jeudi 8 mai 2008 par Le Quotidien

Malgré les différentes crises qu'a connues la Côte d'Ivoire, le Port autonome d'Abidjan a enregistré pour l'année 2007 un trafic record marchandises qui se chiffre à plus de 20.000 tonnes.

Dès son accession à l'indépendance, la Côte d'Ivoire a opté pour la libéralisation comme base de son développement économique. Grâce à ce choix, le pays a enregistré un rapide essor, s'appuyant notamment sur l'exportation à grande échelle de produits agricoles, en particulier le café et le cacao. Aujourd'hui, les échanges extérieurs de biens représentent 70% du Produit intérieur brut (PIB) national. C'est par voie maritime que s'effectuent 95% de ces échanges extérieurs. Le Port d'Abidjan (PAA), qui en assure à lui seul plus de 90%, est donc l'épine dorsale du développement économique de la Côte d'Ivoire. Il occupe ainsi une place prépondérante dans la chaîne de production du pays, dans la mesure où il abrite environ 60% de l'activité industrielle nationale. Il est le port leader de l'Afrique de l'Ouest et du Centre. Dans la communauté portuaire sous-régionale où la qualité des services et le haut niveau de performances sont des critères décisifs dans la conquête de parts de marché, le Port d'Abidjan jouit d'une réputation d'efficacité qui n'est pas surfaite.

Aujourd'hui avec ses six (6) kilomètres de quai, ses 800 hectares de domaine terrestre, son bassin naturel de 1000 hectares de plan d'eau pour des profondeurs atteignant jusqu'à 13 mètres, le Port d'Abidjan dispose de la plus grande capacité d'accueil en Afrique de l'Ouest et du Centre. Il peut ainsi accueillir plusieurs navires en opérations commerciales simultanées.

Poumon et baromètre de l'économie ivoirienne, le Port autonome d'Abidjan (PAA) n'a naturellement été épargné par les crises à répétition qu'a vécues la Côte d'Ivoire, avec la crise politico-militaire de septembre 2002 qui s'est muée en une rébellion armée et surtout avec les évènements des 6, 7 et 8 novembre 2004. Le secteur des transports en général et les activités portuaires et maritimes en particulier ont été exposées au premier chef, ce qui a pénalisé tant la Côte d'Ivoire que les pays de l'hinterland (Burkina Faso, Mali et Niger). La crise a provoqué précisément l'arrêt momentané de l'enlèvement des marchandises destinées aux zones occupées par la rébellion dans le nord du pays et les Etats de l'hinterland. Les difficultés d'approvisionnement de ces trois pays enclavés les a conduits à diversifier leurs voies de desserte. Par ailleurs, une partie non négligeable du trafic de transbordement et de transit, a été détournée au profit des ports concurrents de la sous-région. Certaines activités portuaires du PAA y ont été délocalisées. Les effets induits ne se sont pas fait attendre : une surprime d'assurance pour risque de guerre (War Risk) a été imposée, provoquant des surcoûts pour les navires desservant le Port d'Abidjan et une hausse du taux de fret.

En d'autres termes, on mesurera l'impact des évènements du 19 septembre 2002 sur le quatrième trimestre de cette même année grâce à ces quelques chiffres. Alors que le trafic total du port avait augmenté de 0,4% de janvier à septembre, il chutait de 20,3% d'octobre à décembre, ce qui a entraîné une baisse moyenne de 5,1% pour l'ensemble de l'année 2002. D'octobre à décembre 2002, le trafic de marchandises générales a diminué de 18%, celui des produits pétroliers par mer de 20% et celui des produits de terre de 45,5%. Ce qui fait en moyenne tout au long de 2002 une baisse respective de 6,8% de 2,3% et de 12,2%.

Mais, il faut le dire, les performances du Port d'Abidjan contrastent avec la situation de crise que traverse le pays. En vérité, le directeur général, Marcel Gossio (il est directeur général du PAA depuis le 15 novembre 2000) a su imprimer sa marque et son style de gestion. Et les résultats sont là, encourageants. En un mot, avec son équipe, Marcel Gossio a su bâtir une stratégie d'anticipation qui lui a permis de garder sa place de leader malgré les soubresauts politiques.

Tout d'abord les autorités portuaires ont opté pour la sécurité, tant au niveau des sites portuaires que des marchandises. La sécurité dans le port a été renforcée avec l'appui des services du ministère de la Défense et de la Sécurité. S'agissant des marchandises, il a été mis sur pied un comité chargé du contrôle renforcé avec la douane, notamment pour les conteneurs à risques ciblés.

En ce qui concerne les opérations portuaires et les services du port, les actions entreprises ont permis d'assurer une continuité des activités portuaires grâce à l'aménagement des horaires d'embauches des dockers et des journées de travail. Au titre des services du Port, des initiatives ont vu le jour afin d'exonérer des frais de magasinage et de pénalité de stationnement prolongé, et pour faciliter le passage des marchandises en souffrance dans le Port d'Abidjan. L'ouverture d'un couloir économique sécurisé a été envisagée. La création de ce couloir a consisté en l'organisation de convois de camions escortés par les Forces nationales de défense et de sécurité, dans la zone gouvernementale, et les Forces nouvelles, dans la zone occupée. Ce dispositif a permis, dans un premier temps, l'évacuation des marchandises en souffrance dans le Port et, dans un deuxième temps, l'acheminement au port des produits d'exploitation du Burkina Faso, du Mali et du Nord de la Côte d'Ivoire.

En ce qui concerne l'exploitation, les actions entreprises par la direction générale entendaient préserver les acquis du port autonome d'Abidjan, tout en explorant une nouvelle dynamique dans plusieurs domaines dont les volets promotion commerciale, coopération internationale et communication, etc.

S'agissant en premier lieu de la promotion commerciale, le Port d'Abidjan a organisé plusieurs missions de sensibilisation dans les pays de l'hinterland dès 2001. Ces actions se sont poursuivies jusqu'en cette année 2008.

De ces différentes missions dans les pays sans littoral, on peut tout simplement dire que Marcel Gossio et son équipe ont réussi à convaincre tout le monde. La visite au Niger du 25 février au 1er mars 2008 qui restera gravée en lettres d'or dans les annales du Port d'Abidjan. Marcel Gossio avait un seul langage, celui du projet de la création d'une plate-forme logistique ; en somme, un port sec, à Ouagadougou au Burkina Faso. Et ce, pour réduire la distance entre le Niger et le Port Autonome d'Abidjan longue de plus de 1000 km, à environ 500 km. L'Etat nigérien a apporté son soutien à la mise en place de ce port sec à Ouaga. Ce lobbying répond au simple fait que, l'acheminement de marchandises nigériennes par la voie ivoirienne a aussi connu une baisse au cours du 2ème trimestre 2007. En effet, elles sont passées de 109190 tonnes au 1er trimestre à 9221 tonnes au 2ème trimestre 2007 soit un taux de variation de -1,5%. Les importations par cette voie représentent 2% des importations nigériennes par voie terrestre au cours du 2ème trimestre 2007. En 2006, elles étaient de 9871 tonnes à la même période et représentaient 2,5% du trafic par voie terrestre (céréale, produits chimiques, produits alimentaires, textiles, matériaux de construction, hydrocarbure, etc.). Ce projet de création de cette plate-forme logistique à Ouagadougou répond à la réduction de la distance entre le PAA et le Niger. Ce sera un schéma de transport multimodal, rail-route (avec une combinaison par la voie ferroviaire et la voie routière). Les responsables Burkinabé ont déjà donné leur accord, selon le Président de la Communauté portuaire d'Abidjan et un espace a été déjà acquis.

Outre l'Afrique, Marcel Gossio s'est intéressé à l'Europe. Sur le vieux continent, le président de la communauté portuaire d'Abidjan et ses collaborateurs se sont évertués, pendant le temps qu'ils ont passé en Europe, à présenter ce qu'il y a de mieux et ce qui est à venir au Port autonome d'Abidjan. Vendre le port autonome aux Européens afin qu'ils viennent y investir dans le cadre de partenariats. Nous sommes en mission commerciale pour expliquer que la guerre est finie, la sérénité est revenue en Côte d'Ivoire, nous avons entrepris un certain nombre d'actions d'envergure qui portent déjà leurs fruits. Nous sommes donc là pour convaincre les Européens à venir investir au port d'Abidjan. Ces propos ont été tenus de façon invariable à toutes les étapes de la visite par le premier responsable de l'autorité portuaire d'Abidjan. Et dans cette veine, le projet d'extension du port apparaît comme l'élément phare que la direction générale a énormément vendu. A Paris, Anvers (Belgique) et Rotterdam (Pays-Bas), le directeur général, Marcel Gossio, a invité les opérateurs économiques du secteur maritime de ces pays à s'approprier ce gigantesque projet d'investissement. Qui, bien que concédé à un opérateur privé, n'est pas pour autant fermé.

Parallèlement à toute cette série d'actions et de mesures, la direction générale du PAA a aussi fait porter ses efforts sur le management. En voici quelques axes majeurs : réaménagement de l'encadrement des directions opérationnelles, rattachement de la direction de la programmation, des études et du développement, etc.

Grâce également à la mise en ?uvre de procédures rigoureusement conformes aux exigences internationales en matière de sécurité de navire, des personnes et des biens, le domaine portuaire d'Abidjan est apparu tel une forteresse, même au plus fort de la crise. Ainsi les opérations commerciales se sont poursuivies sans discontinuer, au cours des trois dernières années, pourtant les plus pénibles qu'a connues la Côte d'Ivoire. La sûreté de la navigation maritime et des installations portuaires étant devenues un enjeu majeur depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, le Port ne pouvait ignorer les nouvelles normes édictées à travers le code IPS. La référence internationale était en jeu. Aussi le PAA a-t-il été un des tout premiers ports à obtenir la certification de l'ensemble de ses installations dès l'entrée en vigueur du code, le 1er juillet 2004. Cette certification confirme que le Port d'Abidjan demeure, en dépit de la situation politique du pays, un port sûr, fiable et fréquentable par tous les armements du monde.

Conséquence : le Port d'Abidjan a enregistré pour l'année 2007 un trafic marchandises record qui se chiffre à 21 358 577 tonnes, soit un taux de croissance de 13,35 % par rapport à l'année précédente. La part des produits pétroliers en importations et exportations, s'élève à 9 799 064 tonnes, bruts et raffinés compris, soit 47 % du volume global. Cette performance, Marcel Gossio la met sur le compte de l'effet combiné de l'esprit de cohésion et d'engagement des membres de la communauté portuaire et des retombées positives des missions commerciales menées par son équipe en vue de repositionner la place portuaire abidjanaise dans le commerce maritime en Afrique et pourquoi pas dans le monde.

Par Cyrille Djedjed

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