vendredi 13 juin 2008 par Le Temps

Pour avoir approché le Président Gbagbo d'un mètre lors de flamme de la paix à Bouaké, M. Adama Elola, agriculteur professionnel de son état, a décidé de le soutenir dans son application de l'accord de Ouaga, à travers un projet agricole : aller à la paix sans la famine?. Entretien.

M. Adama Elola, vous êtes technicien agriculteur de profession dans le centre-nord, précisément à Bouaké. Aujourd'hui, vous avez lancé un projet agricole sous le vocable : " allez à la paix sans la famine ". Pouvez-vous nous parler de ce projet ?
Je suis effectivement technicien agricole de profession à Bouaké. Je travaillais pour les paysans. Mais depuis la crise, ils ne me font plus appel. Certains sont allés à Abidjan, à Soubré et autres. Ils ne cultivent plus. Durant les cinq (5) années de crise, les champs se sont enherbés. Or, ce sont des terrains de l'Etat (récupérés aujourd'hui pour le compte du Service national (SCN) : ndlr), qui ont été défrichés à coût de milliards et qui sont naturellement enherbés, avec une herbe qu'on appelle communément, le " sékoutouré ". Si bien qu'avec la daba ou la machette, il est très difficile pour les paysans de travailler. J'ai donc décidé de mettre mes tracteurs à leur disposition. Ainsi, depuis Bouaké, M'Bayakro, Kani, Ferké, Korhogo je passe avec mes tracteurs partout, où il y a des baffons et plaines à labourer pour des gens. Pour que nous puissions aller à la paix sans la famine, d'où la dénomination dudit projet.

Qu'est-ce qui a donc été fait jusqu'à présent ?
J'ai travaillé déjà à Eléonoukro, à Brobo, à Kouassiblékro 1, à Katiola sur la route de Mbé, où il y a 600 ha de baffons à labourer. Nous irons à Béoumi. A Angouayaokro, j'ai près de 250 ha. Nous possédons actuellement plus de 800 ha. Je prévois reprendre l'ex-SODESUCRE de Marabadiassa. C'est un terrain de 2500 ha. J'irai bientôt à Marabadiassa pour labourer au moins 500 ha, pour aider tous les ex-combattants qui veulent faire l'agriculture à s'installer. Afin qu'ils puissent mettre un ou deux hectares en valeur, avec le peu qu'ils vont avoir par rapport à la démobilisation. Mais mon souhait est que chaque Ivoirien, en passant par le chef de l'Etat et le Premier ministre, ait un hectare de riz, d'igname ou de banane dans son village. De sorte que la Côte d'Ivoire puisse nourrir toute l'Afrique de l'ouest.

Très souvent des gens entreprennent ce genre d'action de soutien par affinité. Etes-vous dans le sérail du chef de l'Etat ou du Premier ministre ?
Tout le monde connaît le Président de la République. Tout le monde connaît le Premier ministre. Mais eux, ne connaissent pas tout le monde. Le jour de la flamme de la paix, j'étais dans la tribune, parmi des milliers de spectateurs. Quand le Président Blaise Compaoré a annoncé que Gbagbo et Soro allaient descendre pour mettre le feu aux armes, j'ai vu les deux hommes descendre effectivement avec leurs protocoles. Je ne sais pas ce qui m'a poussé, mais j'ai quitté la tribune populaire (virage). J'ai traversé la foule, les policiers, les gendarmes, les militaires et les gardes du corps, pour me trouver à 1 m du Président de la République. J'étais en chemise rouge, ce jour-là.

Pourquoi vous vous êtes déplacé, alors que tout le monde était bien assis ?
C'est difficile à expliquer (silence). Quand j'ai vu les deux hommes descendre côte à côte, j'ai surtout vu en Gbagbo, un homme de grand c?ur qui vient à Bouaké, malgré tout ce qu'il a vécu, pour proclamer la fin de la guerre, en compagnie de son frère ennemi d'hier. C'est peut-être l'émotion qui m'a fait prendre ce risque

Et qu'est-ce qui s'est passé ?
Lorsqu'ils ont tenu la flamme, j'ai demandé un long bâton auquel nous avons attaché la flamme. Le Président a ordonné de tirer la mèche de la flamme. Ce qui a été fait. Mais j'ai senti qu'ils avaient du mal à mettre le feu aux armes, parce que l'autre bout où se trouvait la flamme était lourd. J'ai donc dit ceci : " Monsieur le Président, est-ce que je peux vous aider à soutenir le bâton ? " Il m'a répondu pour dire : " bien sûr jeune homme, vous pouvez le faire". Sa réponse m'a tellement grandi que je me demandais ce que je pouvais faire pour soutenir les deux hommes à maintenir la paix qu'ils venaient de retrouver pour la Côte d'Ivoire. C'est ainsi que j'ai décidé de réparer mes tracteurs pour aider les paysans et les soutenir dans l'épreuve de lutte contre la faim, comme je le faisais par le passé. Parce que la famine n'a pas de coloration politique.

C'est donc une habitude pour vous d'aider les gens, mais moyennant quoi ?
Je dois dire qu'en son temps, la CIDT m'avait donné des labours à faire. J'ai travaillé aussi pour le CNRA. J'ai servi à l'office de semences des plants (OSP), au profit des paysans. C'est dans les années 1990. On me payait pour ça. Aujourd'hui, c'est ma façon de soutenir l'accord de Ouagadougou, afin qu'on aille à la paix sans la famine. Le Président de la République et son Premier ministre font leur travail, qui est de sortir notre pays de cette crise. Il faut aussi que les paysans suivent. Parce qu'à eux deux, ils ne peuvent assurer toutes les tâches. C'est pour cela que j'essaie d'aider les paysans avec mes tracteurs, pour qu'ensemble, on soutienne le Président Gbagbo et le Premier ministre Soro à faire face à la crise alimentaire, ne serait-ce qu'au niveau local.

Quels sont vos besoins, parce qu'un tracteur, ça s'entretient ?
Très souvent, je suis en panne de carburant. Et je fais attendre les paysans qui sollicitent mes services jusqu'à ce que j'aie un peu de moyen pour pouvoir les aider. Quant aux paysans, certains ont besoin d'aide en engrais, d'autres ont besoin d'aide en herbicide. C'est pourquoi, je voudrais demander à toutes les bonnes volontés de soutenir ce projet en carburant et de bien accueillir les tractoristes, pour le bonheur des Ivoiriens.

Par Frimo D. Koukou
koukoudf@yahoo.fr

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