Quel triste spectacle ! Une scène dont tout metteur en scène se passerait volontiers. Vendredi 6 juin, il est 20h, alors que la ville d'Abidjan subit les affres d'une pluie diluvienne, un bruit assourdissant retentit dans l'arrière-cour du Palais de la culture de Treichville. Le premier avion de feu le président Félix Houphouët-Boigny que le directeur du Palais de la culture, Sidiki Bakaba, avait ingénieusement transformé en une bibliothèque pour enfants, vient de s'affaisser au sol. Les poutres, qui tenaient l'engin, se sont écroulées sous la forte pression du vent. Le lendemain, avec la lumière du jour, le spectacle est encore plus affligeant. L'oiseau de fer est étendu de tout son long, la queue endommagée par la violence de la chute. A l'intérieur, les bouquins sont dispersés, certains compartiments affectés. Séquelles de la violente secousse Des élèves qui visitent le Palais de la culture en compagnie de leurs formateurs sont consternés par ce drame . Certains sont même stupéfaits. Le regard hagard, ces enfants semblent bien se demander ce qui s'est passé. L'avion est dans un état déplorable. Je suis déçu et triste , déplore Eugène Akré, enseignant à l'EPP Autoroute du Nord. Comme lui, Sidiki Bakaba est tout aussi amer. J'ai peur que tout ce qui est perçu comme un signe ne soit une réalité. Je me demande si les symboles ont vraiment un sens en Côte d'Ivoire. Tout ce qui a été construit par Houphouët-Boigny est en ruine. C'est un message qu'il faut décoder remarque t-il, avant de suggérer : il faut mettre un toit sur la paix que nous sommes entrain de construire . L'installation de cet avion au Palais de la culture a coûté 40 millions de f cfa. Et sa restauration devrait, selon M. Bakaba, nécessiter le triple de ce montant. L'oiseau livres fait les frais d'une négligence ou d'un mépris des autorités à l'égard du Palais de la culture. En 2006, l'Etat a entériné, au titre du budget de cette année là, le financement, à hauteur de 580 millions, de la restauration du Palais de la culture. Une partie de cette somme, 300 millions, devrait servir aux travaux d'étanchéité. Depuis, l'argent se fait curieusement attendre, le trésor faisant des difficultés pour décaisser les sous . Peut-être attend-on que tout s'écroule au Palais de la culture avant de lever le petit doigt.
Y. Sangaré