mercredi 23 juillet 2008 par Fraternité Matin

Le Président de la République a saisi l'occasion de la rencontre avec les populations de Vavoua, hier au Palais, pour crier sa colère. Le Président Laurent Gbagbo a sévèrement critiqué, hier, au palais présidentiel, le gouvernement qu'il a qualifié de groupement d'hommes incapable de conduire la Côte d'Ivoire à la sortie de crise. Une sortie de crise qui, selon lui, est pourtant sa mission première et sa raison d'être. Nous avons formé ce gouvernement d'union pour que précisément, il y ait moins de heurts possibles et qu'on aille ensemble à la sortie de crise. Mais certains ne peuvent pas être à la table du Conseil des ministres et comploter contre la sortie de crise. Je ne peux pas accepter ça, a martelé le Chef de l'Etat. Le Président de la République recevait, à leur demande, les populations du département de Vavoua. J'ai donc demandé au Premier ministre (Guillaume Kigbafori Soro, par ailleurs Secrétaire général des Forces nouvelles. Ndlr) a poursuivi M. Gbagbo, de réfléchir et de me parler, de me donner une réponse pour voir si avec ce groupe d'hommes (parce que je ne sais plus comment l'appeler), on peut aller effectivement à la sortie de crise. Devant ses hôtes qui ont massivement effectué le déplacement du palais, le premier citoyen ivoirien n'a pas caché qu'il ne supporte plus de travailler avec l'équipe formée en avril 2007. Nous voulons aller à la sortie de crise, nous autres. Mais est-ce que ce groupement est celui qu'il nous faut pour y aller ? Ou bien doit-on avoir un gouvernement, un vrai ?, a-t-il interrogé. Puis la réponse qu'il donne à cette question, qui, pour lui, résume le problème de la Côte d'Ivoire aujourd'hui, ne s'est pas fait attendre. Je pense qu'avec un groupement hétéroclite, dont certains veulent la sortie de crise et d'autres ne veulent pas la sortie de crise, on ne peut pas efficacement aller à la sortie de crise. Pour aller à la sortie de crise, il faut un gouvernement dont tous les membres veulent effectivement la sortie de crise, a tranché le Chef de l'Etat sous les ovations nourries des populations de Vavoua. Il n'en fallait pas plus pour que M. Gbagbo assure les Ivoiriens qu'il a les moyens institutionnels (dixit) de doter le pays d'un tel vrai gouvernement. La Constitution plante entre mes mains l'arbre de la dissolution de ce gouvernement et l'arbre de la formation d'un autre gouvernement. Ce n'est pas par manque de moyens institutionnels qu'on en est encore là, a-t-il expliqué. Avant de préciser: C'est à cause des problèmes politiques; parce que je suis en accord avec le Premier ministre et c'est ensemble que nous avons signé l'Accord politique de Ouagadougou. Il faut donc que je lui dise les problèmes et que je lui demande son avis. J'attends qu'il me donne son avis pour que nous passions à un stade supérieur de la libération du pays. Non sans insister: J'avais demandé au Premier ministre de réfléchir, parce qu'on ne peut pas continuer avec un gouvernent dont certains membres prennent avec vous les décisions autour de la table du Conseil des ministres et se retrouvent, la nuit, en train de critiquer et de comploter contre ces mêmes décisions. Ce n'est pas possible. On ne peut pas être à la fois gouvernant et opposant J'ai dit au Premier ministre que je ne suis pas content de la manière dont on fait ça. Et d'exploser: On a un choix à faire: ou bien on s'oppose, ou bien on gouverne. Pour Laurent Gbagbo, tout doit être mis en ?uvre pour que le premier tour de l'élection présidentielle se tienne le 30 novembre prochain. Car, a-t-il soutenu, ce n'est que par cette élection que la Côte d'Ivoire va sortir de la crise. Il faut que les Ivoiriens qui aiment la Côte d'Ivoire, a enseigné l'orateur, comprennent qu'aller aux élections, ce n'est plus seulement un jeu démocratique pour cette année. Mais c'est également un moment fort pour que notre pays soit totalement libéré, pour qu'on ait un gouvernement homogène qui puisse prendre les décisions et balayer les derniers soubresauts de la rébellion. En tout état de cause, le Président a dit avoir demandé au ministre de l'Economie et des Finances de revisiter le budget pour que toutes nos ressources, en dehors de ce qui est habituellement indispensable pour le fonctionnement de l'Etat, soient orientées vers la préparation des élections. Il a également indiqué qu'il n'a pas encore annoncé sa candidature à la présidentielle. Et que quand viendra le moment de la campagne, les prétendants à la magistrature suprême, qui, selon lui, ont tous déjà gouverné, devront faire chacun son bilan de la gestion des affaires de l'Etat au moment où il était au pouvoir.

Pascal Soro



Option : Gouvernant-opposant

Oxymore. C'est par ce terme que les linguistes qualifient la composition de deux mots antinomiques formant une même entité sémantique. On parlera d'une situation claire-obscure. Certaines personnes, pour expliquer leur capacité à être à la fois douces et sévères, se font appeler par le sobriquet doux-amer. Hier, le Président Laurent Gbagbo a ajouté à la liste des oxymores un terme qui sied plutôt bien à la situation de certains ministres du gouvernement actuel. Ceux-ci se comportent à la fois comme des gouvernants parce que membres du gouvernement et, donc, solidaires de l'action gouvernementale; et comme des opposants prenant le contrepied de cette même action gouvernementale une fois retournés dans leurs formations politiques. Ces ministres-là, le Chef de l'Etat les appelle des gouvernants ? opposants. A la vérité, cette situation n'est pas nouvelle. Elle a prévalu au plus fort de la crise depuis la table ronde de Linas-Marcoussis où les gouvernements ont commencé à être formés sur la base de l'appartenance politique. Les ministres, dès lors, se considèrent responsables devant leurs leaders politiques chez qui ils prennent les directives quant à la conduite à tenir au sein du gouvernement plutôt que devant le Président de la République, chef de l'Exécutif. Forts de cette réalité, des membres des gouvernements précédents n'avaient pas hésité à entrer en rivalité ouverte avec le Président Gbagbo qui faisait l'objet d'attaques de leur part. Si cela avait été toléré au nom de la sortie de crise et surtout du fait que ces gouvernements émanaient des résolutions des Nations unies, le Chef de l'Etat ne comprend pas qu'au moment où la sérénité semble avoir gagné la classe politique et la population depuis la signature, le 4 mars 2007, de l'Accord politique de Ouagadougou, des ministres continuent de ruser avec le gouvernement. Qui n'a pour Premier ministre que le secrétaire général des Forces nouvelles c'est-à-dire celui-là même qui incarne la rébellion en Côte d'Ivoire. D'où le holà mis hier à cette situation au Palais présidentiel devant des populations enthousiastes. Qui se voient ainsi honorées de ce que leur rencontre avec le Président de la République offre l'occasion à ce dernier de faire une si importante déclaration par rapport à la marche du pays. On ne peut pas être à la fois gouvernant et opposant. Ou bien on s'oppose, ou bien on gouverne, a dit Laurent Gbagbo qui n'a pas voilé sa déception face à l'attitude de certains acteurs politiques qui, nuitamment, s'activaient pendant la récente montée de fièvre sociale relative à la flambée des prix du carburant et de certaines commodités et denrées de première nécessité. Ce n'est pas ce qui vient de se passer qui va renverser Gbagbo, dixit le Chef de l'Etat.

par Abel Doualy



Vavoua veut la libération de ses terres

Les populations de Vavoua ont saisi la visite qu'elles ont effectuée chez le Président de la République, hier, pour peindre un tableau des plus sombres de leur département. C'est Troly Pierre, chef du village de Séitifla et président du collectif des chefs traditionnels du département de Vavoua, qui a décrié les souffrances que les Forces nouvelles font endurer aux populations depuis le déclenchement de la guerre le 19 septembre 2002. Une triste situation qui se résume, selon lui, en de graves entraves à la circulation des personnes et des biens à cause de nombreux barrages disséminés dans la région, l'occupation des terres, l'exploitation abusive des richesses, notamment les plantations de café et cacao, l'autorité des chefs traditionnels qui est bafouée par les nouveaux maîtres. Une situation qui, a condamné le porte-parole des gardiens des traditions du département, se poursuit malgré que tout le monde crie que la guerre est finie. En tout état de cause, le président du collectif des chefs traditionnels de Vavoua a conclu que pour ces motifs, ses populations ont du mal à croire en la fin de la guerre. Aussi Troly Pierre a-t-il, au nom de tous les chefs du département, appelé le Président Laurent Gbagbo à se pencher sur la question afin que les populations retrouvent la dignité et la liberté. Le vice-président du conseil général de Vavoua, Zagbaï Tapé Arnaud, porte-parole des cadres et des populations, lui, a plaidé pour les actions de développement dans le département. De fait, il a souhaité que le Chef de l'Etat donne des instructions pour la reprise et l'achèvement des travaux d'électrification de sept villages des cantons Sokia et Niédéboua (commencés en 2000 et interrompus à cause de la guerre), la mise en ?uvre d'un programme d'urgence portant sur la réhabilitation des infrastructures hydrauliques, le bitumage de 30 kilomètres dans la commune de Vavoua. En outre, le porte-parole des cadres et des populations de Vavoua a indiqué que ce programme de développement d'urgence devait également prendre en compte la réhabilitation des infrastructures routières, du lycée moderne, des écoles primaires et de l'hôpital général de Vavoua qu'il faut aussi équiper. Les hôtes de M. Gbagbo ont par ailleurs appelé à l'électrification des villages de leur département dont, ont-ils précisé, seulement sept le sont sur un total de 78. En plus, pour faciliter et redynamiser les échanges avec le département voisin de Kouibly, ils ont demandé la construction du pont de Vaou sur le fleuve Sassandra. De même, ils ont plaidé pour que le Président de la République se penche sur le paiement des salaires des agents de la mairie de Vavoua qui accusent six ans d'arriérés. Autres doléances exprimées par les populations, l'érection de Dananon en sous-préfecture et de neuf autres villages en communes. Les visiteurs du jour du palais présidentiel ont aussi demandé avec insistance au Président de la République d'effectuer une visite d'Etat d'au moins trois jours dans leur département, le plus tôt possible. En attendant cette visite, et au nom de ses parents, Zagbaï Tapé Arnaud a chaleureusement remercié le Chef de l'Etat pour la visite de travail qu'il a effectuée chez eux le 14 juillet dernier.
Le Président Gbagbo a donné l'assurance à ses hôtes qu'il soumettra leurs doléances à une étude dont il leur fournira les résultats dès la semaine prochaine. Mais, d'ores et déjà, il a promis de se rendre à Vavoua, en visite d'Etat dans les jours qui viennent. Le Chef de l'Etat a également annoncé une importante réunion des officiers des Forces de défense et de sécurité (FDS) la semaine prochaine, pour trouver une solution aux problèmes soulevés par les chefs traditionnels. On ne peut pas dire que la guerre est finie et qu'en même temps vous ne puissiez pas aller au champ, a-t-il averti. M. Gbabo a estimé que la construction du pont de Vaou est une nécessité. Mais, a-t-il regretté, elle ne peut pas être satisfaite maintenant. Tout comme il a reconnu que Vavoua, à l'image de toute la Côte d'Ivoire, a besoin d'un programme d'urgence de développement. Le Président Gbagbo a demandé au Conseil général de faire beaucoup avec le peu de moyens que l'Etat, du fait de la crise, met à la disposition des collectivités décentralisées.

Pascal Soro



Focus/

Exploitation du pétrole ivoirien : Ce que dit la convention de partage
Le Chef de l'Etat a qualifié de malhonnête, la position de ceux qui, sachant bien la clé de répartition de l'exploitation pétrolière entre le gouvernement ivoirien et les opérateurs économiques, l'accusent de ne pas dire où va l'argent du pétrole. Ceux qui disent cela sont malhonnêtes parce que ce sont eux-mêmes qui, alors au pouvoir, ont écrit les textes régissant ce secteur. Ce sont eux qui ont défini ce que gagne l'Etat de Côte d'Ivoire et ce que gagnent les exploitants, fait remarquer le Président de la République. Avant de préciser: Ils ont pris une loi de partage du pétrole entre la Côte d'Ivoire et les exploitants. Cette loi de partage, qui est devenue une convention, que dit-elle? D'ailleurs, je vais la changer. Mais pour le moment, c'est sous son empire que nous travaillons. Elle stipule que, puisque les exploitants, qui sont des étrangers, dépensent beaucoup d'argent pour l'exploration et pour l'exploitation, alors nous avons 12% du pétrole et eux ils ont le reste (c'est-à-dire 88%, ndlr). C'est ça qui est la vérité, dit le Chef de l'Etat. Et d'ajouter: la Côte d'Ivoire produit 50.000 barils par jour. Sur ces 50.000 barils, l'Etat de Côte d'Ivoire en a 6000 par jour et le reste revient aux exploitants. Que ceux qui ont gouverné et qui savent cela ne courent pas les rues, les maisons et les cours communes pour mentir. Le Président Gbagbo a expliqué avoir vécu trois guerres depuis 2002. Il y a la guerre armée qui a éclaté le 19 septembre 2002 ; il y a la guerre du pétrole et celle de la nourriture. Le prix du baril est actuellement à 130 dollars. Je ne sais pas à quel niveau il sera ce soir. Mais au moment où nous prenions les décisions (d'augmentation des prix. Ndlr), le baril était à 147 dollars alors qu'en 1995, il était à 15 dollars. Au moment où j'arrivais au pouvoir, il était à 20 ou 30 dollars. Mais il y a des gens qui disent ? et je les vois malhonnêtes ? qu'on produit du pétrole et on ne voit pas ce que Gbagbo fait avec l'argent du pétrole. Je dis qu'ils sont malhonnêtes parce que ce sont eux qui ont pris les lois (énoncées plus haut. Ndlr) avant moi qui viens d'arriver, a martelé le Président de la République. Selon lui, l'heure n'est pas encore à la campagne électorale. Lorsque viendra la campagne, dit-il, on parlera. Chacun fera son bilan parce que tous ceux que je vois, ont eu à gouverner ce pays. Pour l'heure, Laurent Gbagbo a fait savoir qu'il n'a ni compte en Suisse ou en France comme certains, ni enfant qui est impliqué dans l'importation et la commercialisation du riz, comme d'autres. Et ils savent de qui je parle, dit-il.

Abel Doualy



Repères

Artisan. Le directeur général de l'hôtel Président de Yamoussoukro et de la Maison des députés, Néné Bi Léon, est le principal initiateur de la rencontre entre les notables, cadres et populations du département de Vavoua et le Président de la République, hier, au palais présidentiel, a indiqué, sous l'anonymat, une source bien introduite. Selon elle, M. Néné Bi a, entre autres, loué deux cars pour le transport des notables, des autorités administratives et des populations venus des quatre coins du département. Présence 1. Les autorités administratives du département de Vavoua, avec à leur tête le préfet Fadi Ouattara, ont effectué le déplacement du palais présidentiel. De même que les autorités coutumières. Présence 2. Le chef de canton N'Zikpri à Toumodi a apporté son soutien à M. Néné Bi et aux populations de Vavoua par sa présence à leurs côtés.
Absence. Le maire de la commune de Vavoua, Théodule Diro, ainsi que les quatre députés, tous de l'opposition, ont brillé par leur absence hier au palais de la Présidence. L'un des parlementaires, Gouali Dodo, a expliqué cette absence dans la presse, par le fait qu'ils n'ont pas été associés à l'organisation de la rencontre. Ambiance. Trois groupes de jeunes chanteurs du terroir (Gouro, Sokia et Niédéboua) ont su entretenir les invités du Chef de l'Etat avant son arrivée dans la salle des Pas perdus du palais présidentiel. Ces jeunes, dont Dan Salomon, ont égayé les populations et fait danser plus d'une femme. Félicitations. Malgré la perturbation du trafic routier par la récente grève des transporteurs, les organisateurs de cette rencontre ont pu mobiliser les populations depuis les villages du département jusqu'à Abidjan. Dons. Les hôtes de Laurent Gbagbo lui ont offert un pagne traditionnel Kamandjè et un tableau.

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