vendredi 25 juillet 2008 par Le Temps

L'occupation de la ville de Séguéla par les ex-rebelles n'a pas été que préjudiciable aux seules populations. Les trois grands partis politiques qui s'y disputent le terrain en ont été également affectés. Le RDR, le FPI et le PDCI sont les partis politiques qui se partagent le terrain dan la région du Worodougou. Depuis l'avènement de la rébellion, les activités de ces partis ont non seulement connu des perturbations majeures mais aussi certains d'entre eux ont eu d'énormes difficultés pour se maintenir. Voici la cartographie politique réalisée pendant notre séjour dans la région à la faveur de la visite du Président Laurent Gbagbo.
RDR
Le Rassemblement des Républicains de Alassane Ouattara est le parti que tous les observateurs pensent avoir le vent en poupe à Séguéla. Mais la situation ne semble pas assez reluisante pour cette formation politique dont les responsables locaux font l'objet de vives critiques de la part des militants qui leur attribuent certaines souffrances des populations. Selon ces militants, le RDR ne maîtrise plus rien sur le terrain dans le Worodougou après l'occupation de la région par l'ex-rébellion. Là-dessus, c'est M.Soumahoro Ladji, militant de base au quartier Soumahoro qui éclaire la lanterne des curieux. " Ici à Séguéla, le RDR a réussi à conquérir nos c?urs. La preuve, c'est que tous les élus de la région sont issus de cette formation politique. Mais à l'heure où je vous parle, tout le monde est déçu du comportement des responsables locaux qui ne font rien pour les militants. Après la guerre, on a pensé que notre parti allait nous soutenir dans la souffrance. Malheureusement, nous n'avons rien vu. Ce qui fait que beaucoup d'entre nous sont réticents ces derniers temps quand il est question des réunions du RDR ". Cette colère se matérialise sur le terrain par le manque d'un espace de rencontre pour les militants et des grandes décisions. Chose surprenante, le RDR n'a pas de siège à Séguéla. Ce que déplore M.Timité Adama, lui aussi militant de base dans son quartier "Timité" (les quartiers portent les noms de familles). " Dire que le RDR n'a pas de siège à Séguéla relève d'un sacrilège. Parce que dans le temps on peut dire que c'est le seul parti qui existait ici et qui fonctionnait normalement. On ne peut pas comprendre que ce grand parti n'ait pas un lieu où rassembler ses militants ".Faut-il attribuer les difficultés du RDR à l'avènement de la rébellion dans la région ? L'interlocuteur répond avec hésitation. " Ce sont nos frères. On se connaît ".Comme cela se voit, le parti de Alassane Ouattara n'a plus pignon sur rue dans le Worodougou.
FPI
Vomi au début de la rébellion, le FPI est en train de faire une percée fulgurante dans le Worodougou. Contrairement au RDR, le parti d'Affi N'Guessan y a réalisé d'énormes progrès au point où l'on y affirme qu'il est bien parti pour pêcher les militants des autres partis. La preuve, c'est la seule formation politique à y posséder actuellement un siège digne de ce nom. C'est toute la fierté qu'en tire M.Timité Adama, militant PDCI se disant prêt à rejoindre les rangs des militants FPI avant les élections à venir. " Je suis militant PDCI. Mais aujourd'hui, je suis prêt à rejoindre le FPI. Et cela, avant les élections à venir. Voilà un parti dont on ne pouvait prononcer le nom à Séguéla pendant la guerre. On l'a présenté comme étant le parti qui est contre les gens du Nord. Mais à la fin, le FPI a démontré que tout ce qui a été dit sur son compte n'était pas vrai. Mieux, ce parti a su se repositionner dans le Worodougou. En tout cas, j'en suis fier. Regardez un peu comment le PDCI a été chassé d'ici". Ce commentaire est partagé par M. Diaby Mamadou, ressortissant de la région du Denguélé, résidant à Séguéla et militant du PDCI. "Je crois qu'il faut féliciter les responsables locaux du FPI de Séguéla parce qu'ils ont su maintenir la flamme de leur parti. En tant qu'humains, ils peuvent avoir des défauts. Mais je pense que sur le plan politique, ils ont dominé tout le monde. Vilipender au début de la crise, ils ont pris leur mal en patience en se donnant beaucoup plus de moyens pour travailler sur le terrain. Au lieu de s'en prendre aux gens, bien au contraire, ces messieurs ont tout mis en ?uvre pour convaincre les populations. Aujourd'hui, les résultats parlent d'eux-mêmes ". Malgré ces différentes appréciations et félicitations, les responsables locaux restent lucides. Parce que pour eux, beaucoup reste à faire en dépit des points qu'ils marquent sur le terrain.
PDCI
Le PDCI de Henri Konan Bédié n'existe pratiquement plus dans le Worodougou. Tous ceux qui viennent de la région ou qui y sont allés en cette période de crise peuvent le confirmer. Le parti cinquantenaire qui n'avait pas déjà bonne presse auprès des populations à cause du bras de fer entre son président et Alassane Ouattara n'a pas pu résister à l'occupation des rebelles. Selon certains militants qui restent encore fidèles au vieux parti, les choses ne pouvaient pas en être autrement étant donné que leur président, Konan Bédié était l'objet de toutes sortes d'accusations. Les rebelles le prenant pour celui qui est à la base des malheurs des ressortissants du Nord. Sur le terrain, ce parti semble avoir payé un lourd tribut parce que ses locaux ont été entièrement saccagés par les hommes de Koné Zackaria. Le siège du parti, décoiffé par les pillards de groupe est aujourd'hui transformé en une gare routière. Ce qui n'est pas du goût de M.B.A, militant du PDCI qui pense que terroriser les responsables politiques dans les régions n'est pas la meilleure façon de faire les choses. " Je suis écoeuré par ces genres d'agissements. S'en prendre aux partis politiques dans les régions n'est pas la bonne façon de faire les choses. On peut avoir des récriminations contre qui que ce soit, mais il faut éviter de détruire les symboles. Au début de la rébellion, le PDCI à Séguéla a vu son siège partir en lambeau. Les toits ont été arrachés et emportés. Les meubles ont également été emportés par les pillards dont j'ignore la provenance. Allez-y voir, ce siège est actuellement transformé en une gare routière. Et pourtant, c'est de l'argent que nous avons mis dans la construction de ce siège. Peuvent-ils nous le rembourser " ? Contrairement à son camarade du même parti, L.T met cette situation sur le compte de manque de culture politique des dirigeants du PDCI. " Il faut reconnaître que nos dirigeants ont manqué de culture politique. Ils auraient dû adopter une position assez claire dès le début de la rébellion. C'est le manque de cette lisibilité qui a occasionné la situation que nous déplorons tous aujourd'hui. En aidant les gens à s'installer, ils ont pensé qu'ils allaient nous épargnés. Voilà que nous n'avons plus de siège où faire nos réunions. Certains militants s'apprêtent même à quitter nos rangs et c'est grave ". Au regard de ce qui précède, le PDCI et son allié du RHDP, le RDR sont en difficulté à Séguéla.

Pierre Legrand
Envoyé Spécial à Séguéla

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