mardi 4 mars 2008 par Le Patriote

Le Patriote : Quel est le contenu réel du Festival Wassa ?
Martha Diomandé : Le Festival Wassa a été créé pour promouvoir l'Art africain, en général, et l'Art ivoirien en particulier. S'agissant du contenu du festival, il y a "le volet artisanat", la danse, le théâtre, les rencontres d'échanges et de partage et mieux faire connaître la Côte d'Ivoire à travers sa Culture. En clair, nous faisons découvrir notre pays à travers sa diversité culturelle. Le Wassa permet, également, de donner une autonomie aux artistes africains et ivoiriens.

L.P : Quel sont les retombés d'un tel événement, pour les artistes ivoiriens qui y prennent part et pour les initiateurs que vous êtes?
M.D : Moi, en ma qualité d'organisatrice du Festival Wassa, ma satisfaction personnelle, est de constater qu'à travers cet événement, mon pays est connu en Europe à travers sa Culture. Les retombés, pour les artistes, c'est de se faire connaître, le mieux, par un grand public, autre que celui de leur pays d'origine. C'est l'occasion, pour eux, de rencontrer des mécènes, des acheteurs de spectacles et se rendre beaucoup plus autonomes et vivre de leur art.

L.P : Pour l'édition 2008 du Festival Wassa, vous avez retenu comme thème : Les masques et l'histoire des rois . A quoi obéit le choix de ce thème ?
M.D : Nous avons opté pour ce thème, parce qu'en Côte d'Ivoire, il y a toute une tradition de masque. Dans les régions où cette culture a cours, on parle de masque féminin, masque sacréDonc, du moment où il y a un interdit dans cette tradition de masque, forcement il y a quelque chose à découvrir. C'est cela l'intérêt même du Festival Wassa, c'est-à-dire faire découvrir toute la Culture ivoirienne. Donc, il est important que les gens sachent quels sont les éléments originaux de notre Culture. Nous allons montrer à quelle période le masque sort, les différentes cérémonies qui gravitent autour de son apparition, les totems etc. Il est important que les gens sachent tout cela. Il en est de même pour l'autre pan du thème qui porte sur les rois. En Europe, les gens sont curieux de savoir comment nos rois régnaient avant et comment ceux qui sont encore à la tête de leur royaume règnent

L.P : Mais, vous qui vivez en Europe, avez- vous l'impression que la Culture ivoirienne y est suffisamment connue. Peut-on dire qu'elle se vend mieux là-bas?
M.D : Absolument ! La Culture ivoirienne se vend mieux en Europe. Mais, elle se vendrait de mieux en mieux si nous avons l'opportunité de la valoriser. La Culture, est la seule chose que l'Europe ne peut pas nous apprendre. C'est la seule chose qui peut attirer les Européens chez nous. Il nous suffit de créer des espaces et de mieux pratiquer cette culture. Il faut monter des spectacles attrayants, qui montrent les valeurs culturelles valorisantes et expressives. Certains acteurs culturels pensent qu'il suffit de monter n'importe quel spectacle, parlant de l'Afrique, pour que le public européen se rue dessus. Non ! L'Europe nous a colonisés, mais, aujourd'hui, les mélomanes européens ont envie d'apprendre quelque chose de nous. C'est notre Culture qu'il n'ont pas pu prendre, c'est ce qui les intéresse de plus, donc il faut être à même de transmettre cela. Donc, il faut monter des spectacles concrets.

L.P : L'organisation d'un tel festival doit coûter cher ! D'où tirez-vous vos moyens ?
MD : En toute chose, la volonté est le premier moyen capital dont l'on doit disposer. Je suis Professeur de danse, j'ai le minimum pour vivre. Avec la volonté de réaliser quelque chose, l'amour que j'ai pour la danse, en tant que Chorégraphe, j'ai mis toute ma dynamique, mes idées et ma chance en branle pour y parvenir. Je me suis donc fait entourer de personnes ressources et c'est le résultat qui est là. En Europe, il suffit d'avoir des idées concrètes et positives qui peuvent être, tant profitables à l'Europe qu'à l'artiste et à son pays. Mais, lorsque vous n'avez rien de nouveau à apporter, parce qu'ils ont déjà tout ici, alors vous ne pouvez pas obtenir de subvention. En somme, je voudrais dire que la subvention est venue de tous les bénévoles qui sont à nos côtés.

L.P : Vous êtes plus connue en Europe, précisément en France, qu'en Côte d'Ivoire. A quoi est dû ce fait. N'est-ce pas pour corriger cela que vous organisez le Festival Wassa ?
M.D : Je suis tout de même connue dans le milieu artistique en Côte d'Ivoire, puisque j'ai commencé ma carrière ici. Les ambitions aidant, j'ai tout de suite été responsabilisée à la tête de ma troupe de danse (la Compagnie Wassa). Du titre de Chorégraphe, j'ai rapidement évolué en tant que Directrice artistique, celle-là qui est toujours à la recherche de contrats En Europe, on me connaît plus parce que j'enseigne et, également, je suis de plus en plus au devant de la scène qu'au c?ur de la troupe. Cela est dû également au fait que j'ai créé une école, j'ai formé beaucoup d'élèves dont je suis la référence, c'est peut-être tout cela qui explique que je sois plus connue là-bas qu'ici.

L.P : Quelles sont les conditions de participation au Festival Wassa ?
M.D : Nous parlons d'autonomie, donc, il faut être une troupe ou une compagnie bien structurée, avec un Directeur artistique, avoir une création de qualité, puisque nous avons des experts qui s'occupent de la sélection. Deux compagnies sont déjà retenues pour la troisième édition qui se déroulera du 07 au 14 juin 2008, dans la ville de Fougère en France. Pour la danse, il y a la Compagnie "Maboya" et pour le théâtre, la Compagnie "Siamoi Expression". La compagnie doit être aussi capable d'une gestion autonome. Il ne s'agit pas de porter du raphia et savoir sautiller pour prétendre avoir l'admiration du public européen. C'est pourquoi, il y aura un casting pour la sélection des troupes qui voudront s'affilier à l'Association Culturelle Zassa d'Afrique (ACZA) que je dirige. Le festival Wassa est une occasion solennelle pour vendre l'image de la Côte d'Ivoire, donc ce sont des spectacles de hautes qualités que nous sélectionnons. Pour l'édition de 2009, nous avons déjà retenu comme thème, la lutte contre les mutilations génitales, particulièrement l'excision .

L.P : Aujourd'hui, il y a le phénomène de l'immigration clandestine, qui fait que les jeunes Africains qui ont l'opportunité d'aller en Europe ne reviennent plus. Y a-t-il des garde-fous pour contrôler les troupes qui iront avec vous, afin que personne ne s'évapore dans la nature ?
M.D : C'est cette fuite des artistes qui fait qu'il n' y a aucun espace d'expression pour l'art ivoirien en Europe, particulièrement en France. Mais, le Festival Wassa a cette particularité de faire en sorte que tous les festivaliers partis de la Côte d'Ivoire reviennent. Chaque fois que je reviens au pays, je tiens des conférences pour sensibiliser les artistes sur l'intérêt qu'ils ont à ne pas devenir des clandestins en France. Avec ce statut, ils ne peuvent plus exercer leur art. Alors que lorsqu'ils vont et viennent, à partir d'un moment, ils peuvent obtenir un visa permanent qui leur permettra de se produire quand ils le veulent et où ils le désirent. C'est mon cas, je peux aller en France et revenir au pays n'importe quand. Un artiste doit avoir un parcours. Lorsque vous avez du talent, vous n'avez pas le droit de le noyer en restant en Europe pour exercer de petits métiers qui n'honorent pas. L'un des objectifs de ce festival, est de leur donner l'opportunité de se balader à travers la France et l'Europe. Aux artistes, nous tenons un discours clair. L'Euro qu'ils gagnent là-bas, en l'investissant en Côte d'Ivoire, ils peuvent vivre mieux ici. Il y a des Africains qui ont réussi à se faire une place en Europe. Par contre, il y a ceux qui n'ont pas réussi, mais qui ne disent pas la réalité de leur vie à ceux qui sont restés au pays. L'Eldorado, c'est aussi ici.

L.P : Avec toutes ces initiatives que vous prenez, avez- vous le soutien des autorités ivoiriennes?
M.D : Mon passage sur les antennes de la télévision et à la radio nationales a porté ses fruits. J'ai pu rencontrer l'Administrateur provisoire du Burida, le ministère de la Culture qui ont promis être au Festival Wassa.
Par Jean- Antoine Doudou

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