mardi 25 mars 2008 par Le Matin d'Abidjan

Dimanche dernier, la sous-préfecture d'Ando-Kérenou a ravi temporairement la vedette à Béoumi, le chef-lieu de département. Les populations s'y sont données rendez-vous en grand nombre, pour célébrer avec le couple présidentiel et le Premier ministre, la fête de Pâques.

Les populations de Béoumi, principalement celles de la sous-préfecture de Ando-Kékrénou, à 25 km du chef-lieu de département, ont célébré avec faste ?'Paquinou'' 2008. Elles recevaient dimanche dernier un hôte de marque en la personne du président de la république qui a fait d'une tradition depuis son accession au pouvoir, la célébration de la montée du Christ au ciel dans le pays profond, aux cotés des populations du V baoulé où la Pâques a une connotation particulière. Arrivé à Béoumi à la mi-journée, en provenance de Bouaké qu'il a rallié par voie aérienne, c'est à 15 h que le Président Gbagbo et l'importante délégation qui l'accompagne sont accueillis sous un tonnerre d'applaudissements au stade de Sokpa-Kpalebo, lieu de la manifestation. Au sein de la délégation, figure la première Dame qui a tenu à faire le déplacement de Béoumi, où elle a passé une partie de son enfance, alors que son père, gendarme de son état, y était en service. Le Premier ministre Soro, les ministres Sidiki Konaté, Youssouf Soumahoro et Bertin Kadet, le général Mangou, Wattao, ainsi que le corps préfectoral de la région de la Vallée du Bandama ont pris part aux festivités. Elles démarrent, à la suite de la visite du chef de l'Etat au chef de terre de la localité, avec qui il a échangé vivement. Après la libation par la chefferie traditionnelle, c'est au colonel Amani Oka qu'il est revenu de traduire à l'illustre hôte la joie des peuples Godê, Ayaou et Gouros de la sous-préfecture d'Ando-Kékrenou de pouvoir communier avec le chef de l'Etat en un jour béni de Dieu. ?'Partager des moments de réjouissance avec nous rend davantage optimiste et courageux. Vous soulager des c?urs meurtris par tant de souffrance !'', a dit le porte-parole des populations à Laurent Gbagbo et son premier ministre qu'il a encouragé à tenir bon, malgré les difficultés auxquelles il fait face chaque jour dans l'application de l'accord de Ouaga. Même s'il relève les bienfaits de la politique de décentralisation, le colonel Oka profitera de l'occasion pour adresser au chef de l'exécutif ivoirien des doléances de la jeune sous-préfecture. Il s'agit entre autres de la construction d'un château d'eau, d'un pavillon d'hospitalisation au centre de santé d'Ando, d'un établissement secondaire, de l'octroi d'une ambulance et du bitumage de la route reliant la sous-préfecture au chef-lieu de département. Toutes ces doléances sont contenues dans le livre blanc que les cadres de la région ont remis au chef de l'Etat et dont le ministre Michel Amani N'guessan, porte-parole de l'ensemble des populations du département, a livré la substance dans son intervention. La reconstruction du pont sur le Bandama reliant Béoumi à l'arrière pays. Dynamité en 1975 pour, dit-on, prévenir des inondations après la mise en service du barrage de Kossou, la destruction de ce pont a eu une incidence considérable sur l'économie de la région autrefois carrefour incontournable entre le Nord et le Sud du pays. Il est donc un impératif, selon le ministre de la Défense, de renouveler l'ouvrage afin de désenclaver Béoumi et redynamiser l'économie nationale. En attendant, il urge de doter la région d'un nouveau bac pour la traversée, le précédent ayant été détruit par les FANCI au début de la crise politico-armée en passe de devenir un souvenir. En outre, les populations attendent du président Gbagbo le bitumage de certaines voies dont l'axe Botro-Marabadiassa et le reprofilage des axes importants de Béoumi, l'électrification de quelques villages et la réalisation ou réfection d'infrastructures sanitaires ?'vidées de leurs contenus et sans personnel depuis 2002''.

?'Arrêtez de pleurer''
Quand il prend la parole, le Président Gbagbo salue chaleureusement les populations locales pour leur sens élevé de la fraternité et de la solidarité. ?'Béoumi, une région métis, une région qui représente en elle seule la Cote d'Ivoire par sa composition (Baoulé, Gouros, Wan, Malinkéy vivent) ; une région qui rassemble l'ensemble des peuples de Côte d'Ivoire'', s'est- il félicité, traduisant à son tour la joie de pouvoir communier avec les populations à l'occasion de la fête hautement symbolique de la Pâques. D'ailleurs, c'est sur la base de la résurrection du Christ qu'il demandera aux populations de Béoumi, au-delà à l'ensemble du peuple ivoirien, d'envisager l'avenir sous de meilleurs auspices, de se remettre au travail et éviter de s'accrocher au passé douloureux qu'est la guerre. Un appel à se transcender et à s'engager dans la bataille pour la reconstruction du pays : ?'On a pleuré, c'est bon ! Réarmez-vous pour qu'on retourne à la lutte pour le développement, pour qu'on retrouve le chemin de l'effort et qu'on aille de l'avant. La Côte d'Ivoire doit être ressuscitée. Je suis venu vous donner la vie de la nation. La Côte d'Ivoire était morte Mais ses enfants ont dit qu'ils ne voulaient pas enterrer leur pays. Ce n'est pas un hasard si je fête dans une région ex-assiégée. On ne m'a pas habitué aux pleurs. Quand tu pleures ; et que tu es ton propre père et ta propre mère, tu comprends qu'il faut plutôt recommencer à travailler pour sortir de l'impasse.'' Rappelant l'histoire de l'Allemagne qui a été le théâtre de deux guerres mondiales, dévastée et divisée avant d'être réunifiée après des décennies, il a appelé les populations à ne pas faire des dégâts causés par la guerre, des vestiges pour le tourisme. Encore moins des pleurs une activité programmée. Il a invité les uns et les autres à poser des actes de développement, de faire des efforts au niveau régional avant de solliciter le soutien de l'Etat. Gbagbo conseille aux régions de suivre l'exemple de Bondoukou où il a inauguré récemment une usine de transformation de l'anacarde, une denrée que produit également le département de Béoumi.

Appel aux collectivités locales
Se penchant sur les doléances des populations, le président de la république a réitéré son engagement à faire en sorte que chaque sous-préfecture ou commune soit dotée des infrastructures de base et que tout village bénéficie de l'électricité, de l'eau courante et d'un centre de santé. Il a annoncé des mesures urgentes concernant l'équipement du corps préfectoral en véhicules. Sur la question des logements pour les agents de l'Etat, il a promis aux populations qu'il reviendrait dans un ou deux mois, pour leur donner les réponses à leurs préoccupations. En attendant la construction du pont, l'Etat dotera le département d'un bac. Cependant, vu le tableau sombre dressé par les populations de Béoumi, le Président Gbagbo a lancé un appel aux collectivités locales sur leur rôle dans le développement du pays. ?'En dehors des élections présidentielles, les autres scrutins sont des élections de développement et il n'est pas interdit de s'entendre. PDCI, RDR, PIT, UDPCI on doit se mettre d'accord pour assurer le minimum vital aux populations. Tant qu'on n'a pas ce minimum, les programmes sont les mêmes. A la base, n'oubliez pas le peuple ; n'oubliez pas qu'il veut du concret, que les enfants veulent aller à l'école'', a interpellé le chef de l'Etat. Assurément, c'est ce langage de vérité que les élus et cadres PDCI de la région, notamment Bandama N'gatta et le président du conseil général n'ont pas voulu entendre. Car il sonne comme un désaveu à leurs actions. C'est cela qui justifie, selon des natifs que nous avons interrogés sur le lieu de la manifestation, leur absence. Rassurant les Ivoiriens de ce que le premier ministre et lui travaillent à sortir définitivement le pays de la crise, le chef de l'Etat a mis en garde contre les vendeurs d'illusions et les oiseaux de mauvais augure. ?'Nous avançons. Prenez courage. Les gens qui viennent vous parler entre deux cases la nuit savent très bien que les choses avancent. Mais ils vous disent le contraire parce qu'ils ne veulent pas de la paix. Jamais je ne laisserai tomber une parcelle de la Côte d'Ivoire. Nous avons un impératif catégorique de sortir, de faire aboutir l'accord de Ouaga'', a terminé le chef de l'Etat.

Le PR dénonce l'incivisme des élus PDCI
?'Je rends hommage à M. Paul Guessend (ndlr : ancien député) qui a effectué le déplacement. C'est un monsieur que j'ai connu à l'Assemblée nationale quand j'étais député. Nous avons eu des joutes oratoires marquées par des débats forts, quelques fois avec des mots très durs. Mais aujourd'hui, il est ici parce que je suis président de la république et que je viens dans sa région d'origine. Souvent, nous nous étonnons du fait que les blancs soient développés et que nous ne le soyons pas. Mais la raison de notre sous-développement réside en nous. Je me rappelle quand François Mitterand, président de la république française, effectuait une visite à Bordeaux. C'est un député de l'opposition, RPR, qui a fait le discours d'accueil dans lequel il a rendu un vibrant hommage à son hôte. Sans toutefois se renier. Le jour où les Africains arriveront à cette élévation d'esprit, nous serons développés. Merci d'être là, M. Guessend, et de sauver la mise à tout le monde''. C'est ainsi que le président de la république a fustigé le comportement des élus et cadres PDCI du département de Béoumi qui ont décidé de ne pas s'associer aux festivités de la Pâques 2008 en sa présence. Un acte d'incivisme que le chef de l'Etat, dans un discours emprunt d'humour, a banalisé en tournant en dérision les arguments fondant le boycott des cadres PDCI. Etant des élus locaux en fait, il est un devoir pour le maire Vincent Bandama N'gatta et le président du conseil général Jacques Magoua d'accueillir le chef de l'Etat, quel que que soit son parti d'origine, quand il effectue une visite officielle dans une localité. Or selon le parti cinquantenaire qui a donné de la voix depuis la semaine dernière, le Président Gbagbo est en campagne et il est hors de question qu'ils se fassent hara kiri, en l'aidant à ravir au PDCI la faveur des électeurs de la région de Béoumi qui est pour eux une chasse gardée. ?'Quel homme politique n'est pas en campagne tous les jours ? Il faut les laisser s'égarer. Ils refusent de regarder devant, au risque de rentrer dans le mur ou tomber dans un ravin. Je préfère que les gens parlent de campagne électorale plutôt que de parler de guerre. Si Gbagbo gagne ça fait quoi ? Vous êtes restés au pouvoir pendant plus de quarante ans. C'est comme ça que les gens parlent et après ils disent qu'on les accuse au hasard'', a fustigé le chef de l'Etat, qui a mis une nouvelle fois en garde les opposants qui veulent tous aller aux élections, en étant sûrs de les gagner et n'hésitent pas à dire qu'ils feront comme au Kenya. En réalité, l'absence des élus et cadres PDCI à cette manifestation apolitique où le chef de l'Etat a communié avec les populations est une façon de s'exclure du débat relatif au développement de la région. Refusant d'assumer leur résultat à la tête des structures de collectivités locales de la région, véritables outils de développement en leurs mains, les cadres PDCI ont sans le savoir remis les manettes de la région à Michel Amani N'guessan et au FPI. Ces nouveaux hommes se présentent en effet aujourd'hui comme ceux à qui le peuple peut et doit faire confiance. Si dans deux mois les doléances qu'ils ont destinées au chef de l'Etat sont acceptées, il est clair que le peuple qui est seul juge saura le leur reconnaître aux prochaines élections. Le PDCI se verrait ainsi sévèrement sanctionné. Comme quoi la politique de la chaise vide n'est toujours pas payante.

Emmanuel Akani
Envoyé spécial à Béoumi

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