vendredi 9 mai 2008 par Le Nouveau Réveil

Le pétrole et le gaz sont sérieusement menacés. Un groupe d'individus s'est solidement installé depuis des années pour pomper les ressources issues de ces matières. Bien d'autorités du pays ont trempé dans cette affaire. Révélations. II y a quelques jours, votre quotidien préféré levait un coin du voile sur les mauvaises pratiques qui minent le secteur des produits pétroliers en Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, les fins limiers de "Le Matin d'Abidjan" sont allés un peu plus loin. Pour découvrir en définitive qu'il s'agit en réalité d'une mafia avec laquelle la tutelle a partie liée. Et l'attitude du ministre Léon Emmanuel Monnet traduit bien cela. Nous le soulignions déjà dans une de nos parutions antérieures, M. Bandama Gilbert, directeur central des hydrocarbures, proche parmi les proches du ministre, est cité comme étant le chef de file de cette mafia qui sévit dans le secteur. Les agents de la direction des hydrocarbures l'ont, plus d'une fois déjà, signifié au ministre en 2007. Mais, l'appel est tombé dans des oreilles de sourd, l'autorité ministérielle étant restée de marbre.

Des sociétés-écrans détenues par le ministre et son directeur de cabinet

A des proches, le directeur central des hydrocarbures a plus d'une fois révélé que le ministre lui est redevable. Et les choses se précisent davantage. A en croire des sources bien introduites, M. Bandama Gilbert a déclaré récemment, en privé, que sur les 160.000.000 Fcfa détournés sur un compte à Versus Bank, en août 2007, 150.000.000 F Cfa ont atterri dans les poches du ministre. Tous les autres fonds qu'il s'est ainsi appropriés auraient suivi le même schéma. Bon disciple, le directeur des hydrocarbures a même favorisé la création d'une société de distribution de produits pétroliers et dérivés dénommée " Tomobhy" pour le compte du ministre. Elle n'est, précisent nos sources, pas encore fonctionnelle, mais on le voit aisément, Léon Emmanuel Monnet assure ainsi ses arrières, au cas où il ne serait plus aux affaires. Généreux à souhait, M. Bandama en a fait de même pour la directrice de cabinet du ministre, Mme Françoise Kadjo Morokro. La société de cette dernière est dénommée "Eburni oil". Il est bon de noter que cette société ne figure pas pour l'heure sur la liste officielle des entreprises agréées. Ce qui, dit-on, ne saurait tarder. Difficile dans ces conditions pour le premier responsable des mines et de l'énergie de lever le petit doigt pour faire le ménage. Léon Emmanuel Monnet se mettrait ainsi, à coup sûr, le couteau sous la gorge s'il devait prendre une sanction contre le sieur Bandama. En lieu et place du bâton, il décide de bombarder l'indélicat directeur central comme directeur général des hydrocarbures. Alors même que le décret de nomination n'est pas encore signé par le chef de l'Etat, le directeur de cabinet du ministre s'est empressé de prendre une note de service pour laisser croire aux agents du ministère que M. Bandama est le directeur général par intérim des hydrocarbures. L'épouse d'un ministre du gouvernement actuel, très en vue ces temps-ci, s'est également lancée dans l'activité illégale de l'approvisionnement des véhicules à gaz. Il y a peu, celle-ci, dont nous taisons volontairement le nom, a été surprise par des éléments du commissaire Bouaky Ernest, commis au contrôle des produits pétroliers, aux environs de 23 heures, à Cocody Attoban, où son "centre emplisseur" qui y est installé, s'apprêtait à recevoir une livraison de gaz par le biais de "BV Petro gaz", une société-écran détenue par l'opérateur fonctionnaire, Bandama Gilbert, le bras droit du ministre Monnet.

La rébellion approvisionnée par BV Petro gaz

De sources concordantes, c'est cette société-écran dénommée "BV Petro gaz", dont le siège est à l'avenue Noguès, au Plateau, qui alimente la plupart des centres emplisseurs clandestins qui approvisionnent les véhicules à gaz et certains ménages abidjanais. Et pourtant, l'utilisation du gaz butane comme carburant auto est interdite par la loi n° 92-469 du 30 juillet 1992. Mais la protection de certains intérêts mesquins ne permet pas d'appliquer cette loi. Le ministère des Mines et de l'énergie reste impuissant parce que les responsables de ce département ont vraisemblablement décidé d'installer la chienlit pour en profiter au maximum. Il ressort de nos enquêtes qu'au plus fort de la crise, les zones sous contrôle de la rébellion ont été constamment approvisionnées par "BV Petro gaz". Les bordereaux de livraison sont visibles à la Gestoci. Tous ces faits qui sont restés impunis, jusque-là, ont créé une atmosphère délétère entre M. Bandama Gilbert et les directeurs généraux de la Petroci et la SIR, ou par son fait, trois comptes de cette dernière société citée ont récemment été saisis. Au ministère des Mines et de l'Energie, c'est la méfiance totale. Même les nouveaux promus dénoncent en privé l'élévation de M. Bandama au poste de directeur général des hydrocarbures. Ils indiquent que cette situation ne fera que ternir davantage l'image du ministère, Les autres agents, "sans grades", sont plus amers et très remontés contre le "tout puissant" directeur des hydrocarbures qui vient de s'offrir un restaurant chic aux Deux-Plateaux, plus précisément dans les encablures du siège du quotidien "Le Nouveau Réveil". Il se susurre aussi que M. Bandama Gilbert en sait beaucoup plus qu'il n'en dit sur l'assassinat du commissaire de policière Bridji qui officiait à Interpol et enquêtait sur l'affaire des déchets toxiques. Sur le sujet, des sources policières indiquent que c'est au moment où l'officier Bridji s'apprêtait à établir la connexion entre Trafigura et certaines personnalités ivoiriennes qu'il a été froidement abattu aux Deux-Plateaux. Vrai ou faux, nul ne le sait pour l'heure, la police criminelle a, pratiquement classé le dossier suite à des pressions qu'elle aurait subies. Au palais présidentiel, le sieur Bandama n'a pas bonne presse, compte tenu de ses pratiques mafieuses et anti-économiques. Il se présente comme un homme dont tout le monde a peur, dans le secteur du pétrole, vu ses agissements et surtout la protection dont il jouit auprès du ministre Monnet. Dans l'interview du mardi dernier qu'il a accordée au confrère "Fraternité Matin", l'on a cru pouvoir obtenir des éclaircissements de la part du chef du service contrôle des produits pétroliers et miniers, le commissaire Bouaky. Hélas, ce dernier a préféré botter en touche. Morceaux choisis "Lorsque nous fermons les magasins frauduleux, ou stations de gaz, les opérateurs véreux les rouvrent avec des méthodes qui nous sont encore inconnues... Il me paraît important de souligner que notre domaine d'intervention est surtout porté sur le contrôle de la qualité du produit qui est vendu. Alors qu'il poursuit en indiquant qu'"il ne peut y avoir de fraude sur le gaz en terme de qualité". De quel contrôle parle alors le commissaire? Enfin, passons. Personne ne lui en voudra dans tous les cas. Parce que le dossier est verrouillé depuis le sommet et la règle d'or est celle de l'omerta, si on ne veut pas finir les deux pieds devant. Les Ivoiriens ont tout compris.

Safiatou Ouattara
In "Le Matin d'Abidjan" n°751 du jeudi 8 mai 2008

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