samedi 7 juin 2008 par Le Temps

Mlle Touré Hadja Fanta (Mle 283372-A), concubine de Adama Bictogo (ex-Conseiller politique du Premier ministre Guillaume Soro) vient d`avoir une nomination extraordinaire en qualité de magistrat de parquet. " Habituellement dans la magistrature, on ne nomme pas magistrat de Siège ou magistrat de parquet les auditeurs de justice, c`est-à-dire les élèves venant de finir leur stage ", nous confie un magistrat sous le couvert de l`anonymat. Mlle Touré Hadja Fanta a été recalée par le Conseil supérieur de la Magistrature lorsqu`elle a fini sa formation à l`Ecole nationale d`Administration (ENA). En effet, dans les enquêtes de moralité, il a été découvert qu`après son cycle universitaire et avant d`entrer à l`ENA, elle avait fait réduire son âge afin de pouvoir passer le concours. Et le Conseil supérieur de la Magistrature aurait estimé qu`un tel magistrat, qui commence déjà à frauder sur son propre âge, ne peut être un exemple et risque même d`être un danger et pour la corporation et pour les citoyens. C`est pourquoi après un blocage de toute la promotion, il avait donné un avis favorable pour tous ses autres camarades, sauf elle.
Elle vient de rejoindre le groupe par un demi-tour de cheville assez controversé. Voici le libellé décrié du dernier visa de son décret de nomination N° 2008-13 du 11 février 2008 : " Vu la correspondance N°210/PR/CAB/CSAJ en date du 5 octobre 2007 de Monsieur le Président de la République tendant à proposer la nomination de Mademoiselle Touré Hadja Fanta en qualité de magistrat de parquet ". Dans ce visa, il n`est pas dit à quel organisme le Président de la République a écrit pour demander de nommer Mlle Touré Hadja Fanta comme magistrat du parquet. Non plus, il n`a été inscrit nulle part la réponse de cet organisme à qui il a adressé cette correspondance. Ces données essentielles qui manquent cruellement à ce décret créent un scandale dans le milieu des magistrats. Le Secrétaire général du Gouvernement, Félix Tyéoulou Dyela que nous avons eu au téléphone le jeudi 5 juin 2008, a déclaré ceci, l`air pressé : " C`est un décret signé du Président, s`il y a des contestations, voyez les concernés : le Conseil supérieur de la Magistrature, le ministère de la Justice, la personne elle-même. Moi, quand un décret est fait, j`ai fini avec ça. C`est un projet de décret que je reçois ; je regarde la forme : si les virgules, les visas sont mis maintenant l`histoire du décret, ça, je ne connais pas."
Pour le Procureur Coulibaly Kuibière, chef de Cabinet du ministre de la Justice, joint hier au téléphone, il n`y a pas de feu en la demeure : " En tant que magistrat de parquet, on n`a pas besoin de l`avis du Conseil supérieur de la Magistrature. C`est seulement pour les magistrats de siège qu`on a besoin du visa du Conseil supérieur de la Magistrature. Et celui qui l`a nommée, c`est le Président du Conseil supérieur de la Magistrature qui se retrouve être le Président de la République. Maintenant, avait-elle la qualité d`auditeur de justice parce qu`elle ne remplit pas les conditions, là n`est pas la question, parce que nous sommes au niveau du décret et elle est magistrat." De l`avis de certains magistrats, ces propos ne sont pas exacts. Ils estiment que le concubin de Mlle Touré Hadja Fanta, Adama Bictogo, membre du RDR et ex-Conseiller politique du Premier ministre Guillaume Soro, a fait le forcing auprès de ses "protecteurs" (Koné Mamadou le ministre de la Justice et autres) à l`effet d`obtenir la nomination exceptionnelle de sa concubine. Une nomination jugée hors des normes habituelles. C`est pourquoi, selon eux, elle figure toute seule sur son décret de nomination comme si elle était un directeur de l`Administration. Ils en donnent pour preuve le décret de nomination de 11 de ses collègues juges de parquet. Le dernier visa de ce décret dit normal, de ses camarades de promotion qui l`ont devancée, décret N° 2005-139 du 16 mars 2005, est ainsi libellé : " Vu l`avis favorable du Conseil supérieur de la Magistrature en date du 28 novembre 2003." Qui dit alors la vérité ?
Depuis le 11 février 2008, Mlle Touré est nommée Substitut du Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de Yopougon. Que s`est-il passé ? Le fameux décret aurait-il été arraché au forceps ?
Ce problème scandalise bien de magistrats. Ils s`indignent que les accords politiques puissent s`introduire dans tous les domaines, y compris dans le domaine sacré de la nomination d`un magistrat, c`est-à-dire des décisions du Conseil supérieur de la Magistrature. " N`est-ce pas là une honte que toutes les valeurs foutent le camp sous la force des armes ? Car, qu`une personne qui a fraudé sur son âge juste avant de passer le concours ne puisse pas être retenue comme magistrat, n`a rien à voir avec la sortie de crise. A ce que nous sachions, ce n`est pas pour cela que les armes ont été prises en Côte d`Ivoire. C`est pourquoi, on n`avait pas à forcer la main aux autorités ou à les induire en erreur ", a regretté un juge de l`intérieur du pays. Et que pour lui, tout se résume par cette préoccupation du chef de l`Etat qui parlait de l`administration à peu près ainsi : " Ne mentez pas au chef. Parce que si le chef reçoit des rapports erronés, il prendra des décisions inefficaces " Pour un autre, si les magistrats estiment que ce décret pose problème, ils ont en leur sein les mécanismes de son annulation : " Pourquoi hésiteraient-ils à les mettre en branle ?"
Mlle Touré Hadja Fanta qui a pris service le lundi 26 mai 2008, sera certainement maintenue à son poste. Mais il se dit que " son cas sera un dangereux précédent ". De même, de l`avis de certains de ses confrères, elle sera toujours regardée comme une intruse. Parce qu`ayant été recalée, elle a forcé la main aux autorités et s`est fait introduire au moyen d`un " décret bancal ". Le débat est ouvert.
Germain Séhoué
gs05895444@yahoo.fr

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