mardi 4 mars 2008 par Nuit & Jour

En visite sur le continent africain la semaine écoulée, le Chef de l'Etat français, Nicolas Sarkozy a laissé éclater au grand jour sa volonté de reformer les relations franco-africaines. A la vérité, ce discours est déjà en porte-à-faux avec la pratique que le patron de l'Elysée fait de ces relations.

Alors que durant sa campagne électorale Nicolas Sarkozy clamait à s'en rompre les cordes vocales, qu'il allait remettre à plat, puis redéfinir les relations entre son pays et ceux du continent africain, le numéro un ivoirien, Laurent Gbagbo, lui avait envoyé cette réplique d'agacement : " si cela était possible, il y a bien longtemps que ses prédécesseurs l'auraient fait avant lui ". Après dix mois de présence de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, qui de lui ou de Laurent Gbagbo aura eu finalement raison ? En clair, le candidat devenu Chef de l'Etat, a-t-il incidemment converti sa promesse électorale en des actes concrets de gouvernance ? Pour l'heure, c'est un Nicolas Sarkozy emmêlé dans des actes de contradiction qui s'offre à l'Afrique. En visite sur ce continent la semaine écoulée, il a de nouveau servi ses promesses d'une refonte de la politique de son pays en direction de ses anciennes colonies. Et ce sont ''ses'' bases militaires, principale pomme de la discorde entre les Africains et lui, qu'il promet de démanteler. Mais dans le fait, ces promesses et même leur matérialisation, suffisent-elles à conclure à la refonte des relations franco-africaines dont le candidat Nicolas Sarkozy avait pris l'engagement ?

Le maniement de la
contradiction
A la vérité, comme prédit par Laurent Gbagbo et nombre d'observateurs au fait du bien-fondé des relations entre la France et l'Afrique, Nicolas Sarkozy, qui en est lui aussi dorénavant imprégné depuis qu'il est à l'Elysée, est comme pris dans une fourche caudine. Entre le marteau de sa solennelle promesse de se démarquer de ses prédécesseurs dont singulièrement Jacques Chirac et l'enclume des immobilismes et pesanteurs fondateurs de la Françafrique. Le démantèlement des bases militaires françaises promis par Nicolas Sarkozy n'est en réalité que de la poudre aux yeux. Il ne s'agit dans les faits que d'un redéploiement. Ne sont concernées que l'opération Epervier en activité au Tchad depuis 1986 et qui n'est pas en réalité une base et l'opération Licorne et le 43e BIMA présents en Côte d'Ivoire où le sentiment anti-français est à son comble. Il ne s'agit donc que d'un redéploiement de ces opérations et de cette base à l'importance stratégie peu importante. Pour les fondre dans les bases militaires françaises hautement stratégiques du Sénégal et du Gabon. Sans compter la Légion Etrangère à Djibouti, qui est la base française la plus importante à l'étranger et qui ne sera jamais remise en cause. Déjà que le démantèlement des bases militaires annoncé ne s'avère que comme un ''aurevoir sans partir'', quelle est en fin de compte, la teneur des réformes promises par Nicolas Sarkozy ? Rien qui renforce la souveraineté des ex-colonies souhaitée. En Côte d'Ivoire par exemple où le débat de la suppression du franc CFA au profit d'une monnaie fait rage, l'administration de l'actuel Chef de l'Etat français, qui se veut pourtant en rupture avec celles de ses prédécesseurs, marche exactement dans leurs par de silence total et résolu sur cette question. Preuve que cette administration n'est pas près de s'ouvrir à des discussions à propos d'une question si capitale. Inutile de dire que Nicolas Sarkozy, qui, en tant de Chef de l'Etat, a fini par découvrir l'importance de l'instrument de la Françafrique qu'est le franc FCA et par y goûter, s'est converti sans réserve à sa religion. Tout comme il a goûté à celle des relations verticales, de domination et de condescendance entre la France et ses ex-colonies africaines et s'y est converti. Ce qui lui a permis de se rendre au Tchad pour en repartir dans son avion personnel avec ceux des mis en cause dans l'affaire de l'Arche de Zoé dont la responsabilité était moins engagée. Et non sans avoir organisé personnellement avant son départ la parodie de procès qui a abouti au rapatriement en France de ceux dont la responsabilité était plus profonde, puis la grâce du président tchadien qui a permis leur remise en liberté. De tels actes défiant l'orthodoxie des relations normales entre deux Etats souverains, ne sont possibles que dans le seul cadre de la Françafrique. En fin de compte, Nicolas Sarkozy est engagé dans une sorte de relation répulsion- attraction avec l'Afrique, qui est très loin des réformes promises.
(par Michel Dia)

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023