mardi 4 mars 2008 par Le Patriote

Du 4 mars 2007 au 4 mars 2008, notre planète a fait une révolution autour du soleil. Il s'agit de douze mois tragiques, soit trois mois de plus, et de trop, qu'il n'en faut pour bénir un couple amoureux d'une heureuse naissance. C'est l'équivalent pour le peuple ivoirien d'une misère en métastase, les deux mois de sursis octroyés à l'Accord politique de Ouaga (APO). Car, le géniteur dudit accord, le régime de Gbagbo (FPI ou Refondation) qui ne tourne déjà pas rond depuis sa naissance, n'a accouché que d'un dépit amoureux, en lieu et place d'une élection présidentielle prévue pour le 4 janvier 2008. C'est le cas de le dire, ce ne fut pas une année ensoleillée pour les Refondateurs enclins à la sinécure et contraints à plus de responsabilité pour le salut national. L'habitude étant une seconde nature, ils se sont assis sur leurs lauriers, les enfants des autres convoyés dans les rues. Des futures étoiles nationales palies prématurément par l'école blanche et le chômage, qui à la lumière de l'ingratitude dont elles sont victimes, se sont renfermées sur elles-mêmes comme une galaxie en implosion. Comme quoi, le patriotisme c'est beau comme un drapeau mais donner sa poitrine de chair à une aristocratie vorace, au nom du patriotisme, il faut être gaou pour le faire deux fois. D'où le désarroi interne du FPI traduit, ces temps-ci, en complainte publique contre Soro, leur seul cosignataire de l'APO. Ce, après avoir jeté l'opprobre des échecs de sorties de crise précédentes sur les étrangers.

À cet égard, M. Pascal Affi N'guessan, président du FPI, a donné une longue interview publiée ces derniers jours dans le Quotidien Notre Voie. L'ex Premier ministre frustré, selon sa propre expression, a fait une sorte de bilan de l'application de l'APO, tel que vu par la Refondation. Un seul mot, ruptures (au pluriel), suffirait à qualifier ce quiz pré-arrangé où les journalistes ont fait l'avocat du diable et Affi N'guessan, le juge impartial à l'analyse objective proche des réalités du terrain. Une rupture avec le PM Soro et les Forces nouvelles (FN) pour traîtrise du deal souterrain de non désarmement et non élection que constitue l'APO. Une rupture avec les acteurs politiques de l'opposition dite houphouétiste (RHDP) trop pressée d'aller aux élections défavorables au FPI dans l'opinion publique. Une rupture avec la Commission électorale indépendante (CEI) parce que son président élu par ses pairs échappe au contrôle de Gbagbo. Une rupture avec la France néocolonialiste et son opérateur d'identification (SAGEM) à la moralité douteuse. Bref, des ruptures afin d'opérer un retour à la philosophie de l'orphelin du Président Gbagbo. Un orphelinat incluant bien-sûr l'Institut national des statistiques (INS) puisque son directeur général est membre du comité électoral du FPI, sans problème de moralité avec ce cas flagrant de conflit d'intérêt.

En d'autres termes, l'intelligence éprouvée du PM Pascal Affi N'guessan, travestie par son instinct de survie partisan, a résulté en un discours univoque d'offensives anti-électorales. Et, au-delà de la forme idyllique qui marque des points politiques, c'est le fond du message qui manque le plus, en avilissant les vertus humaines de loyauté et de respect envers la vérité.
Cependant, faire de notre part la mise en examen de la nouvelle stratégie politique (de rupture) du FPI, un an après l'APO, n'aurait pas d'assises solides sans les preuves des faits. À ce propos, ce sont des déclarations du Président Gbagbo, le maître du régime, qui tombent à souhait.

Le 26 septembre 2007, pour la première fois depuis son accession à la magistrature suprême, le Président Laurent Gbagbo s'est adressé au monde entier. Du haut de la tribune de l'ONU dans le cadre de la 62e session de l'Assemblée Générale des Nations Unies, le Chef de l'État a fait entendre la voix de la Côte d'Ivoire indépendante et souveraine. Il mettait ainsi sa propre crédibilité sur le billot et engageait l'avenir des Ivoiriens. Voici des extraits pertinents de son discours :

Nous avons constaté que malgré les efforts déployés durant quatre années par la Communauté Internationale, le processus de paix était bloqué et le pays se trouvait dans l'impasse. C'est pourquoi, le 19 décembre 2006, j'ai proposé à mes compatriotes un plan de sortie de crise articulé autour de cinq points : 1) l'instauration d'un Dialogue Direct avec la Rébellion en vue du désarmement et de la réunification du pays, 2) la suppression de la zone de confiance, 3) la création d'un service civique national, 4) l'amnistie générale, 5) la mise en place d'un programme d'aide au retour des déplacés de guerre. (Bilan :) une ordonnance d'amnistie générale a été prise le 11 avril 2007, le désarmement a effectivement commencé avec le ?'bûcher de la paix'' organisé le 30 juillet 2007 à Bouaké, (à retenir :) ?'Le redéploiement de l'administration et la réinstallation des magistrats sur l'ensemble du territoire sont effectifs?'. Un plan de retour des déplacés de guerre est mis en place () Dans ce contexte, compte tenu du climat d'apaisement qui règne dans le pays, je souhaite que les Nations Unies revoient à la baisse l'indice de sécurité. La phase 3 ne correspondra plus à la réalité. Dans le même esprit, avec la mise en ?uvre de l'Accord de Ouagadougou, (important à retenir :) ?'la Côte d'Ivoire est aujourd'hui réunifiée?', et il appartient donc à l'État d'assurer l'ordre et la sécurité publique sur toute l'étendue du territoire national () (À retenir :) ?'Les élections constituent la finalité du processus de sortie de crise en Côte d'Ivoire () et une nécessité pour la relance économique?'. La tenue d'élections transparentes, libres et ouvertes à tous, est non seulement une exigence de ma culture politique, mais aussi et surtout, une nécessité démocratique () (À retenir :) ?'Les élections constituent enfin un impératif constitutionnel?'. Selon notre Constitution, en effet, lorsque des circonstances exceptionnelles rendent impossibles l'organisation des élections (à retenir :) ?'Comme c'était le cas avant la réunification du pays?', toutes les Institutions de la République ne fonctionnent plus qu'en vue des élections. C'est pourquoi, (à retenir :) ?'Il nous faut rapidement organiser les élections pour sortir d'une situation certes constitutionnelle mais exceptionnelle?'.

Le 23 mai 2007, soit quatre mois avant son discours à l'ONU, le Président Gbagbo s'est adressé aux représentations diplomatiques étrangères présentes en Côte d'Ivoire. Guillaume Soro, le chef de l'ex-rébellion, était PM depuis le 4 avril. Gbagbo a tenu à indiquer que c'était lui le responsable de la gestion du pays, parlant du départ du Haut représentant de l'ONU en ces termes : Alors, il y a une rumeur qui circule en ville et vous devez vous poser des questions à ce sujet. Je vous dois une réponse. Stoudmann est parti, il ne va plus revenir. Oui, c'est moi qui ai demandé qu'il parte. Parce que notre pays, c'est moi qui en ai la charge aujourd'hui. (À retenir :) ?'Chaque pays du monde a quelqu'un qui en est responsable à un moment donné. Après, il ne l'est plus et c'est celui qui est élu qui en est le nouveau responsable. Mais, pour le moment, c'est moi qui suis le responsable?'.

Autre discours de Gbagbo. À l'occasion solennelle de présentation de v?ux pour le nouvel an 2008, le Président a tenu à expliquer aux Forces armées ex-belligérantes réunies (FDS et FAFN) sa vision de la nature du conflit ivoirien : (À retenir :) ?'La guerre civile est venue des entrailles de la Côte d'Ivoire?'. On peut dire que c'est un tel, un tel autre, mais, tant que des Ivoiriens n'ont pas décidé de prendre les armes contre leur pays, il n'y a pas de guerre civile. (À retenir :) ?'Si c'est un État qui a attaqué un autre État, on appelle cela la guerre tout court. Mais, si des Ivoiriens prennent des armes pour quelque raison que ce soit, contre les Institutions de leur pays, on parle de guerre civile. Point n'ai besoin de savoir s'ils sont manipulés ou s'ils ne le sont pas?'.

Ces propos du Président Gbagbo amène à conclure ceci : 1) le redéploiement de l'administration et la réinstallation des magistrats sur l'ensemble du territoire étant effectifs, Gbagbo est l'Autorité suprême de l'ensemble du pays ; 2) la Côte d'Ivoire étant aujourd'hui réunifiée suite 3) à la fin de la guerre civile et que 4) les élections constituant la finalité du processus de sortie de crise en Côte d'Ivoire, 5) sont un impératif constitutionnel, 6) il n'y a pas de raison qu'on n'aille pas rapidement aux élections 7) pour pouvoir relancer l'économie.

Alors, dans la situation présente où les élections sont constamment retardées, des deux choses l'une : ou le Président Gbagbo a dit vrai à l'ONU et dans ses autres discours précités et qu'il est incompétent à gérer la Côte d'Ivoire ou il a menti à tout le monde perdant ainsi toute crédibilité et confiance pour avoir droit à continuer à feindre travailler pour les Ivoiriens au profit d'intérêts claniques et tribalistes. Dans les deux cas, incompétent ou immoral, Gbagbo est le problème ivoirien.

Ainsi toute spéculation, élucubration, laïus, action ou réaction, de la part du régime du FPI contre les autres pour justifier la situation sociopolitique désastreuse de la Côte d'Ivoire constituent de vains atermoiements pour se maintenir au pouvoir d'État. Ni Soro, ni la France n'empêchent Gbagbo de diriger le pays dans la bonne gouvernance. Il est donc évident que la solution de sortie de crise réside dans la capacité du RHDP, de la Primature, de la CEI, de l'ONUCI et de la Licorne de s'allier pour prendre les rênes du processus électoral et de faire un contrepoids à la Refondation et sa milice du CECOS. Car, dès lors que les FDS, les FAFN et mêmes les groupes d'autodéfense abusés par la Refondation (et pris en charge par l'ONU) travaillent en concertation pour sécuriser toutes les étapes du processus électoral, les partis politiques pourront librement battre campagne, les électeurs voteront sans entraves et le nouveau président élu se chargera de remettre la Côte d'Ivoire sur les rails. Bien sûr que le FPI doit être de la course pour cause de paix sociale mais il ne manquera pas d'arguments pour convaincre la population que voter pour Gbagbo, c'est lui donner un chèque en blanc pour transformer son présumé dernier mandat de cinq ans en une dictature à vie. L'homme n'a pas de parole et sa signature ne vaut pas plus que le temps qu'elle prend pour sécher. Avec le FPI, autant en emporte le vent !

Dr Antoine Ahua Jr
Québec, Canada
Le 2 mars 2008

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