jeudi 6 mars 2008 par Fraternité Matin

Le Président de la République a fait le bilan d'un an de mise en ?uvre de l'Accord politique de Ouagadougou sur ONUCI-FM dont il était ??L'invité spécial'' dans son édition de mardi.

Excellence, une année après la signature de cet accord, quelle est votre impression générale?

Merci Madame et merci à ONUCI-FM de me rencontrer pour que l'on fasse le point. Observez un peu l'atmosphère dans le pays ici-même à Abidjan, à l'intérieur du pays notamment à Bouaké, au centre, à Korhogo, Man, Odienné, Bouna, Nassian Souvenez-vous, il y a un an, nous n'étions même pas encore dans le temps des élections parce qu'à l'époque, on cherchait une formule pour mettre fin à la crise. Charles Konan Banny était Premier ministre, j'étais à mon poste, nous étions très loin du cadre que nous observons aujourd'hui. Madame, si nous sommes tous de bonne foi, nous devons observer que la paix est rétablie sur l'ensemble du territoire ivoirien. C'est la première des choses. La paix, c'est elle qui est le fondement de notre lutte. Les hommes circulent, du nord au sud en passant par le centre, et de l'est à l'ouest en passant par le centre.
Hier encore, je recevais le chef de canton de Sinématiali comme j'ai reçu les chefs de Gbon, des gens de Kouto, de partout. Il y a un an, cela n'était pas possible. Donc non seulement, la paix est revenue sur l'ensemble du territoire, mais aussi la circulation est rétablie sur l'ensemble du territoire. La plus grande preuve, c'est que les camions allant au Burkina Faso, au Niger et au Mali ont repris le chemin de la Côte d'Ivoire, et aujourd'hui, nous ne discutons plus de leur venue ici. Nous discutons de la manière dont il faut améliorer la fluidité routière parce qu'il y a des coupeurs de routesDonc nous sommes maintenant dans le détail quotidien, nous sommes dans l'ordinaire. Je voudrais que les gens observent tout cela.

Justement nous allons voir à la loupe cet ordinaire dont vous venez de parler. Il a commencé par les audiences foraines, que l'on savait très difficiles. Il y a eu des interruptions, aujourd'hui les audiences foraines ont repris. Mais il y a des difficultés sur le terrain qu'il faut reconnaître. Par exemple, le manque de matériel pour le personnel. En outre, ce délai de trois mois est-il vraiment réaliste?
Les audiences foraines n'avaient pas été jusqu'à leur terme parce qu'elles ne le pouvaient pas. Ce que l'on nous proposait, il y a plus d'un an, n'étaient pas des audiences foraines. C'était tout, sauf quelque chose de légal. On nous proposait de faire des audiences foraines et en même temps, sur les mêmes lieux, des séances pour délivrer les certificats de nationalité. Le Président de la République de Côte d'Ivoire ne peut jamais accepter cela parce que c'est illégal, c'est hors la loi. Les audiences foraines ont un seul objectif, c'est de délivrer des jugements supplétifs d'acte de naissance ou des certificats de décès. Voilà les seuls points concernés par les audiences foraines. Ou bien on fait des audiences foraines ou bien on fait autre chose. Le Président de la République ne pouvait que bloquer une dérive qui n'avait rien à voir ni avec la paix ni avec la loi. Parce que pour faire la paix, il faut d'abord respecter la loi. Donc, aujourd'hui, les audiences foraines fonctionnent normalement. Vous avez dit qu'il manque du matériel, mais c'est cela l'ordinaire. Quand un sous-préfet est à son poste, je dis, l'Administration est rétablie. Même si le sous-préfet dit qu'il ne peut pas faire de tournée parce qu'il n'a pas de voiture ou d'essence. Ce sont des problèmes ordinaires que l'on rencontre dans le pays.
D'où la question des délais. Est-ce qu'en trois mois, comme le stipule l'Accord de Ouaga, il est possible aujourd'hui d'achever les audiences foraines?
Nous ne faisons pas les audiences foraines pour un accord, nous appliquons l'Accord pour avoir la paix. Si pour avoir la paix, il nous faut aller au-delà de trois mois, nous le ferons. Si nous estimons, au bout de trois mois, que nous avons fini, nous arrêtons. Mais quand on parle d'un objectif, les modalités pour y arriver deviennent automatiquement secondaires. Notre objectif, c'est ça le principal. Je ne sais pas si vous percevez cela. Je le perçois. L'autre objectif, c'était aussi l'identification générale de la population.
Non ! Nous n'en avons jamais parlé. Qu'en est-il de l'identification générale de la population?
On parle de l'identification des électeurs. L'identification des électeurs et aussi de la population?
Mais l'identification de la population aura lieu, en 2008, de toutes les façons, qu'il y ait élections ou pas. Parce que tous les dix ans, en Côte d'Ivoire, nous faisons l'identification générale de la population. Excellence, vous me tendez la perche justement. Vous dites tous les dix ans et aujourd'hui, une bonne partie de la population ivoirienne est hors-la-loi parce que sans pièces d'identités à jour. Ceux-là, il y a les audiences foraines qui règlent leur cas. Quelle autre situation va régler le cas des populations qui auront besoin d'aller aux élections pour élire ou être élus?
Madame, je voudrais d'abord vous dire de ne pas confondre l'identification, le droit pour chaque citoyen d'avoir une carte d'identité et les élections. Parce que quand on le fait, on est tellement excité par les élections et alors il peut avoir des dérives. Il y a d'abord l'identification. Chaque Ivoirien doit avoir des papiers, puisque j'ai réglé le cas des Ivoiriens. Pour eux, j'ai supprimé la carte de séjour et j'ai dit que la Côte d'Ivoire reconnaissait les documents émis par leur pays d'origine, pour ceux qui sont de la CEDEAO. Donc que vous soyez Burkinabé, Maliens, Guinéens, etc, si vous avez une carte d'identité de chez vous ou une carte consulaire, la police ou la gendarmerie doit les reconnaître. Pour ce qui concerne les Ivoiriens, depuis 1992, on n'a pas établi de façon régulière les cartes d'identité. C'est que le gouvernement Ouattara, sous la conduite d'Houphouet-Boigny, a lancé l'opération des cartes d'identité infalsifiables. Elle s'est arrêtée en 1993 avec la mort de Félix Houphouet-Boigny. Quand le Président Bédié est devenu Président de la République, il a lancé le CNS (Conseil national de sécurité) qui, à son tour, a lancé vers la fin des années 90, une autre opération d'identification et d'établissement des cartes d'identité. Cette opération n'est pas allée à son terme.
Elle n'a pas abouti non plus! Elle s'est arrêtée en 1999 avec le coup d'Etat. Le gouvernement militaire de transition ne s'est pas occupé de cette question. Nous sommes arrivés en 2000. En 2001, nous avons créé le Conseil national d'identification et nous avons commencé l'établissement des cartes d'identité. Et en septembre 2002, il y a eu la guerre. Donc quand on dit qu'il y a des gens qui n'ont pas de carte nationale d'identité, c'est vrai. Moi non plus, je n'en ai pas puisque ma carte d'identité avait été faite en 1997. Elle a une durée de vie de 10 ans, donc, elle est périmée. On s'organise pour établir de nouvelles cartes d'identité. C'est tout, ce n'est pas un drame. Il ne faut pas que les gens prennent cela comme si on les écarte de la nationalité ivoirienne. C'est une clarification qui était nécessaire. Nous allons aborder l'autre chapitre de cet accord, le DDR, le désarmement. Aujourd'hui, il y a eu le Centre de commandement intégré mais quand on observe, il y a toujours deux états-majors. Quelle est votre réaction en tant que chef suprême des armées?
Ce n'est pas grave. Je vais régler le problème. On n'est pas arrivé au bout du processus et on voit les gens s'inquiéter souvent très hypocritement. Je vois souvent des gens pousser de hauts cris mais ce sont des hauts cris, que je comprends et décode parfaitement. Ce sont de hauts cris hypocrites. Je suis serein parce que je sais que l'on va aux élections tranquillement. Nous avons déjà commencé le DDR, c'est-à-dire que les fronts de combat n'existent plus, depuis que nous avons démantelé ceux de Tiébissou et Djébonoua. Le CCI existe. Qu'est-ce qu'il nous faut aujourd'hui ? Il nous faut ramasser les armes et les mettre à la disposition du CCI pour qu'il les garde. C'est la seule opération qui nous reste à faire. Nous allons le faire bientôt, en tout cas nous allons le faire avant les élections.



Pourtant le regroupement des ex-combattants semble se heurter à des problèmes financiers?



Oui ! Mais c'est ce que j'appelle des problèmes ordinaires. Si vous me signaliez des obstacles politiques ou décisionnels, là, j'aurais dit oui il y a vraiment de l'eau dans le gaz. Mais ce n'est pas le cas. C'est simplement qu'il y a des moments où on n'a pas beaucoup d'argent, donc on met une opération en veilleuse par rapport à une autre. Là, nous étions pour les deux mois passés, occupés à rembourser notre dette vis-à-vis de la Banque mondiale. On a fini maintenant.



Une idée des sources de financement?



Nous avons le financement. Mais nous demandons aux gens de venir nous aider. Celui qui le fait, c'est tant mieux. Le FMI nous a promis quelque chose, la Banque mondiale et la BAD également. Le Premier ministre a présidé une table-ronde avec nos donateurs. Le problème n'est pas là, le problème, c'est que ce sont les mêmes recettes. Alors, il y a des moments où nous mettons l'accent sur une opération donc nous mettons en veilleuse d'autres opérations et un autre moment, où nous mettons l'accent sur une autre opération. C'est pourquoi, on a l'impression d'avancer en dents de scie. C'est effectivement le cas, mais on avance.

M. le Président, d'aucuns parlent de désarmement avant élections, d'autres d'élections avant désarmement. Qu'en pensez-vous?

C'est un faux débat. Il faut appliquer les textes de l'accord. Et je me souviens que quelqu'un avait dit que ce débat était idiot, il n'avait pas tord. Parce qu'il n'a pas sa raison d'être. Notre objectif, c'est d'appliquer l'Accord que nous avons signé, or il stipule de faire le désarmement. Donc nous allons faire le désarmement.

A propos du désarmement, il y a toujours cette question des grades?

Non, la gestion des grades n'a rien à voir avec le désarmement. La question des grades n'est pas une question de désarmement. Le désarmement consiste à prendre les armes des mains de ceux qui n'ont pas le droit de les avoir et de les confier au CCI. Maintenant, les grades, c'est un autre problème. Vous savez pourquoi je n'en parle pas souvent, parce que ça fait partie des faux problèmes qui encombrent le chemin de la paix. Nous avons dans les FANCI, 18.000 hommes, 12.000 à la gendarmerie, 16.000 à la police, 6.000 dans les corps annexes comme la douane, les Eaux et Forêts. C'est-à-dire que nous avons en tout 52.000 hommes en armes. 437 seulement d'entre eux sont partis à la rébellion. Seuls 30 sont concernés par le problème des grades dont vous parlez. Donc vous comprenez que pour le Président de la République, ce n'est pas important. Donc il règle les problèmes importants qui se présentent à lui. Et j'avance, vous le voyez bien. J'avance et je souhaite que tout le monde avance avec moi. C'est un petit problème qui sera réglé.

Est-ce réaliste, le délai de juin 2008, étant donné toutes ces étapes qu'il faut respecter avant d'y arriver?

Je ne comprends pas les Ivoiriens. On aurait dû faire nos élections en octobre 2005, on ne les a pas faites parce que rien n'était prêt. On est aujourd'hui en 2008. On dit que va faire les élections en juin 2008 et c'est là que les gens sont excités. Mais enfin ! S'ils sont excités, il aurait fallu qu'ils le soient en 2008 puisque le terme normal était octobre 2005. Si en 2005, nous ne les avons pas faites, c'est qu'il y a un problème et c'est ce problème que nous sommes en train de résoudre. Il faut qu'ils voient si oui ou non, nous résolvons ce problème. Les gens qui, hier, étaient soumis au couvre-feu, à partir de 18 heures ou 19 heures, qui aujourd'hui vont en boîte de nuit, au restaurant, circulent ; les avions qui n'atterrissaient plus ici et qui atterrissent aujourd'hui, des gens qui n'allaient plus dans leurs villages qui y vont aujourd'hui. Comment ces gens peuvent-ils être aujourd'hui plus excités qu'un autre ? Il ne faut pas que les gens soient excités. On va faire les élections, je travaille pour qu'on les fasse en juin 2008. Mais si on ne les fait pas à cette date, ce n'est pas la mort parce qu'on ne les a pas faites en octobre 2005 et il n'y a rien eu.

Donc quelle date avancez-vous?

Je dis juin 2005, c'est la date que nous avons fixée et c'est sur cette base que nous travaillons. Mais si nous arrivons à juin 2008 et que nous constatons, une semaine avant, que nous n'avons pas fini, nous dirons aux Ivoiriens que nous n'avons pas fini. C'est tout, ce n'est pas un problème. On devait le faire en octobre 2005, j'avais même signé un décret appelant les gens aux urnes. On n'a pas pu le faire, on avance. Aujourd'hui, nous sommes plus proches des élections que nous ne l'étions en 2005. L'Accord politique de Ouaga confie leur certification à la communauté internationale. Quelles sont vos relations avec cette communauté par rapport à ce chapitre?
Elles sont très bonnes, parfaite. Je viens même de rencontrer M. Choi qui est chargé de la certification. Nos rapports sont très bons. Mais ce que j'ai dit à notre frère, le Zimbabwéen qui est venu de l'ONU, c'est que nous avons eu des problèmes avec Stoudmann mais nous n'en avons jamais eu avec l'ONU. Il ne faut pas que les gens confondent. La Côte d'Ivoire n'a jamais eu de problème avec l'ONU. Mais j'avais un problème avec Stoudmann. Donc j'ai demandé à l'ONU, au lieu de laisser un individu grever les rapports entre un Etat et notre organisation commune qui est l'ONU, de le rappeler. Ainsi, nous allons rester tranquille ici avec elle et travailler. Dès l'instant que cela a été fait, il n'y a plus de problème, on n'a aucun problème avec l'ONU. Concernant la certification, c'est celui qui veut tricher qui en a peur. Sinon elle vise à constater que les gens sont allés effectivement voter, que les listes étaient effectivement conformes à la loi, que chacun de ceux qui devaient voter a pu le faire, que tout s'est déroulé dans la paix, dans l'ordre. Qui va avoir peur de cela ? C'est ce que l'on fait tous les jours en Côte d'Ivoire. Nous parlions tantôt du financement du processus de sortie de crise. Venons en au dossier de l'unicité des caisses de l'Etat. Où en sommes-nous notamment en ce qui concerne les Impôts, le Trésor?
On n'a pas encore tout réglé. Si tous les problèmes de la Côte d'Ivoire étaient réglés, on n'en serait pas là, je serais déjà en train de faire les élections. Par exemple, on n'a pas encore mis tous les douaniers aux autres postes de douane. Aujourd'hui, les postes de douane qui marchent vraiment, ce sont ceux des Ports d'Abidjan et San-Pedro, de l'Aéroport d'Abidjan, de Noé et certains qui sont sur la frontière est. Sur la frontière nord et nord-ouest, je veux parler de Ouangolo qui est un gros poste de douane et Minignan, on n'a pas encore installé les douaniers. Mais cela fait partie des questions que nous sommes en train de régler. Mais les Forces nouvelles ne semblent pas prêtes à céder la collecte des ressources à l'Etat? Pourquoi? On a signé un accord qui est en train d'être appliqué. Ne vous en faites pas Madame. Quand ce sera le moment d'installer les douaniers, j'appellerai tous les journalistes pour le leur signifier. Il n'y a pas deux Etats, il n'y en a qu'un seul. Et en signant l'Accord de Ouagadougou, les Forces nouvelles le confirmait. C'est pourquoi nous avons fait ces progrès jusqu'à présent. Et le même problème se pose au niveau du redéploiement de l'Administration. Il n'y a pas de problème.
La collaboration n'est pas toujours bonne avec les Forces nouvelles?
Ah si, Madame, ou bien alors vous ne suivez pas bien. Nos préfets ont des problèmes non pas avec les Forces nouvelles mais avec nous parce que nous n'avons pas encore mobilisé tous les fonds pour permettre à chacun d'avoir sa voiture, sa maison, ses bureauxIl y a des préfets qui travaillent dans des studios, ils ont leurs lits à côté et y reçoivent des gens. Donc ce sont des problèmes qu'ils ont avec nous, c'est-à-dire, l'Etat central, et non avec les Forces nouvelles.
Revenons un peu aux élections. Quelle doit être la part de chacun puisqu'on parle d'élections libres, transparentes, ouvertes à tous. Quel est votre ingrédient, M. le Président de la République?
Je n'ai pas d'ingrédient puisque je n'organise pas d'élections. Mais l'Etat de Côte d'Ivoire est structuré. Il y a une institution qu'on appelle la CEI dont le rôle est d'organiser les élections. Pour éviter les fraudes, on a retiré leur organisation au ministère de l'Intérieur, on a créé la CEI qui en est responsable. Et la Sagem est chargée de l'identification. Non, non ! Il y a deux institutions techniques dont c'est le rôle. Il y a l'INS et la Sagem. Quand vous dites la Sagem, c'est faux, quand vous dites l'INS, c'est faux. C'est l'INS et la Sagem.
Que doivent faire respectivement l'INS et la Sagem?
Ce sont les deux qui doivent discuter pour me soumettre un projet de décret à propos de leur collaboration. Normalement, nous n'avons pas besoin d'un opérateur privé en Côte d'Ivoire. Depuis 1945 que notre pays organise les élections, nous avons une institution publique dont le nom a changé plusieurs fois. Elle s'est appelée, il y a 30 ans, la DGS (La Direction générale de la statistique), aujourd'hui, elle s'appelle l'INS (l'Institut national de la statistique). C'est avec cet organisme que nous faisons les listes. Mais comme cette fois-ci, nous sommes en crise et que les gens crient partout, que tant de gens ont peur, alors, j'ai accepté que l'on adjoigne à l'INS un organisme privé. Donc les deux (l'INS et la Sagem) doivent définir ensemble leur collaboration et je vais prendre un décret dans ce sens. Un autre gros chapitre concernant la politique intérieure. Il revient souvent dans les journaux des rumeurs de coup d'Etat. Vous savez, quand on sort d'un traumatisme, on a parfois cette nostalgie de se faire peur. Soit on se fait peur, soit c'est réel. Alors je vous retourne la question. Ces rumeurs de coup d'Etat, est-ce parce que les Ivoiriens ont pris l'habitude de se faire peur ou est-ce réel ?
En Côte d'Ivoire, il y a certains qui veulent peut-être faire des coups d'Etat et d'autres qui ne sont pas sérieux. En Afrique, c'est ainsi. Avant, les gens allaient à l'assaut de la radio et de la télévision pour prendre le pouvoir. Maintenant, ils veulent prendre le pouvoir par l'informatique. Donc, chacun se lève, il se fait filmer. On s'inscrit dans les nouvelles technologies.
Oui, oui. Ils s'inscrivent dans les nouvelles technologies. Ils se mettent en scène. Ça existe. Il faut regarder cela comme des phénomènes. Et puis on avance. M. le Président, nous semblons assister à la création d'un nouveau Front républicain. Il y a par exemple le RDR qui a récemment fait un clin d'?il aux Forces nouvelles. Quelle est votre opinion sur la question ?
Je n'ai pas d'opinion. (rires). Moi, ça ne m'intéresse pas.
D'autres alliances en vue, est-ce que le FPI
Non, non. Vous savez, les gens oublient qu'une élection présidentielle, c'est un contrat entre un individu et le peuple. Vous pouvez avoir mille partis derrière vous, c'est un contrat entre un individu et le peuple. Nous allons aussi aborder la question des médias. Notamment la RTI et Fraternité Matin. A ce niveau, les gens ont besoin d'être éclairés, tout le monde se plaignait de ne pas y avoir un libre accès. Aujourd'hui les choses semblent se clarifier si je ne me trompe ?
Oui, enfin. Mais pour moi les choses ont été toujours claires. Quand on est à la radio et à la télévision, il y a une règle qu'on appelle la règle des trois tiers : le Gouvernement, c'est-à-dire ceux qui dirigent, ont un tiers de temps pour expliquer leur politique. Les partis qui soutiennent l'Etat ont un tiers et puis l'opposition a un tiers. Si l'on ne comprend pas ça, c'est que l'on n'a rien compris. Vous voyez ? En outre, il y en a qui ne sont pas présidents et qui veulent passer à la télévision comme s'ils l'étaient. En d'autres termes, (rires) il y en a qui voudraient même, à la limite, faire mes messages de Chef d'Etat à ma place. Qu'ils attendent les élections et s'ils sont élus, c'est tant mieux. S'ils ne le sont pas, ils attendront, dans 5 ans encore.
M. le Président, comment va le FPI au plan politique?
Je ne suis pas président du FPI, ce n'est donc pas mon problème. Allez demander plutôt à Affi N'Guessan.
On assiste à la création de nouveaux courants au FPI. Votre avis là-dessus ?



D'accord, mais allez demander à Affi N'Guessan, il vous répondra s'il le veut.



La Justice semble être aux ordres, ferme les yeux sur l'impunité, la corruption. Prévoyez-vous prendre des mesures?



Mais, vous venez d'arriver ici, ou quoi? Notre justice, il y a longtemps qu'elle est ainsi (rires), avant même que je ne sois Président. Donc,

Cela va-t-il va continuer ainsi ?

Non. Mais le plus grand problème à régler, c'est de sortir de la crise. On ne peut pas en même temps être en train de sortir de la crise et puis vouloir régler tous les problèmes secondaires. Il faut que les gens sachent ce qu'ils veulent. Moi, je me suis battu pour arriver au pouvoir par les urnes. J'ai été élu. On nous a attaqués et cette attaque a entraîné une crise. Nous sommes en train de chercher à en sortir, on ne peut pas nous amener à régler des problèmes qui sont secondaires par rapport à cela. Il faut que l'on soit un peu clair. . Ne pensez-vous pas que la Justice devrait être au c?ur de la relance surtout sur le plan de l'économie?
Madame, ce que je cherche aujourd'hui, c'est de sortir de la crise. Donc, aller aux élections. Une fois que l'on aura fini les élections et que tout le monde constatera que la crise est finie, à partir de ce moment-là, on pourra faire les autres réformes. On ne peut pas aujourd'hui faire la réforme de la Justice, de l'éducation nationale, de la filière café-cacao. Aujourd'hui, on cherche à sortir de la crise et il faut que les gens le sachent, le reste devient secondaire. On ne fait pas mille choses en même temps. Quelle est aujourd'hui la qualité de vos relations avec la France?
L'essentiel, c'est de sortir de la crise. Voyez-vous? (rires) On ne parle pas de relations diplomatiques. Aujourd'hui nos relations diplomatiques sont ce qu'elles sont. En ce qui me concerne, depuis que [Nicolas] Sarkozy [Président français] est au pouvoir, comme je l'ai déjà dit, je dors tranquille. Ce sont les derniers mois de Chirac au pouvoir qui ont été cauchemardesques pour moi. Maintenant je ne m'occupe que de la sortie de crise. Peut-on s'attendre à une visite du Président Gbagbo à l'Elysée?
Là n'est pas le problème ! Le problème, c'est de sortir de la crise. Aller à l'Elysée, recevoir Sarkozy à Abidjan, qu'est-ce que ça peut apporter pour la sortie de crise ? Nous voulons sortir de cette crise et nous travaillons en conséquence. Le Président Sarkozy vient d'annoncer que tous les accords militaires entre la France et l'Afrique seront renégociés. C'est bien dit. Il a bien fait. Ce qu'il a dit est juste et ce sont des choses dont on avait discuté. Maintenant je peux vous le dire, avant qu'il ne fasse son discours au Cap, devant le parlement, il m'avait donné une copie de la partie concernant les accords militaires, les accords de défense. Nous étions trois Chefs d'Etat africains que je ne nommerai pas à avoir été informés et je lui ai dit que s'il dit cela à Pretoria, en Afrique du Sud, il aura les félicitations de Thabo Mbeki parce que c'est l'un des sujets dont nous avons discutés souvent. Et ça n'a pas manqué. Thabo Mbeki m'a appelé, juste après le discours, pour me demander si je l'avais écouté. Je lui ai répondu que j'avais déjà le discours.
Une dernière préoccupation. C'est au sujet de la prestation des Eléphants à la Can. Vous-
a-t-elle affectée et pensez-vous que le sport puisse constituer un enjeu de cohésion sociale?
Oui, mais il ne faut pas exercer trop de pression sur ces jeunes gens. Je pense que c'est une très belle équipe. Ils nous ont apporté beaucoup de bonheur. Ils nous ont apporté beaucoup de joie parce que la CAN à laquelle nous avions participée au Mali après mon arrivée au pouvoir, n'était pas fameuse. Nous étions classés 16ème /16, c'est-à-dire, derniers. Mais aujourd'hui nous sommes l'une des plus bonnes équipes d'Afrique, sinon la meilleure. Moi, je suis content. Là, ils ont fait quelques faux pas, bon occupons-nous d'autres choses. On ne saurait vous quitter après un entretien aussi enrichissant sans demander votre message de paix pour toute la Côte d'Ivoire. Mon message de paix est simple. Premièrement, il faut dire aux gens que le pouvoir se conquiert par les urnes. Tant qu'en Afrique on n'aura pas compris cela, on n'aura rien compris à la paix. La deuxième chose, c'est que maintenant que nous sommes dans la crise, il faut en sortir. Il faut aujourd'hui mettre l'accent sur la sortie de crise et rien d'autre. Comme les gens considèrent, tout comme nous, les élections comme le point d'orgue de la sortie de crise, alors en avant pour les élections ! Moi, je m'amuse souvent à compter le nombre de fois que les gens souhaitent les élections justes, propres, transparentes. Cela m'amuse parce que s'il n'y a pas tout ça, il n'y a pas d'élections. Alors, parler d'élections justes, propres, transparentes, c'est justement ce qu'on appelle élections. Donc, moi je suis prêt, je souhaite que tous les gens le soient également. En tout cas, je vous remercie d'être venues ici.
C'est nous qui vous remercions.
Et puis bonne année 2008 et que la crise finisse totalement !
Merci M. le Président.
Je vous remercie au revoir.

Propos retranscrits par Paulin N. Zobo

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