vendredi 9 mai 2008 par Notre Voie

14 mai 1948-14 mai 2008, 60 ans que l'Etat d'Israël a été créé. Comment le pays a-t-il évolué ? Comment la prospérité économique s'est-elle réalisée ? Pourquoi la paix n'a pas été possible avec les Palestiniens ? Quelles perspectives pour les prochaines années ? SEM Daniel Kedem, ambassadeur d'Israël en Côte d'Ivoire, répond.

Notre Voie : Comment jugez-vous l'évolution de l'Etat d'Israël, après 60 années d'indépendance ?
Daniel Kedem : 60 ans pour un pays, c'est peu. En Europe et en Asie, on trouve des pays centenaires. Ailleurs dans le monde, des pays de plusieurs siècles d'existence. L'Etat d'Israël a 60 ans, mais l'histoire du peuple juif remonte à plus de 4000 ans, depuis le roi David. Le 14 mai 1948, à la proclamation de l'indépendance, nous avions un rêve : la création d'un foyer juif. Aujourd'hui, c'est une réalité. Israël est un Etat avec ses institutions, une nation parmi les nations.

N.V. : Vous voulez dire que le parcours des 60 ans est positif ?
D.K. : Evidemment ! En 1948, nous étions 640000 habitants, aujourd'hui, 7 millions 400 mille ; un pays semi-désertiqu, qui compte au nombre des pays les plus avancés, au niveau de la technologique, de l'agriculture, de la science en général. Mais également et surtout, un pays démocratique, ouvert à tous. La jeunesse israélienne, le vivier du pays, est en pleine effervescence.

N.V. : 60 années d'indépendance qui équivalent à 60 années de guerre et de conflit avec les Palestiniens et les Etats arabes. Vous ne pensez pas qu'Israël aurait pu mieux faire ?
D.K. : Oui, cela est vrai, mais nous préférons regarder les choses sous un angle positif. Nous aurions pu mieux faire, tout comme les autres ! Il faut engager des discussions franches et sincères. Il faut se reconnaître les uns les autres. Israël a toujours tendu la main à ses voisins pour des discussions pour une paix durable. Malheureusement, cette main tendue n'a pas été prise. Notre langage n'a pas été compris.

N.V. : En 1947, la résolution prise par les Nations unies a prévu la création de deux Etats palestinien et israélien. L'Etat israélien a aujourd'hui 60 ans, mais l'Etat palestinien n'a pas encore vu le jour. Comment l'expliquez-vous ?

D.K. : Tout de suite, dès le 29 novembre 1947, nous avons accepté le plan de partage proposé par la Société des nations. Les Israéliens ont accepté un lopin de terre pour créer un foyer de juifs, avec toutes les conditions. Les pays arabes ont rejeté la proposition. Nous nous sommes mis à l'?uvre pour bâtir notre nation. Nous avons entrepris de construire un Etat moderne, démocratique et où il fait bon vivre. Un Etat qui assure la protection et l'épanouissement de ses nationaux et l'ensemble des citoyens. C'est aux Palestiniens de créer leur Etat, à côté d'Israël.

N.V. : Comment le peuple israélien a-t-il réussi à surmonter la tragédie de l'Holocauste au lendemain de la deuxième guerre mondiale ?
D.K. : Aujourd'hui encore, c'est difficile d'expliquer cette haine du Juif. Quand on remonte loin dans l'histoire, on voit les autres persécutions, l'inquisition contre le peuple juif. En dépit de toutes ces situations, les Juifs ont toujours été animés d'un immense sentiment de vivre. Je crois que personne ne leur enlèvera cela. On dénombre environ 13 à 14 millions de Juifs à travers le monde. Partout où ils sont, les Israéliens sont animés d'un esprit de solidarité mutuelle. Ils ont le souci constant de parfaire, de chercher à aller de l'avant. C'est cette ressource humaine qui nous a gardé, et nous a permis d'avancer.

N.V. : Quel regard les Israéliens d'aujourd'hui portent sur cette tragédie ?
D.K. : Tous le monde dit : Plus jamais ça?. L'Etat d'Israël est prêt à s'opposer à toute menace contre le peuple juif. Il est le garant du peuple juif, il est le bouclier du peuple juif. Partout dans le monde, l'Etat d'Israël sera là pour défendre le peuple juif.

N.V. : Comment les populations arabes ont-elles co-existé avec les Juifs et les autres communautés pour bâtir la nouvelle nation ?
D.K. : En Israël, il y a 7 millions 400 mille habitants. Les musulmans représentent 15%. Il y a de nombreuses minorités, notamment, les druzes, les chrétiens, les tcherkessis, les bédouins Nous essayons de vivre ensemble pour le bien d'Israël. Evidemment, il y a des difficultés, mais comme dans tout pays démocratique, les libertés et les droits sont garantis pour tous les citoyens. A la Knesset (NDLR : le parlement israélien), sur 120 députés, il y a 10 Arabes. Le vice-ministre des Affaires étrangères est druze. Il y a une égalité d'accès aux services publics, une chance équitable pour l'ensemble des citoyens aux hautes fonctions étatiques.

N.V. : Comment se fait le brassage culturel entre ces communautés diverses ?
D.K. : En Israël, il y a deux langues officielles, l'hébreu et l'arabe, qui sont enseignées dans les écoles. Evidemment, l'hébreu est la langue la plus parlée. Ce qui est intéressant, c'est que toutes les communautés participent activement à la construction du pays. Cela fait qu'il y a, véritablement, un sentiment général d'appartenance à une même nation.

N.V. : Finalement, nous sommes tenté de demander quel est le secret du brassage culturel en Israël ?
D.K. : Je ne sais pas s'il faut dire qu'Israël a réussi son brassage culturel. 60 ans comme je l'ai indiqué, c'est peu pour un pays. Malgré les acquis, nous continuons de travailler pour renforcer la cohésion sociale. Par exemple, jusque-là, les Arabes musulmans ne font pas l'armée.

N.V. : Pourquoi ?
D.K. : C'est une dérogation qui leur a été accordée pour ne pas que pendant les conflits, ils soient amenés à tirer sur leurs frères qui sont de l'autre côté. Je dois reconnaître que la démocratie nous a fait beaucoup de bien. Le débat est ouvert, et il n'y a pas de sujet tabou. Personne ne peut dire qu'il a été empêché de s'exprimer. Vous comprenez que dans un tel contexte, tous les problèmes sont posés, et les solutions discutées.

N.V. : Comment expliquez-vous la prospérité de l'Etat, après seulement 60 années d'indépendance ?
D.K. : La valeur humaine est le facteur de la prospérité de l'Etat hébreu. Des difficultés, on arrive au progrès, quand on a constamment le souci d'aller de l'avant. Il faut croire en la démocratie. Elle est fondamentale dans le batissement de toute nation. Je crois que ces valeurs sont précieuses. Et n'importe quel Etat pourrait en faire l'expérience.

N.V. : L'économie est basée essentiellement sur les hitech. Comment cette politique a-t-elle été développée ?
D.K. : Les dirigeants ont compris très rapidement qu'Israël pouvait exceller dans les hitech. Ils ont décidé de développer ce secteur. Il faut comprendre, ici, que les hitech touchent à plusieurs domaines. Notamment, l'agriculture, la science, la médecine Contrairement à certains pays, nous n'avons pas de ressources minières, encore moins de pétrole. La technologie est notre rempart.

N.V. : Quelles sont les mesures qui ont été justement prises pour encourager la recherche technologie ?
D.K. : L'Etat a créé un fonds spécial pour la recherche. Ce fonds est à la disposition des chercheurs pour le financement des recherches qui, comme on le sait, sont très coûteuses. A côté de cela, il y a tout un système qui permet aux chercheurs de travailler en toute quiétude. Ces inventions, très, souvent, révolutionnent le monde.

N.V. : Quelles sont les perspectives économiques pour les prochaines années ?
D.K. : La tendance de l'économie mondiale, je fais ici allusion à la mondialisation, a créé des problèmes. Le fossé entre les riches et les pauvres s'est creusé. Le défi aujourd'hui est de combler ce fossé pour revenir à une solidarité.

N.V. Selon vous, pourquoi les initiatives pour la paix entre Israël et la Palestine n'ont jamais abouti ?
D.K. : Pour concilier deux parties en crise, il y a un préalable. Les parties doivent s'admettre mutuellement et accepter de s'asseoir pour discuter. Les Palestiniens et certains pays arabes influents ne reconnaissent Israël comme un Etat. Vous convenez avec nous qu'on ne peut pas discuter avec le vent. Le jour où ils changeront de position, où ils comprendront qu'on ne peut se développer que dans la paix, et qu'ils déposeront les armes, alors nous irons rapidement à la paix.

N.V. : Que répondez-vous à ceux qui accusent Israël d'être à la base des blocages et des violations des accords de paix ?
D.K. : Je ne vois pas quels accords les Israéliens ont violé. Il y a deux ans nous avons évacué la Bande de Gaza, pourtant les roquettes continuent de pleuvoir sur Israël. Nous sommes partis du Liban, une frontière reconnue par l'ONU, pourtant, le Hezbollah continue d'attaquer Israël.

N.V. : Comment voyez-vous l'avenir, après l'accord d'Annapolis ?
D.K. : Il faut que tous les Palestiniens, pas seulement un groupe, reconnaissent l'Etat d'Israël. Les Palestiniens doivent taire leurs querelles pour se mettre ensemble. Chaque mouvement a sa position. Dans ces circonstances, il est très difficile de faire des discussions. Nous voulons discuter avec une autorité qui soit reconnue par toutes les parties palestiniennes. En Israël, nous avons des divergences sur la politique diplomatique, mais lorsque le gouvernement décide, tout le monde se soumet. Beaucoup d'Israélien étaient opposés à l'évacuation de Gaza, mais parce que les premières autorités ont décidé ainsi, les opposants se sont conformés.

N.V. : Quels sont vos relations avec vos voisins ?
D.K. : Avec l'Egypte et la Jordanie, nous avons de bonnes relations diplomatiques. Nous avons des échanges économiques et culturels très poussés. Nous avons des ambassades dans ces pays, comme eux aussi, ils ont leurs représentations diplomatiques en Israël. Avec l'Egypte et la Jordanie, nous avons souvent des divergences, mais le dialogue est permanent. Ce n'est pas le cas avec des pays comme la Syrie, le Liban, l'Irak, pour ne citer que ceux-là. Nous n'avons pas de relations avec ces pays. Il en est de même pour l'Iran qui appelle à faire disparaître Israël de la carte du monde. L'Iran est une menace pour Israël comme une menace pour le monde. Il suffit d'écouter les déclarations des dirigeants iraniens pour s'en convaincre. Demander qu'on raye un pays de la carte du monde, c'est abominable !

N.V. : Comment ont évolué les relations entre l'Afrique et l'Etat hébreu, en 60 ans ?
D.K. : Jusqu'en 1970, les relations entre les pays africains et Israël ont été très bonnes. Elles se sont traduites par une coopération très intense. En 1973, il y a eu une cassure suite à la guerre du Kippour. En réalité, les pays africains ont été induits en erreur par les pays arabes, qui leur ont demandé de rompre les relations avec Israël. L'Etat hébreu a signé des accords de paix avec l'Egypte et la Jordanie, et au finish les Africains se sont retrouvés en dehors des discussions. Avec le temps, ils ont renoué progressivement avec Israël. Mais pendant ces années, nous n'avons pas rompu les relations économiques. Aujourd'hui, la plupart des pays africains ont des relations avec Israël. Leurs relations sont bonnes, franches et sincères.

N.V. : Israël pays où coule le miel et le lait ?, Israël, terre promise?, Israël pays béni de Dieu?. Quels commentaires ?
D.K. : Le miel, c'est la douceur. Le lait dans la Bible, c'est en général le lait des brebis. Il n'y avait pas de vache. Les brebis sont dans des pays pauvres. Le pays où coule le miel et le lait?, ça renvoie à un pays pauvre. Dans l'autre sens, le pays où coule le lait le miel? renvoie à l'abondance, l'espoir. L'espoir que ça devienne toujours abondant. La terre promise. On nous a promis quoi ? On nous a promis un champ de rose. Il est plein d'épines que nous devons extraire pour cueillir les roses. Peuple béni de Dieu?, c'est Dieu qui nous a béni.



Interview réalisée par César Ebrokié

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