par www.artici.net
Le secrétaire permanent du forum des Roi, Sultans, Princes, Cheick et Chefs Coutumiers d'Afrique, l'ivoirien Tchiffi Zié, après une crise postélectorale qui aura fait plus de 3000 morts est sortie de sa réserve et déballe tout sur ce qu'il appelle de page triste dans l'histoire de son pays, ses propositions pour la réconciliation et ses projets de prévention des conflits sur le continent.
Comment se porte aujourd'hui Sa Majesté (Tchiffi Zié), après la crise postélectorale qu'a traversée la Côte d'Ivoire ? En un mot comment l'avez-vous vécu ?
C'est avec beaucoup de peine que nous avons vécu cette triste situation en Côte d'Ivoire. Nous nous somme vraiment impliqués au plus haut niveau. Vous pouvez vous en souvenir des actions que nous avions menées pour ne pas qu'il y ait la guerre civile en Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, le statut qui vient d'être accordé aux Rois et Chefs traditionnels, nous le considérons comme la récompense du travail bien fait par la diplomatie traditionnelle qui, soit dit en passant, est la meilleure des diplomaties au monde. Avec ce statut, il faut que nous ayons la possibilité d'aider la République pour aller à la paix afin de préparer des élections paisibles en 2015.
Comment donc comptez-vous en servir ?
Nous sommes en train de mettre en place les mécanismes pouvant nous conduire à la réconciliation. J'ai mis en place un comité scientifique qui est en train de réfléchir sur la méthode à adopter, les stratégies d'approche à l'application de cette méthode pour nous réconcilier. Des institutions sont prêtes à nous accompagner. Dans trois mois, nous entrerons en séminaire de renforcement de capacité en matière de médiation animé par l'Onu.
Le gouvernement a mis en place une commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr), puisque vous parlez de médiation pour accompagner le gouvernement à la paix, est-ce à dire que vous ne vous reconnaissez pas dans la démarche de la Cdvr ?
Personnellement, pendant tout le temps que travaillait le Cdvr, j'étais vraiment pris par les préparatifs du sommet (rencontre des Rois et chefs traditionnels, NDLR) de Malabo. Quand je suis rentré, j'ai pu simplement noter qu'ils ont fait, ce qu'ils pouvaient. Mais je pense qu'il faut les aider. Maintenant que les Rois et Chefs traditionnels sont reconnus par la constitution ivoirienne, il faut qu'ils se mettent en action pour accompagner les autorités administratives dans cette tâche. Même si nous avions fait ce que nous pouvions pour que le pays ne sombre pas dans une guerre civile, nous pensons qu'il est de notre devoir maintenant de trouver les mécanismes du rapprochement des leaders politiques. Et nous pensons qu'à ce niveau là, il y a des techniques. Donc au sortir de ce séminaire, nous allons mettre en place un collectif de leaders traditionnels africains qui pourront être des modérateurs dans la prévention ou la gestion des conflits. Ça sera un panel de leaders traditionnel s de haut niveau comme le Roi Zulu, le Sultan de Bamoun, le Roi Ashanti, le Moro Naba qui viendra nous appuyer afin de nous aider à rapprocher nos enfants, les politiciens. Puisque ce sont eux qui ont des difficultés de compréhension mutuelle qu'il va falloir arrondir les angles. Et avant la fin de cette année, nous pensons pouvoir boucler la réconciliation en Côte d'Ivoire pour aider les ivoiriens à entrer dans la nouvelle année avec un esprit tranquille.
Cela fait près de trois ans que la Cdvr est sur le terrain. Pensez-vous qu'il y a eu des avancées dans le travail ?
Ecoutez, je pense simplement qu'il ne suffit pas décréter deux ans pour faire une réconciliation. Cela dépendant aussi des méthodes opérées par cette institution et il ne faut pas les en vouloir même si le résultat qu'on attendait d'elle n'est pas ça. Je pense qu'il faut apporter à la commission ce qu'il n'a pas pu faire. Dans la configuration, je note qu'il ya des religieux, des leaders traditionnels, des actes qui, pour moi, sont des signes qui montrent que la réconciliation peut venir par l'approche ??traditionnelle''. Ce qui nous conforte dans notre vision que nous, autorités traditionnelles, devons nous lever pour jouer le rôle qui est le nôtre. En septembre 2013, lors du sommet de Malabo, l'accent a été mis sur l'implication des leaders traditionnels dans la prévention et la gestion des conflits.
De votre côte, comment vos administrés ont vécu la crise et comment l'ont-elle digérée ?
Aujourd'hui, les choses se sont calmées, mais nous pensons qu'il faut aller au-delà du simple calmant. Que le fond du problème qui remonte des années 1990 avec l'avènement du multipartisme en Côte d'Ivoire, mal compris jusqu'à ce jour. Des gens ont pensé que la démocratie était une affaire de clan où il faut être du même bord politique que le leader de son groupe ethnique. Or la démocratie ne signifie pas de facto suivre un parent mais plutôt celui qui présente le programme le plus alléchant et raisonnable. C'est malheureusement un mal et il faut que les leaders traditionnels que nous sommes, et qui devons être apolitiques ayons ces quelques connaissances sur la démocratie pour ne pas induire nos peuples en erreur. Le chef qui fait de la politique et qui se porte candidat à une élection qu'il est battu, quelle considération peut-il espérer de son peuple ? Voilà pourquoi, nous estimons qu'à ce poste, le Chef ne doit pas ou plus faire de la politique. D'ailleurs nous nous en félicitons que la nouvelle loi sur le statut des Rois et Chefs traditionnels ait tenu compte de cet aspect par une disposition interdisant la politique aux autorités traditionnelles.
Vous annonciez tantôt d'un colloque qui va bientôt se tenir sur la diplomatie traditionnelle. De quoi va-t-il être concrètement question ?
Ce colloque va se pencher sur les problèmes qui minent le continent africain, mais un accent sera mis sur la crise en Côte d'Ivoire. Parce que nous pensons qu'il ya encore des germes qu'il faut extirper. Il va s'articuler autour du ??renforcement de capacité dans les mécanismes de médiation.'' Malabo a mis en place une commission de paix dans laquelle se trouvent plusieurs pays qui effectueront effectivement le déplacement d'Abidjan afin de bénéficier de ces enseignements et d'en faire bon usage si besoin est. Je vous le répète, la diplomatie traditionnelle, c'est la meilleure des diplomaties au monde que l'on ignore aujourd'hui. Avec elle, j'ai réussi à régler certaines crises qui étaient très difficiles.
Mais pas en Côte d'Ivoire ?
J'avais presqu'atteint l'objectif en Côte d'Ivoire.
Est-ce parce qu'on dit que nul n'est prophète chez soi ?
Je ne pense pas que cela soi exacte, mais cela aurait peut-être favorisé ce que vous dites. Je vous le disais que le problème ivoirien, je l'avais presque résolu, pourquoi ? On était arrivé à un moment, où j'ai demandé rendez-vous aux deux protagonistes. J'ai rencontré un et je lui ai dit ce qu'il fallait dire. Et je pense que ce jour là, le peuple peut s'en souvenir. Après cette rencontre, il a demandé le recomptage des voix. Quelqu'un qui s'est déjà fait investir comme chef de l'Etat et qui demande devant tout le monde le recomptage des voix et qui ajoute même que si on recompte que je ne gagne pas, c'est moi qui aurais honte. Cela veut dire que j'avais déjà remporté une victoire. Mais je n'ai pas été compris. Des gens ont pensé, le fait que peut-être, je sois bété (ethnie de Laurent Gbagbo, NDLR), je suis quelqu'un. Que les gens s'en lève cela dans la tête. Moi, je soutiens la République et non des individus. Je suis auxiliaire de l'administration. Donc, je fais ce qui est bon pour ma République. Il faut donc éviter les amalgames. Mon palais a été pillé parce que des gens me qualifiaient de pro-Gbagbo, ce que je n'ai jamais été. ... suite de l'article sur Autre presse