lundi 9 juin 2008 par Fraternité Matin

Quand survient la saison des pluies, comme c'est le cas depuis deux semaines, les regards se tournent vers les habitations précaires des différentes communes du district d'Abidjan. Les Abidjanaises et les Abidjanais, qui savent se souvenir des faits et discours liés aux saisons, craignent d'être ? encore! ? les témoins impuissants des drames qui se produisent chaque année à pareille époque. Ils redoutent, entre autres, les éboulements de terrain, les inondations et autres dégâts inimaginables causés par les eaux de ruissellement, provenant de pluies torrentielles. Catastrophes ? naturelles? ? qui ne touchent pratiquement que les populations des bidonvilles, réputées premières et grandes victimes de la saison pluvieuse. La crainte est d'autant plus justifiée, qu'il ne se passe pas de jour sans qu'il pleuve abondamment. Sans discontinuer. En juin 2008. Et, au moment où tout le monde retient son souffle, voilà que le danger réapparaît, contre toute attente, du côté de l'université de Cocody. Où, du fait des eaux de pluie, il est difficile d'accéder à certains bâtiments. A l'entrée comme à l'intérieur de quelques amphis et salles de cours, des briques et bouts de bois servent de pont de circonstance et permettent ? si l'on peut s'exprimer ainsi - de circuler d'un point à l'autre ou de se faire une place, pour suivre le déroulement des cours. Les pieds dans l'eau, les professeurs donnent les cours, les étudiants y participent. Cette situation en rajoute à l'état de délabrement de cet établissement censé être le temple du savoir. C'est vrai que de nouveaux bâtiments sont sortis de terre ces dernières années, mais c'est tout aussi vrai que l'essentiel du patrimoine a vieilli, donnant à Cocody l'allure d'une université d'une autre époque. Car, non seulement elle doit faire face à de sérieux problèmes de canalisation, de climatisation et d'éclairage, mais elle a, aussi, grandement besoin de renouveler ses fonds documentaires et de s'adapter aux technologies de l'information et de la communication. A tous les niveaux, l'informatisation et l'accès à l'internet devraient être privilégiés. Cette saison des pluies aura permis la (re)découverte des faiblesses notoires de cette université. Au lieu que l'âge soit une source de sagesse et de grandeur, il apparaît ici comme un élément certain de démobilisation et de démotivation. Parce que, tout simplement, la maintenance n'as pas été au rendez-vous depuis fort longtemps. Comme toujours, sous nos cieux. Tant que l'université n'offrait, jusqu'à l'année dernière, que le théâtre d'affrontements à la matchette entre étudiants, que provoquaient les explications musclées de jeunes gens souvent manipulés, quand ils n'étaient pas désoeuvrés et livrés à eux-mêmes. Dont certains se prenaient pour des Zorro. Dès lors, il était difficile de voir autre chose que le spectacle sanglant des temps modernes. Rien que des cris de guerre et de victoire des uns sur les autres. Rien que des pleurs de gens qui n'osent guère s'avouer vaincus. L'actualité ne pouvait guère être, ni l'affaire des 518 millions de francs, dont on ignore encore l'issue, ni l'inondation des amphithéâtres. Où ils étaient censés se retrouver. Pour étudier
Maintenant que la paix revient progressivement dans les rangs des étudiants, dans les facultés et sur les campus universitaires, il est tout à fait normal que les yeux s'ouvrent sur les réalités de l'université : intellectuelle, économique, administrative Plus rien ne justifie que les attentes disparaissent dans quelque brouhaha que ce soit. Au nombre de celles-ci, la question du niveau, très bas, à relever. Et la Côte d'Ivoire doit s'en donner les moyens, en interpellant toutes celles et tous ceux qui ont, et gèrent, une parcelle de responsabilité. Plutôt que d'utiliser les moyens de communication de masse pour créer davantage la confusion dans l'esprit des jeunes générations, déjà embrouillées par leur environnement malsain, il serait bienvenu d'imaginer, chacun à son niveau, ce qui est réellement bon pour nos enfants et petits-enfants. La responsabilité de chacune et de chacun consiste à refuser de les induire en erreur. L'impact des panneaux publicitaires sur des jeunes n'ayant pas encore l'esprit de discernement est tellement grand, qu'il faut éviter d'imprimer, sur ces supports, les grossièretés de toutes sortes, qu'on impose à toutes et à tous ? hélas ! ? trop souvent. L'impact de la radio, de la télévision et des journaux est tellement indiscutable qu'il faut éviter de s'en servir pour diffuser des messages qui prêtent à confusion, du point de vue aussi bien de la forme que du fond. Quel objectif poursuit-on en servant, sur ces plateaux, une orthographe autre que celle qui devrait être, une syntaxe autre que celle à laquelle l'on doit s'attendre? Aimer Adorer Chanter Danser Quelles sont les différentes possibilités - d'après le dictionnaire - d'écrire chacun de ces verbes à l'infinitif? Et même conjugués? Annoncer un événement ou faire la publicité d'un produit peut se faire avec des mots justes, vérifiables et vérifiés. Toute personne physique ou morale, en pleine possession de toutes ses facultés, doit refuser d'abrutir les femmes et hommes de demain, au nom de quelque intérêt que ce soit. Les ministères de l'Education et des différents ordres d'Enseignement ont les moyens et le devoir de veiller au respect des normes, de sorte à prévenir ou à condamner toute sortie de route, volontaire ou involontaire. Les enfants ont été trop souvent agressés, ces dernières semaines, à travers la ville d'Abidjan, par une écriture obscène... de mots pourtant simples. Ils méritent autre chose que ces mets et messages dégoûtants, qui leur ont été servis.
Ce qui est vrai pour les mots, l'est pour les discours politiques, en période électorale. Est-il difficile de comprendre que la mesure et la pondération font plus d'adeptes que l'excès et la démesure ? C'est connu - de tous ceux qui ont l'humilité de s'abaisser à ce niveau - la manière de dire et de donner emporte plus d'adhésions que ce qu'on dit et ce qu'on donne. La raison en est simple. Et également connue de tous: dire bien ou écrire bien demande plus d'effort que choisir de parler mal. Parce que, bien dire traduit avant tout le respect et la considération que l'émetteur, bien appris, éprouve pour celles et ceux à qui il s'adresse. Aussi, se dégage-t-il forcément un courant de sympathie plutôt pour le premier type de discours que pour le second. Il n'y a, en effet, aucun mérite à vouloir blesser, avec des mots, son prochain; même s'il est revêtu du manteau d'adversaire politique ou de loup affamé. Un homme politique met plus en difficulté son adversaire en usant du bon ton qu'en proférant des injures. Que pensent les observateurs du discours politique en vigueur en Côte d'Ivoire, où la précampagne électorale est en cours depuis que l'on va de report en report de la présidentielle?
Dans tous les cas, les Ivoiriennes et les Ivoiriens ont inévitablement suivi la bataille pour l'investiture du candidat du parti démocrate pour la présidentielle américaine de novembre 2008. Esprit civique chez Barack Obama, révélé longtemps avant ces primaires 2008 par un discours, et chez Hillary Clinton, son adversaire pendant seize mois. Les Ivoiriennes et Ivoiriens attendent que leurs leaders politiques leur servent une course aux voix meilleure(!) que celle que les Etats-Unis donnent à apprécier au fur et à mesure que l'on approche de novembre. Les probables candidats à la présidentielle ivoirienne sauront-ils s'inspirer de leurs homologues américains ou faire mieux qu'eux? Ils doivent comprendre que la Côte d'Ivoire, sans doute plus que les pays de tradition démocratique, a besoin de calmer le jeu. Parce que le financement des élections à venir est d'abord et surtout l'affaire de ses partenaires. Et ceux-ci ont besoin, à chacune des étapes du processus, de signes qui achèvent de les convaincre que la Côte d'Ivoire est réellement prête à s'engager dans une bataille électorale empreinte de civisme. Et mérite de faire financer son processus électoral. C'est à ces conditions ? et à ces conditions seulement - qu'ils n'hésiteront guère à respecter, en retour, tous les engagements financiers. Il est question, pour la classe politique ivoirienne, d'apporter, par ses discours et ses actes, la preuve de sa bonne foi. La preuve qu'elle tient vraiment à sortir de la crise. Il ne s'agit guère, pour elle et ses acteurs, de jouer aux enfants dociles, quand les délégations internationales séjournent en terre ivoirienne, comme c'est le cas ces jours-ci. Et de se remettre à jouer aux espiègles, dès qu'elles repartent. Ce serait commettre de graves erreurs d'appréciation; car les différentes missions, qui arrivent et repartent, dépendent d'institutions dont la plupart sont bel et bien représentées en Côte d'Ivoire. Elles suivent, par conséquent, instant après instant, les faits et gestes des uns et des autres. Plutôt donc se montrer constants. Telle doit être l'attitude... normale, désormais, des acteurs politiques ivoiriens. Car, c'est de cette manière ? et de cette manière seulement ? qu'ils parviendront à convaincre leurs interlocuteurs. Et les amèneront à admettre que les autres plans de sortie de crise, y compris les domaines universitaires, doivent également être pris en charge. Pour que vive la nouvelle école ivoirienne! Pour que vive le nouvel hôpital ivoirien!... Pour que vive la nouvelle Côte d'Ivoire



Par Alfred Dan-Moussa

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