vendredi 9 mai 2008 par Notre Voie

Situé à 8 km de la commune de Dabou, le village de Débrimou, érigé en commune par le président Laurent Gbagbo, présente au visiteur, une fière allure des chics quartiers des grandes villes, avec ses villas haut standing et ses nombreux châteaux à 2 ou 3 niveaux. Malheureusement, les cadres et les habitants de ces somptueuses bâtisses modernes utilisent encore flèches, machettes et autres armes traditionnelles pour régler les différends qui les opposent.

Témoignage DU CHEF DU VILLAGE, M. SEL BEDI ANDRE

En 2003, l'Etat de Côte d'ivoire a octroyé 150 ha de plantation d'hévéa au village. Ces plantations sont devenues exploitables en début de l'année 2006. Différents comités de gestion se sont succédé à la tête de ces comités. Et j'apprends ces derniers temps que les habitants du quartier ESR, avec à leur tête M. Bédi Djobo, conseiller économique et social, veulent qu'on partage à part égale ces plantations aux 4 quartiers du village. J'ai convoqué une réunion pour demander aux uns et aux autres de laisser tomber cette idée. Je suis même allé au quartier ESR et je me suis mis à genoux, en ôtant mon chapeau d'Ebèbou, devant les populations. Ce fut malheureusement un échec. Puisque le dimanche 4 mai dernier, il me revient que M. Bedi Djobo Lambert a octroyé 40 ha à son quartier ESR qu'ils sont allés saigner pour vendre le latex à la société Pakidié. On a fait retourner le camion qui aurait pris la direction de sa résidence. Alors M. Lath Mel Philippe, président du bureau de gestion des fonds des plantations, a fait appel à la police pour perquisitionner son domicile et rendre le latex au village. Arrivés à son domicile, mes émissaires ont été sauvagement attaqués par les jeunes de son quartier. Les policiers ont été déshabillés, battus et ces jeunes ont tenté de les désarmer. Le chef du quartier Dandjem, Jean Ntouni, molesté et pris en otage?, revèle-t-il. Eugène, qui nous a servi de guide, renchérit : C'est pourquoi nous et les jeunes des 3 autres quartiers du village (Dandjem, Adissan et Gninkio) leur avons rendu la monnaie. On a attaqué leur quartier (ESR) où on a pris des gens qu'on a enfermés chez nous ici, jusqu'à ce qu'ils libèrent les nôtres?. Soutient-il.

ESR, UN QUARTIER EN ETAT DE SIEGE

A notre arrivée à ESR un calme précaire régnait , mais les signes d'un autre affrontement étaient perceptibles. Les jeunes des 3 autres quartiers sont installés au marché du village non loin de la résidence du député communal (PDCI), yédé Jean-Claude. Quand ceux du quartier ESR montent la garde à la rue frontière qui les sépare des autres quartiers. Ils filtrent des yeux les entrées et sorties de leur quartier. Nous sommes en état de siège. Nos enfants sont interdits de sortir du quartier pour se rendre à l'école. Nos femmes n'ont pas accès au marché. Des barrages étaient érigés tout autour du quartier depuis le dimanche dernier. (ndlr : ces barrages n'existaient plus à notre arrivée). Nous n'avons pas accès à l'eau courante et manquons de nourriture?, a clamé le conseiller économique et social (CES), M. Bedi Djobo Lambert (FPI). Selon lui, cet état de siège assigné à son quartier est un ordre du député PDCI, Yédé Jean-Claude. Le dimanche, pendant les affrontements, le député a tiré plusieurs coûts de feu en l'air, encourageant ainsi ses partisans à nous attaquer?, a-t-il révélé. Et de signifier qu'il est actuellement l'objet de menaces de mort. Aux chef du village qui l'accuse d'avoir séquestré les policiers et donné ordre de bastonner les émissaires de ce dernier, il répond :
C'est mon épouse qui m'a réveillé, m'informant du fait que mon collègue, Ntouni Jean, CES Pdci, était à ma porte avec des policiers pour m'arrêter pour vol de latex. Effectivement, je l'ai trouvé avec deux agents en arme, voulant perquisitionner mon domicile, sans aucun mandat de perquisition, chose que j'ai refusé. Et il est parti alerter les jeunes de son quartier. Ces derniers, sous l'effet de la rumeur colportée par Ntouni Jean, sont venus tout saccager chez mon voisin, Mélèdje Gnagne Martin?, a-t-il dit.

LES RAISONS PROFONDES DE LA CRISE

Suite à nos investigations dans le village, cette crise qui s'apparente à une bataille pour le contrôle des fonds des plantations, est en vérité une guerre de positionnement entre le RHDP et le FPI pour le contrôle du village, en vue des élections à venir.
La cause profonde de cette crise, c'est la perte de vitesse du RHDP à Débrimou, autrefois, bastion imprenable du PDCI RDA?, Nous a confié un cadre du village qui a préféré garder l'anonymat. Pour ce dernier, le quartier ESR est le symbole du parti du président Affi N'guessan. L'autre raison, c'est la gestion scabreuse des fonds des plantations. Pour le CES Bedi Djobo, ses successeurs à la tête du comité de gestion ont fait un trou de 250 millions de francs CFA, là où ces derniers eux aussi, l'accusent d'un détournement de 25 millions qui devaient servir à l'achat d'un camion, quand il avait les clés du coffre fort du village. Aujourd'hui, la gestion de ce fonds a été confiée à la société LEPACI (propriété du ministre RDR, Loess Essoh Vincent).

BILAN ET APPROCHE DE SOLUTIONS

Du dimanche 04 au mardi 06 mai dernier, Débrimou a vécu des instants électriques. A l'annonce de la séquestration de M. Ntouni Jean, CES, au domicile de son collègue, Bedi Djobo, les jeunes des 3 autres quartiers du village ont érigé des barrages partout, fouillant tout véhicule entrant et sortant de la localité. Un véhicule de transport en commun (Dyna) fut intercepté. Les pneus rapidement percés. Le jeune Sié Jean Luc, élève à Dabou, pris de peur, saute de la voiture qui le percute. Il meurt sur le coup. Dans la tentative de destruction du domicile de M. Meledje Gnagne Martin, il s'en suit une bagarre qui fait deux blessés à la machette.
Pour les ressortissants du quartier ESR, la seule solution qui vaille, c'est le partage des 150 ha de façon équitable entre les 4 quartiers. Or, pour le chef du village, il n'en est pas question. C'est le bien de toute la communauté, il n'y aura jamais de partage de cette plantation de mon vivant?, soutient-il. Suite à ces différentes positions tranchées, le grand médiateur saisi, a dépêché M. Kokora, chargé de la région des lagunes, dans le village, le mardi 06 mai dernier. Ce dernier a pu obtenir la levée des barrages érigés dans le village. Concernant la gestion des 150 ha, il a promis de revenir à la charge, les jours prochains.

UN AUTRE FEU COUVE DANS LE VILLAGE

Ces affrontements n'ont pas encore totalement pris fin que si l'on n'y prend garde, une autre crise risque d'éclater dans la cité. En effet, à Débrimou, il existe deux châteaux d'eau. Un château d'eau, don de l'Etat de Côte d'ivoire, dessert gratuitement tous ceux qui sont reliés à ce réseau, et un château d'eau de la société Sodeci dont les abonnés s'acquittent de leurs factures. Pour les jeunes du quartier ESR, le maire Albert Kacou Tiapani, veut obliger tout le monde à se relier à ce second réseau. Nous ne savons pas pourquoi le maire agit ainsi. Ce qui est curieux, c'est que les abonnements et les paiements de factures du château Sodeci se font obligatoirement dans les locaux de la mairie à Dabou et non au siège de la Sodeci'', ont-ils avoué. Selon eux, le maire aurait fait saboter les installations du château d'eau de l'Etat. Toute chose qui, selon eux, risque de créer un autre conflit dans le village.

Enquête réalisée par Sam-Wakouboué samwakouboue@yahoo.fr

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023