cohésion entre eux que va dépendre le succès de la carrière politique de Charles Konan Banny.

(par Michel Dia)

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