vendredi 9 mai 2008 par Fraternité Matin

L'Institut Pasteur se préoccupe sérieusement de l'utilisation abusive des certaines molécules. Cette pratique entraîne de nombreux décès.


A quoi est due la résistance des bactéries aux antibiotiques?


Il y a trois raisons principales. La première est la surprescription. On prescrit trop d'antibiotiques et quelquefois même pour des pathologies qui n'en ont pas besoin.



Est-ce un problème d'insuffisance ou de manque de formation des médecins?



C'est une insuffisance de formation et d'information des deux côtés, aussi bien des professionnels de la santé que des malades. Ces derniers paient parfois pour avoir des antibiotiques bien que leur état ne le nécessite pas. Deuxièmement, c'est la mauvaise observance du traitement, c'est-à-dire qu'on prescrit un médicament pour 5 jours et le patient ne le prend que pendant 2 jours. Cette situation fait sortir les résistances. Enfin, la dernière raison, c'est malheureusement les médicaments vendus dans la rue qui contiennent des antibiotiques. Mais, exposés aux intempéries, ces médicaments se périment et deviennent inactifs. Ainsi, ces trois causes principales font une pression de sélection sur les populations bactériennes. Ce qui fait que les microbes résistants sont ceux qui vont survivre et se multiplier, de sorte que celui qui n'est pas malade et qui contracte une bactérie résistante va faire une infection grave. Malheureusement dans certains cas, il y a des décès. Actuellement, l'OMS considère que les maladies qui sont dues à des bactéries résistantes constituent de nouvelles pathologies émergentes et demande que l'Afrique se mette sérieusement à surveiller afin de donner des informations, sensibiliser les populations et former les professionnels de la santé parce qu'il y a des maladies pour lesquelles il n'y a pas de traitement.



Quel rôle doit donc jouer l'Institut Pasteur dans la sensibilisation et la formation des populations?



L'Institut Pasteur de Côte d'Ivoire doit alerter et c'est ce que nous faisons pour dire aux professionnels de la santé comme à la population que véritablement la situation est grave. Il faut que nous nous mettions tous ensemble pour réduire les consommations parce qu'il n'y aura pratiquement pas de nouveaux antibiotiques à mettre sur le marché ces prochaines années. Alors, il faut que les malades comprennent qu'on peut ne pas prescrire d'antibiotiques et que les médecins également comprennent qu'il y a des pathologies qui ne nécessitent pas de prescription d'antibiotiques.



Quelles sont ces pathologies?



Si vous avez une infection virale, si vous avez le paludisme, il n' y a pas de raison qu'on vous prescrive des antibiotiques et il y a des médicaments pour les soigner. Pour la grippe, le paludisme ou la fatigue générale, on n'a pas forcément besoin de prendre des antibiotiques. Pendant longtemps, on a cru que ce sont les pays du Nord seulement qui avait ce problème. C'est totalement faux. Tous les pays malheureusement sont confrontés à ce problème. La différence avec les pays du Nord, c'est que nous n'avons pas beaucoup de nouvelles molécules pour traiter ce problème.



Donc, le plaidoyer que je voudrais faire est que nous pouvons tous mettre le pied sur le frein pour réduire la consommation d'antibiotiques. C'est ce qui nous reste comme comportement à avoir. Les autres comportements ne vont pas nous donner des résultats.



Pouvons-nous avoir recours aux chercheurs et aux scientifiques pour trouver de nouvelles molécules comme cela se fait dans les pays du Nord ?



Les recherches pour trouver de nouvelles molécules mettent du temps. Il faut 20 ans pour mettre un nouveau médicament sur le marché et ça coûte cher.



Faut-il dans ce cas se tourner vers la pharmacopée africaine?



Dans la médecine traditionnelle africaine par exemple, il y a effectivement des molécules qui marchent ; mais ce sont les mêmes qu'on commercialise. De toutes les façons, ça ne va pas résoudre le problème car les bactéries vont toujours résister aux molécules traditionnelles qui ont des propriétés antimicrobiennes. Donc, il faut qu'on freine car le véhicule fonce tout droit dans le mur. Il faut ralentir parce qu'on a déjà des décès et on en aura d'autres.



Entretien réalisé par



Bernadette Bah

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