mardi 4 mars 2008 par Fraternité Matin

Le programme d'urgence du gouvernement est en marche. De grands travaux sont en cours au centre et dans le nord du pays pour accroître la production. Accrochés au robinet dans une cour du quartier Ahougnansou, trois enfants dont un garçon sont occupés à remplir une dizaine de bidons de 20 litres. En ce début de soirée du jeudi 28 février, la tâche semble difficile pour ces enfants. En effet, l'eau, coupée depuis deux jours dans cette zone, coule très lentement. Il faut être patients les premières heures. Ça finira par couler fort?, explique Roger Kouacou, instituteur et père de trois enfants. A l'hôtel situé à quelques mètres de là, le même scénario. Le réceptionniste a abandonné sa caisse pour aller recueillir de l'eau. Je dois faire la ration pour les jours à venir. Car, nous serons sevrés dans deux jours, soutient-il. Les populations de Bouaké qui ont inclu dans leurs habitudes recueillir de l'eau selon que leur quartier est servi doivent tenir encore quelques semaines. L'eau potable sera abondante, très abondante même, dès la fin du mois de juin 2008. Ce n'est pas de la théorie. Elles s'en aperçoivent elles-mêmes ces derniers temps. Avec les travaux de canalisation de conduites d'eau dans la ville. Surtout à la faveur des travaux de réhabilitation en cours à l'usine de la Loka. Et la visite du ministre des Infrastructures économiques, M. Patrick Achi, dans leur cité, jeudi dernier, les a confortés dans leur rêve de voir la fin de leur calvaire. Nous sommes maintenant rassurés que les travaux en cours dans la ville auront réellement une fin?, s'est réjoui Adama Kouyaté, mécanicien dans la zone industrielle de Bouaké qui a connu plus de difficulté ces trois dernières années. Au quartier Commerce, les travaux de remplacement de la conduite de la station de traitement du Kan au grand château avancent. Et M. Sybi Mohamed, adjoint au directeur régional de la Société de distribution d'eau en Côte d'Ivoire (Sodeci) de dire: Cette conduite de refoulement de diamètre 350 remplacera celle qui date des indépendances. Ceci était nécessaire dans la mesure où il y avait des déperditions entre la production et la quantité qui arrive réellement au château?. Selon M. Sybi, les pertes occasionnées par la vétusté de cette conduite (fuite sur le réseau) tourne autour de 10% à 15%. Ce qui est énorme dans le contexte actuel?, ajoute-t-il. La station du Kan et les forages qui lui sont attachés fournissent huit mille mètres cubes d'eau par jour. Cette usine sert la zone dite Bas réseau?. Ce sont les quartiers Commerce, Air France, Kennedy, Sokoura, Belle-ville et Djébonoua. Le gros des travaux se situe à Loka où se trouve la plus grande usine de Bouaké. Ici, l'un des deux décanteurs est à l'arrêt depuis novembre dernier. C'est d'ici que provient le problème vécu en ce moment dans la capitale de la Vallée du Bandama. Mais aussi des agglomérations environnantes comme Sakassou et ses villages. Le décanteur est l'élément central d'une unité de production d'eau. C'est en son sein qu'a lieu la potabilisation de l'eau. La séparation des lamelles, le filtrage, l'injection de réactifs pour le traitement de l'eau recueillie du barrage?, explique M. Sybi Mohamed pour qui comprendre ce système aiderait à mieux apprécier la décision de l'Etat d'arrêter l'un des décanteurs de la Loka?. En effet, le premier décanteur de la Loka qui est à l'arrêt depuis novembre 2007 produit 13 mille mètres cubes, comme le second. Soit 26 mille mètres cubes pour les deux. Mais avec l'âge, et surtout le manque d'entretien depuis la fin 2002, le plus ancien qui date des années 1970 ne répondait plus. Son arrêt s'imposait si on voulait optimiser la production?, explique M. Sybi. Qui ajoute: Technique-ment, nous n'étions pas inquiets. Dans la mesure où Bouaké a un besoin quotidien de 20 à 25 mille mètres cubes. Le Kan fournit déjà 8 mille. Si on y ajoute les 13 mille du deuxième décanteur, nous sommes à 21 mille. Il suffisait de rationaliser la distribution pour permettre la réalisation de ces travaux importants. Etant donné que le résultat attendu dès juin prochain, sera de produire au moins 36 mille mètres cubes?. Les problèmes d'eau de Bouaké n'ont, en réalité, pas augmenté ces derniers jours. Sauf que le manque est désormais perceptible chez tous les habitants de la ville. Selon les techniciens rencontrés sur place, la production a toujours tourné autour de 20 mille mètres cubes. Seulement, depuis trois ans, ce sont les abonnés raccordés aux châteaux desservis par la Loka qui souffraient. Les populations de la zone dite Haut réseau? (N'Gattakro, Koko, Dar-es-Salam, la zone industrielle et Sakassou) étaient les seules à subir les défaillances de la Loka. L'arrêt de l'un de ses décanteurs a été l'occasion de partager la quantité produite. Pour y parvenir, il a été décidé de servir quartier par quartier?, indique M. Sybi Mohamed. Les travaux en cours actuellement soulageront outre Bouaké, les villes de Sakassou, Botro, Diabo, Djébonoua et l'ensemble des villages qui leur sont rattachés. A N'Gattakro, un village de Diabo, un château d'eau est en construction. Il sera raccordé à la Loka. Il nous reste au maximum un à deux mois de travaux. Il en est de même pour ceux de la pose des canalisations?, affirme le chef du chantier de N'Gattakro. A Groh, comme partout dans les grands villages de Diabo, les travaux de canalisation, faits avec un nouveau matériau, le ply-éthylène à haute densité, (PEHD) sont avancés. Camions-citernes en renfort Cinq camions-citernes servent de l'eau potable à certains quartiers de Bouaké à compter du lundi 3 mars. C'est l'essentiel des propositions faites par les populations de cette ville au ministre des Infrastructures économiques, M. Patrick Achi, vendredi dernier. Lors de sa rencontre avec les populations de Bouaké, la veille, le ministre des Infrastructures économiques s'est voulu très consensuel?. Après avoir expliqué à ses hôtes les raisons des perturbations sur le réseau de l'eau, il leur a donné l'occasion de faire des propositions concrètes pour le partage? de la quantité d'eau produite pendant la période des travaux. Le projet en cours va augmenter la capacité de la Loka. Mais d'ici là, vous allez, durant trois mois encore, vivre des perturbations. Voyons ensemble entre le délestage, l'envoi des camions- citernes?. A cette invite du ministre Patrick Achi, les populations lui ont proposé de se concerter avant de donner une réponse. Je voudrais qu'on aille vite. Il s'agit d'un problème sensible. Le Premier ministre et le gouvernement tiennent beaucoup au problème d'eau à Bouaké. Je vais à Korhogo où le Premier ministre va lancer les travaux de raccordement de la ville au Bandama. A mon retour, vendredi, je voudrais avoir vos propositions?, a-t-il insisté. Le délestage qui consiste à distribuer alternativement un peu d'eau potable par quartier va se poursuivre. Il sera donc appuyé par des camions-citernes. Surtout dans les quartiers en hauteur. Cinq autres camions-citernes rejoindront les premiers les tout prochains jours. La location des dix camions- citernes, les mois de mars et d'avril, coûtera environ 60 millions de francs CFA.
De grands moyens? en vue pour le centre
C'est au total trois milliards de francs que l'Etat va injecter dans les travaux de réhabilitation et de construction dans le secteur de l'eau à Bouaké. La révélation a été faite jeudi par le ministre Patrick Achi. Qui n'a pas manqué de souligner l'intérêt que le gouvernement accorde à cette région. L'Etat a mis de grands moyens pour que Bouaké ne connaisse plus de problème d'eau. Le coût des travaux en cours est de trois milliards de francs?, a-t-il déclaré dans la salle de conférences du secrétariat général des Forces nouvelles. M. Patrick Achi a surtout demandé aux populations de garder patience jusqu'à la fin des travaux. L'eau suffira pour non seulement Bouaké, mais aussi pour Brobo et autres?, a-t-il ajouté. Ces réhabilitations sont réalisées avec l'appui financier de l'Union européenne dans le cadre du projet post-crise.
Régler le problème des factures
A Bouaké comme dans toutes les villes sous contrôle des Forces nouvelles, les populations ne payent pas de factures d'eau depuis le déclenchement de la crise ivoirienne en 2002. Plusieurs tentatives d'émissions de factures se sont heurtées au refus des populations. Qui arguent des difficultés financières. Cette situation entraîne non seulement, un manque à gagner à l'Etat, mais aussi engendre un autre problème: la mauvaise gestion de l'eau.En effet, il n'est pas rare de voir des robinets couler sans que personne ne s'en soucie dans ces villes. Tout le monde est devenu vendeur d'eau glacée ou gérant de station de lavage d'autos. Les compteurs tournent, tournent. Personne ne prend plus soin des installations intérieures des maisons. Des fuites existent partout. Des branchements anarchiques sont visibles dans tous les quartiers. Avec pour conséquence des fuites importantes sur le réseau. Tout simplement parce que l'eau est gratuite. Même les fonctionnaires redéployés sont en tête de ceux qui s'opposent au paiement des factures d'eau. Pourtant ils bénéficient des primes de redéploiement. Ce que leurs collègues d'ailleurs n'ont pas. Comment rentabiliser les trois milliards de francs que l'Etat est en train d'investir à Bouaké? La gratuité de l'eau et son corollaire de fuite vont-ils se poursuivre? La question est loin d'être politique. Elle est économique. Parce que n'oublions pas que les problèmes qui sont vécus actuellement résultent du manque de financement des programmes hydrauliques. Il faut donc aller au-delà de la sensibilisation pour poser clairement le problème des factures en zones sous contrôle des Forces nouvelles. Avec des éléments irréfutables de part et d'autre. Sans parti pris. Donc de façon consensuelle. Il est possible de trouver des mesures justes. Pour tous.
Doua Gouly
Envoyé spécial
La connexion de Korhogo au Bandama a commencé



Dans un an, le manque d'eau ne sera plus qu'un mauvais souvenir pour les populations de Korhogo et sa région. Le vendredi 29 février 2008, devant l'usine LCCI en entrant de Ferké, le Premier ministre Soro Guillaume a procédé au lancement des travaux de connexion de Korhogo au fleuve Bandama et à celui du programme d'hydraulique villageoise BID 1. Il a successivement donné le premier coup de pioche et posé la première pierre. Sous les yeux d'admiration et de joie du ministre Patrick Achi, de l'ensemble du corps préfectoral, des élus, des chefs traditionnels, des autorités des Forces nouvelles et d'une foule nombreuse et heureuse. Car ces actes vont contribuer à mettre fin à la crise de l'eau que connaît depuis des lustres la région des Savanes, et particulièrement Korhogo, et qui a été exacerbée par la crise militaro-civile que connaît le pays. C'est à juste titre qu'un vibrant hommage a été rendu à Patrick Achi, le ministre des Infrastructures économiques pour sa débauche d'énergie qui, en mobilisant les partenaires, a transformé le cauchemar en rêve puis en réalité. Hommage a été aussi rendu aux femmes qui parcouraient des kilomètres à la recherche de l'eau pour le bonheur de leurs familles.



Les deux projets, a précisé le Premier ministre, entrent dans le programme d'urgence de sortie de guerre de son gouvernement . Le premier consiste à renforcer la production d'eau potable de Korhogo en fournissant à la ville une nouvelle ressource en eau à partir du fleuve Bandama depuis Sinématiali. Cela nécessite une canalisation de transfert d'eau de 42 km du fleuve jusqu'à la ville. Elle alimentera une retenue de 1,5 million de m3 de capacité déjà existante qui sera réhabilitée. Les travaux dureront 12 mois et sont financés par l'Union européenne. Le coût de ce projet est de 4,5 milliards. Une rallonge de 200 millions a été accordée par l'Etat à ce projet pour la construction d'une station de traitement d'eau à Sinématiali qui connaît aussi une grave pénurie d'eau. Les travaux, à en croire le ministre des Infrastructures économiques, ont déjà démarré et la station pourrait entrer en service au mois de juin.



Le deuxième projet concerne la réalisation d'un programme d'hydraulique villageoise d'un coût total de 3 milliards, financé par la Banque islamique de développement (88 %) et la Côte d'Ivoire (12%). Il permettra, d'une part, la réalisation de 500 forages équipés de pompe à motricité humaine dans la région des Savanes. Ce sont 245 dans les départements de Korhogo (215) et Tengréla (30), 255 dans les départements de Boundiali (48) et Ferké (207). Et d'autre part, le remplacement de 150 pompes dans les quatre départements. Ce projet, qui permettra un taux de couverture de 80% en eau, ne mettra pas fin au problème de l'eau dans la région. Car le besoin avant la crise était estimé à 2550 points d'eau. Le besoin recensé aujourd'hui est de 996 points d'eau. C'est le plus important projet de réalisation de forage de ces sept dernières années, a précisé le ministre des Infrastructures économiques. Les travaux des deux projets démarrent dès ce mois de mars. Notons que c'est le vendredi 20 juillet 2007 que le Premier ministre Soro Kigbafori Guillaume a procédé, à Korhogo, au lancement du programme (de rattrapage) de réhabilitation des infrastructures en zones centre, nord et ouest en vue de l'amélioration des conditions de vie des populations concernées. A cette occasion, le Premier ministre a révélé que l'enveloppe consacrée à ce programme financé par l'Union européenne est de 41,093 milliards de francs. Il concerne, outre le secteur de l'hydraulique de l'ensemble des zones Forces nouvelles en termes de renforcement des forages et de production d'eau, les routes interurbaines, les routes rurales, les voies urbaines, les aéroports de Bouaké, Korhogo, Odienné et de Man et le secteur de l'électricité.
Martial Niangoran
Correspondant Régional L'État des lieux s'améliore déjà
Actuellement, nous sommes contentes de la situation de l'eau. Avant, nous avions l'eau une fois par semaine, après nous l'avons eue tous les deux jours et maintenant, nous avons de l'eau chaque jour. Nous remercions les autorités pour les efforts qu'elles font.? Les propos de Ouattara Natogoma, commerçante, résidant au quartier Petit Paris, traduisent parfaitement la situation de l'eau à Korhogo. En effet, c'est en 2004 que la crise de l'eau a éclaté dans cette ville, tenue par les Forces nouvelles, à cause de la forte baisse de la pluviométrie et du manque d'entretien des équipements. Devant l'incapacité de la Sodeci de fournir de l'eau aux populations, il a fallu la mobilisation des organismes humanitaires de l'Onu et d'Ong locales. Qui ont installé des points d'eau dans les différents quartiers de la ville qu'ils alimentaient à partir de réservoirs montés sur des camions. Ces réservoirs sont ensuite remplis à l'aide de moto-pompes. Quinze pompes ont été identifiées et réparées et 150 puits ont été approfondis. Ces efforts ont permis d'améliorer la fourniture de l'eau dans la ville pour aboutir à sa rationalisation. La ville a été divisée en trois zones servies à tour de rôle. Ainsi, chaque zone recevait de l'eau tous les trois jours.
Aujourd'hui, tout le monde se réjouit de cette situation plutôt acceptable. Mme Kouamé, au quartier 14, confirme cette embellie. Tenancière d'un maquis, elle a aussi souligné l'importance de l'eau pour son activité. Il y a quelques années, raconte-t-elle, le problème de l'eau était difficile. Nous en avons souffert?. Mme Kouamé, comme les autres femmes de la ville, avait pris des précautions qui sont devenues des habitudes. Réserver de l'eau dans des bidons, dans des fûts et tous récipients pouvant en contenir. A l'hôtel Le Méridien, la technique est la même. Nous faisons des réserves. Nous servons un seau et un bidon d'eau de 20 à 25 litres par chambre pour permettre au client d'avoir de l'eau en permanence?, nous a expliqué le gérant. L'hôtel le Prestige, lui, est équipé d'un puits alimentant un petit château d'eau. Avant la construction de cette installation, a expliqué la gérante du jour, les employés approvisionnaient l'hôtel à partir de puits?. Il n'y a pas que la ville de Korhogo qui souffre du manque d'eau dans la région des Savanes. En novembre dernier, lors de la visite de M. Patrick Achi, ministre des Infrastructures économiques, pour préparer la visite du Chef de l'Etat dans la région, Yao Kossonou, le directeur territorial de l'hydraulique, a fait savoir que sur 34 centres de production d'eau potable, 19 sont en production insuffisante. Les efforts conjugués de l'Etat, des Ong et des services humanitaires de l'Onu ont permis de réhabiliter 1126 sur les 1992 pompes que compte la région. Malgré tout, le problème de l'eau reste préoccupant. A Lafi et Pivoro, respectivement dans les sous-préfectures de Niofoin et Kasséré, le ministre a fait une halte pour partager cette préoccupation avec les populations ameutées pas sa présence. Aucune des trois pompes que compte chacun des villages ne fonctionne. Les populations vivent de l'eau de puits ou de marigots. Conséquence beaucoup de personnes ont eu la diarrhée l'année dernière?, selon Koné Tinnon, un habitant de Lafi dont le puits ne tarit jamais?. Il a aussi ajouté que parfois, ils vont chercher l'eau à boire jusqu'à Niofion (10 km). Un villageois, franchement excédé par cette situation, a invité le ministre à aller voir son puits. Le ministre en a puisé l'eau pour apprécier sa qualité. Nous apprenons à la radio que vous construisez des maisons à des milliards et nous, nous n'avons pas d'eau à boire?, a lancé ce paysan au ministre. A Tengréla aussi, le préfet a souligné la mauvaise qualité de l'eau.



M. N.

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