jeudi 29 mai 2008 par Notre Voie

Le Zimbabwe vit au rythme des élections générales depuis le 29 mars dernier qui a vu l'opposition gagner les législatives et se retrouver au second tour des présidentielles.
En attendant l'issue de la seconde phase des présidentielles prévue pour le 27 juin, nous rappelons l'histoire de la réforme agraire, principal enjeu en réalité de cette joute électorale. Nous vous présentons également le profil et les objectifs des deux candidats en présence. Dossier.
Le Zimbabwe, pays de Afrique australe, connaît une crise post- électorale depuis les élections générales du 29 mars dernier.
Cette crise, loin d'être simplement une tension inhérente à toute joute électorale, a pour fondement la lutte pour le contrôle de la terre.
Et dans l'ex- Rhodésie du Sud, le pouvoir, c'est la terre.
La terre, au centre de toutes les intrigues, est l'instrument qui a servi à mener une politique de l'apartheid (politique de développement, séparé selon des critères raciaux) au Zimbabwe.
Pour les élections générales de cette année, nous avons en présence deux acteurs, aux profils et aux objectifs différents qui cristallisent l'espoir de deux communautés qui s'affrontent : nous avons Robert Mugabe, le président sortant, qui revendique une politique de redistribution des terres zimbabwéennes au profit de la majorité des Noirs démunis de son pays; et Morgan Tsvangirai, l'opposant, qui est l'espoir de la minorité blanche zimbabwéenne qui entend conserver ou s'approprier à nouveau les terres acquises depuis l'indépendance du pays en 1980.

Au début, était la terre

Le peuple noir du Zimbabwe a fait la guerre contre les Occidentaux, en majorité des Boers (paysans et fermiers blancs originaires des Pays Bas, de la Belgique, de l'Allemagne et de la France) venus s'installer sur leur sol, afin de défendre leurs terres.
Le conflit pour les terres entre blancs et noirs remonte, d'après certains documents, à la seconde moitié du 19è siècle.
C'est finalement en 1980 que le Zimbabwe, la Rhodésie du Sud comme on l'appelait par le passé, est devenu indépendant. Une indépendance acquise tardivement comme certains pays de l'Afrique australe. Le problème des terres se pose dès l'indépendance du Zimbabwe.
Le gouvernement de l'époque, dirigé par Robert Mugabe, qui s'emploie à répondre à la demande de ses concitoyens, est pris entre deux feux.
Il a la pression à la fois de l'immense majorité des noirs pauvres et de l'ex-colonisateur, la Grande Bretagne, protectrice de la communauté blanche zimbabwéenne.
L'équipe de Mugabe respecte sa promesse d'aider les noirs à acquérir des terres. Elle respecte également un accord (les accords de Lancaster house), sous l'influence de la Grande Bretagne, qui prévoit un consentement mutuel entre les différentes parties et le règlement de la vente des terres au moyen de devise en espèces.
Selon certaines sources, les terres les plus fertiles du Nord et de l'Est du Zimbabwe étaient aux mains de 6500 fermiers blancs en 1980.
Elles précisent même que la moitié des terres du pays, représentant les plus riches, était la propriété de ces colons.
L'autre moitié, qui était très aride, était offerte aux noirs.
L'Etat du Zimbabwe, dans le but de réduire le fossé entre les riches (les blancs) et les pauvres (les noirs) a donc installé sur des terres fertiles 50 000 familles de la communauté noire dans la première moitié des années 1980.
Il a été prévu d'en faire de même pour 15 000 autres familles des noirs chaque année entre 1986 et 1990.
Cet objectif n'a pas pu être atteint pour diverses raisons.

20 après, le fossé
toujours grand

L'Etat zimbabwéen n'a pas pu remplir toutes ses obligations en ce qui concerne la répartition équitable des terres ; et cela s'explique par le manque de moyens financiers devant permettre de poursuivre cette politique sociale et la politique d'ajustement structurel imposée à ce pays. Il faut dire que l'installation sur de nouvelles terres se fait sous différents modèles mais nous en parlerons que d'un seul, précisément le modèle A?. Dans le cadre de ce modèle, chaque famille a reçu une parcelle de 5 hectares de terres arables et du bétail. L'espace offert à ses ménages bénéficiait d'un certain nombre d'infrastructures notamment la construction de routes, de réseaux d'adduction d'eau, d'écoles, de cliniques rurales. Un investissement qui revenait cher et qui n'était pas toujours, selon des sources, à la portée du gouvernement zimbabwéen. De plus la Grande Bretagne, qui a promis d'appuyer financièrement le Zimbabwe dans ce programme n'a pas, disent certains observateurs, tenu sa promesse.
Autre fait : la politique d'ajustement structurel imposé au Zimbabwe dans les années 1990 a contraint cette nation à privilégier l'aspect productif à celui du social.
Il était désormais demandé au candidat qui souhaite acquérir la terre une expertise qu'il n'avait pas toujours.
La politique permettant l'accession des pauvres, en majorité des noirs, à la terre s'est progressivement arrêtée.
La politique de redistribution sociale menée depuis l'indépendance est reléguée au second plan. Et cela crée bien entendu des mécontentements.
En 1997, le gouvernement du président Robert Mugabe est de nouveau sous pression. Les vétérans de la guerre de l'indépendance ne supportent plus, pour certains, de vivre sans terre et donc dans la pauvreté. Mugabe est acculé. Il relance la politique de la redistribution des terres.
Cette fois les transactions se font différemment. Les accords de Lancaster House, qui imposaient à l'Etat du Zimbabwe de dédommager les fermiers blancs en devise, de tenir compte de la loi du marché et qui stipulaient un consentement mutuel dans les transactions ontexpiré en 1990. L'Etat, sans moyens conséquents, est contraint de prendre quelques fermes à ceux qui en possèdent le plus assorti d'une compensation couvrant seulement les coûts des investissements en infrastructures sur les fermes. En clair le coût de la terre elle-même n'était plus pris en compte. Il annonce l'expropriation immédiate de 1500 fermes au profit des pauvres, des noirs en majorité. De même en 2000, dans le cadre d'un programme de réforme agraire , le gouvernement zimbabwéen exproprie plus de 4 000 exploitants commerciaux blancs et leurs fermes est réaffectées, souvent après avoir été morcelées en petites unités, à des milliers de Zimbabwéens noirs sans terre.
Les critères de sélection des fermes confisquées étaient les suivants : terres sous utilisées, possédées par des propriétaires absents ou possédant plusieurs fermes à la fois.
La pression de l'opinion zimbabwéenne était justifiée parce que près de 20 ans après, la répartition des terres est, dit on, inégalitaire. En 1997, soit 17 ans après l'indépendance, on estime à 4500 le nombre de grands fermiers? (en majorité des blancs) qui possèdent 11 millions d'hectares de terres situés pour la plupart dans les régions climatiques, les meilleures et les plus fertiles. Ces terres seraient inutilisées. La même année 6,5 millions d'habitants (soit la moitié de la population) se partage 16 millions de terres situés dans les régions les plus arides et les moins fertiles.

Chassé du Commonwealth

A la suite de la reprise de la réforme agraire, les rapports entre l'ex-colonisateur, la Grande Bretagne, et le régime de Robert Mugabe deviennent très mauvais.
Profitant d'une élection de Mugabe en 2002 contestée par l'opposition, la Grande Bretagne se bat avec les pays du Commonwealth pour obtenir des sanctions internationales.
Appuyés par les États-Unis et l'Australie, les britanniques obtiennent difficilement la suspension du Zimbabwe du Commonwealth pour une année puisque les pays africains font bloc autour du président du Zimbabwe. Mugabe et ses proches sont interdits de séjour en Europe et aux États-Unis.
Ce n'était que partie remise puisque le 8 décembre 2003, à l'instigation de la Grande Bretagne, le Zimbabwe est suspendu du Commonwealth. Le président du Zimbabwe riposte en retirant purement et simplement son pays de l'organisation.
Depuis il ne se passe pas de jour sans que le régime de Robert Mugabe soit épinglé sur la question de la redistribution des terres par les occidentaux. Les élections générales du 29 mars sont donc un moment crucial pour tous.
Il s'agit surtout pour les occidentaux, qui croient avoir trouvé en Morgan Tsvangirai celui qui va mettre fin à cette politique de redistribution des terres au profit des noirs, de pousser au changement de régime.



(Sources : Réforme agraire et démagogie électorale au Zimbabwe?de Jean pierre Cling, Afrique Relance, AP, Reuters, AFP,
www.tlfq.ulaval.ca,
Le Monde Diplomatique, Wikipédia, et www.afrik.com).



Dossier réalisé par Serge Armand Didi sardidi@yahoo.fr

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