L'achat de la Maybach à 500 millions F CFA par Victor Ekra continue d'indigner les Ivoiriens. Mais aujourd'hui s'est surtout sur l'opportunité d'un tel achat que l'on s'interroge surtout. Et au bout de cette quête surgit la cause véritable de la misère et du sous-développement où l'Afrique noire est solidement engluée.
D'où proviennent les 500 millions ?
Victor Ekra voudrait s'offrir dix Maybach de ce prix en même temps que s'il faisait ces acquisitions avec le fuit de son propre labeur, l'opinion en aurait été moins choquée. Mais le seul emploi et donc source de revenus financiers qu'on connaît à Victor, c'est d'être conseiller de son père Mathieu Ekra, Grand Médiateur de la République. Logique pour logique, cela veut dire que les 500 millions F CFA qui lui ont servi à acheter cette Maybach découlent de sa rémunération de conseiller à la Grande Médiature. Mais diable, à combien est-il alors payé pour qu'il puisse s'offrir un bien matériel aussi onéreux que si réputé pour être périssable ? Parce que pour qu'il consente à s'offrir cette pure folie, c'est qu'il est certain que cela ne va pas l'appauvrir. C'est-à-dire qu'il est certain que ce n'est pas la totalité de ses économies qu'il y engloutit. En clair, pour en venir à claquer 500 millions F CFA dans un bien que rongeront inévitablement la teigne et la rouille, Victor Ekra doit avoir nécessairement la certitude d'être adossé à une fortune équivalant au moins à dix fois le montant de cet achat. Pour assurer ses vieux jours et l'avenir de sa descendance. Mais ce qu'on comprend surtout, c'est que le budget de fonctionnement alloué par l'Etat à la Grande Médiature est incommensurablement superflu. Pour que de simples conseillers soient si grassement rémunérés au point de s'offrir des Maybach à 500 millions F CFA, il faut bien convenir que cette institution, est un gouffre financier qu'il faut remblayer tout de suite. A moins que ce ne soit le seul traitement de Victor Ekra taillé sur mesure, qui permette une telle mégalomanie. Comment l'Etat peut-il alors engloutir autant d'argent dans le fonctionnement d'une institution qui n'a pourtant pas pu empêcher la crise socio-politique de dégénérer en une guerre en Côte d'Ivoire ? En réalité, c'est cette répartition irrationnelle des ressources des pays africains et singulièrement de la Côte d'Ivoire, qui est la cause profonde et véritable du sous-développement et de la misère qui frappent ces pays. Ainsi, on prive d'investissement des secteurs capitaux dans le développement d'un pays comme l'éducation, la santé, l'agriculture, la recherche scientifique, l'industrie, les routes, etc. Pour engloutir l'argent dans des institutions ne servant que le seul prestige des amis et des parents qui y sont nommés. Assurément, les 500 millions F CFA mis à la disposition de Victor Ekra pour l'achat de sa seule Maybach, c'est au bas mot une cinquantaine de centres de santé en milieu rural, autant d'écoles, etc.
Le don de soi qui fait les grands hommes
Une cause du sous-développement de l'Afrique, mise en évidence par ces 500 millions consacrés par Victor Ekra à sa vulgaire voiture, c'est l'incapacité des Africains à voir au-delà de leur seule personne. Quand bien même il arriverait à convaincre que cet argent est à lui, l'argumentaire du plaisir à satisfaire à travers une telle acquisition ne tient pas la route. En réalité, elle relève d'un égoïsme profond et mal contenu, doublé d'un penchant à écraser l'autre, à le narguer. Or c'est à travers le don de soi, que dans l'histoire, des hommes se sont faits grands et ont fait évoluer l'humanité. A l'école, l'on enseigne que pour que le Japon prenne son envol vers la modernité, des riches familles comme les Zaibatsu, Zaïkaï et Mitsubishi ont volontairement mis leurs fortunes au service du développement de leur pays. Tout près de nous ici, pour que le Liban amorce sa reconstruction et son redressement, feu le Premier ministre Rafik Hariri a dû mettre à contribution sa fortune et ses réseaux d'affaires personnels. D'où le prestige à jamais rattaché à sa lignée. Un Africain serait-il jamais capable d'une telle élévation, d'un tel dépassement de soi pour embrasser le rêve d'un essor global du village, de la région, de la tribu, de la nation auxquels, il appartient ? L'achat de ce bien périssable à 500 millions F CFA qu'est la Maybach de Victor Ekra démontre que non ! Parce qu'une telle voiture, on l'achète afin que les pauvres du village, du quartier, etc regardent son acquéreur qui en est le seul jouisseur.
(par Michel Dia)