vendredi 9 mai 2008 par Fraternité Matin

C'est encore et toujours le branle-bas. Après les meetings dits de rectification, notamment animés l'un, par KKB (président de la Jeunesse du PDCI) à Dimbokro pour répondre? à N'Zi Paul David et au FPI, et l'autre, par Miaka Ouretto (secrétaire général du FPI) à Soubré pour effacer les traces de Bédié?, c'est le temps des clarifications?. Les Forces nouvelles ont officiellement saisi le FPI afin que la lumière soit faite sur les attaques? dont leur secrétaire général, en particulier, et le processus de paix, en général, seraient l'objet de la part de certains de ses responsables. Soit.

Mais l'ex-rébellion se trompe d'interlocuteur. Car, si elle peut protester contre certains propos de certains dirigeants politiques et choisir de répondre du tac au tac ? parce que c'est son droit le plus absolu que nul ne peut lui contester- elle fait fausse route et crée la confusion quand elle met le FPI au rang de co-signataire de l'Accord politique de Ouagadougou.

Car si Soro Kigbafori Guillaume, Premier ministre de Côte d'Ivoire, demeure secrétaire général des Forces nouvelles, Laurent Gbagbo, Président de la République, n'est plus le président du FPI; et ce, conformément à l'article 54 de la loi n°2000-513 du 1er août 2000 portant Constitution, ainsi libellé: Les fonctions de Président de la République sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de tout emploi public, de toute activité professionnelle et de toute fonction de dirigeant de parti politique?.

C'est pour cette raison que, contrairement à Félix Houphouet-Boigny et Henri Konan Bédié, qui cumulaient les fonctions de Chef de l'Etat et de président du PDCI-RDA, parce que nous étions sous le système du parti-Etat, Gbagbo a passé le témoin à Pascal Affi N'Guessan après son élection à la tête de l'Etat.

De ce fait, autant les Forces nouvelles étaient fondées à dénoncer, avec énergie, le complexe de la rébellion? du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, union du PDCI, du RDR, du MFA et de l'UDPCI) qui était leur allié au sein du G7 (alliance du RHDP et des trois mouvements rebelles) pour soutenir l'accord de Linas-Marcoussis, autant elles ont amalgamé en insinuant que Gbagbo et FPI, c'est bonnet blanc et blanc bonnet.

A l'inverse de Linas-Marcoussis où, pour mieux l'abattre, l'Etat avait été mis à l'écart des discussions, à Ouaga, c'est le Président de la République, donc l'Etat de Côte d'Ivoire (et non le FPI), qui a signé un gentleman agreement avec son agresseur, la rébellion.

En outre, et c'est un secret de Polichinelle, depuis le déclenchement de la rébellion armée, le FPI ne chante pas toujours d'une seule et unique voix. Son fonctionnement est atypique. Dans ce parti, où la discipline ne signifie nullement l'embrigadement et le suivisme moutonnier, les positions défendues par des responsables n'engagent pas toujours tout le parti, ni son président, et encore moins le Chef de l'Etat.

Le désordre organisé qui prévaut laisse la liberté aux uns et aux autres d'émettre leur avis. C'est ainsi que pendant qu'Affi signait l'accord de Linas-Marcoussis, en janvier 2003, au nom du parti, Mamadou Koulibaly, troisième vice-président, claquait la porte du centre de rugby de la banlieue parisienne et prenait la tête des adversaires les plus acharnés dudit accord.

C'est aussi pourquoi, alors que Laurent Gbagbo et Affi N'Guessan rendent hommage, l'un au Premier ministre pour sa conduite de l'Accord de Ouaga, et l'autre aux Forces nouvelles pour l'accueil après sa tournée dans le nord du pays, des membres du parti, dont la Première dame (deuxième vice-présidente du FPI), ne chantent pas à l'unisson et ruent dans les brancards.

Maintenant, pour essayer de mettre au pas le FPI, l'ex-rébellion peut - et elle l'a fait - revendiquer le Code de bonne conduite récemment signé par toutes les formations en présence sous le parrainage de Ban Ki-moon, Secrétaire général de l'ONU. Mais, là aussi, il y a problème.

Ce Code n'est qu'un ensemble de grands principes qui ne valent que par la bonne foi des acteurs dans son application. D'où les quiproquos qu'il soulève et qui se présentent comme de sérieuses entraves à sa bonne exécution.

La structure qui a rédigé ce texte est, en effet, la Commission électorale indépendante (CEI). Sa mission n'est pas de régenter le fonctionnement ou la vie des partis politiques, au risque de se substituer à l'Etat, mais d'organiser les consultations générales. Et c'est pour réussir ce pari qu'elle tente de composer avec les partis ou groupements politiques afin qu'ils lui facilitent la tâche en jouant balle à terre. Mais la CEI ne peut qu'assister, impuissante, à la violation de toutes les belles règles du jeu pourtant soigneusement consignées. Et que tout le monde a signées. Presque par acquit de conscience.

En outre, le Code, et c'est sa principale faiblesse, ne prévoit aucune grille de lecture; de sorte que, même s'il est précisé : les signataires donnent mandat à la CEI de veiller à la stricte application du présent Code et de prendre, le cas échéant, les mesures adéquates?, nul ne sait quelle est la nature desdites mesures et sur quelle base la CEI les prend. C'est le flou artistique. Qui profite à tous les va-t-en guerre. Surtout que personne ne sait ce qui peut être considéré comme transgression du Code. Et donc, chacun l'interprétera en sa faveur. Finalement, ce Code ressemble plus à une grosse farce ou à une maison sans toiture et sans porte, donc inhabitable.

On comprend aisément que le président du FPI, Pascal Affi N'Guessan, puisse dire, sans risque d'être contredit: Le Code de bonne conduite n'est pas incompatible avec l'expression de la vérité. Il ne faut pas étouffer la vérité. Il faut exposer aux Ivoiriens le parcours politique de chacun et présenter l'appareil politique derrière lequel se cache chaque candidat?. Comme il a raison! Mais, dans ce contexte sensible de sortie de crise, jusqu'où la vérité? peut-elle ne pas être, par exemple, une incitation à la violence, à la révolte et à l'ethnicisme? Personne ne peut y répondre.

C'est au nom de cette expression de la vérité? que Bédié a demandé, à Soubré, aux militants du PDCI de défendre par tous les moyens? leur droit civique (en pensant particulièrement aux allogènes baoulé) et de chasser du pouvoir les malpropres refondateurs?. C'est en se basant sur cet axiome qu'Alassane Ouattara, dans la logique du coup d'Etat constitutionnel, a disqualifié la Cour suprême et le Conseil constitutionnel, deux institutions de l'Etat, pour les prochaines élections.

Pendant que se joue cette comédie, les problèmes de fond demeurent. Entiers. Ne me faites pas mentir?, avait mis en garde Laurent Gbagbo pour mettre la pression sur l'Institut national de la statistique (INS) et son partenaire, Sagem sécurité, et, aussi, se dédouaner, sans doute, d'un autre report ? pas impossible au train où vont les choses - du scrutin. Alors que les opérations d'identification et de production des cartes biométriques d'électeur doivent prendre huit mois, le mode opératoire, pour mettre au travail les deux partenaires, n'est même pas encore défini. Quand on sait que le premier tour de la présidentielle est fixé au 30 novembre - soit dans sept mois ? on est en droit de se poser des questions. Auxquelles il faut ajouter celles que suscite le lancinant problème du désarmement des ex-combattants qui continue de diviser les acteurs. Le regroupement progressif des 26 mille membres du contingent des Forces armées des Forces nouvelles a démarré le 2 mai dernier. Il est censé se dérouler sur au moins cinq mois.

Malgré l'optimisme de bon aloi du représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU, la sortie de crise ivoirienne reste encore une véritable quadrature du cercle. Peut-on encore en douter quand malheur et manque de sérieux continuent de faire bon ménage en Côte d'Ivoire?Hier, le facilitateur, Blaise Compaoré, a été bloqué, dans son avion, pendant une bonne trentaine de minutes à l'aéroport de Yamoussoukro, parce que, mystérieusement, la clé de la cabine des échelles avait disparu. Il n'a eu son salut qu'en empruntant l'issue située à l'arrière de son Boeing.

Par Ferro M. Bally

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