vendredi 22 août 2008 par Fraternité Matin

Le CCI que vous dirigez est chargé du désarmement et de la démobilisation. Quel bilan pouvez-vous dresser du processus dans les zones Centre Nord et Ouest?

En zones CNO, pratiquement depuis le mois de mai dernier, le regroupement des ex-combattants a commencé. Il y a eu des rotations à Ferké, Bouaké, Kani et Man. A Man, nous avons eu une rotation, deux à Ferké, six à Kani. A Bouaké, nous avons déjà réalisé 7 rotations et nos équipes sont sur le terrain pour réaliser la 8e. Quel est l'effectif déjà enregistré?
Au jour d'aujourd'hui, je ne peux pas donner des chiffres très exacts, mais sachez que nous sommes autour de 10 mille personnes regroupées dont plus de la moitié est démobilisée.
Dans cette mission, vous êtes amenés à travailler avec le Pnrcc et le service civique. Quel est l'état de vos rapports sur le terrain?
Pour moi, le Pnrrc (Programme national de réinsertion et réhabilitation communautaire), le CCI et le service civique sont les faces d'une même pièce. Nous avons donc des actions complémentaires, pour ne pas dire communes, car par le passé, on a parlé du Pnddr, l'unique structure qui avait en charge tout le volet désarmement et réinsertion. Mais depuis l'Accord politique de Ouagadougou, le volet militaire, désarmement et démobilisation, est dévolu au CCI, et le volet réinsertion et réhabilitation communautaire dévolus à deux structures; à savoir le Pnrcc et le programme de service civique national. Donc nous collaborons ensemble. Quand nous allons pour le regroupement, nous sommes avec ces structures sur le terrain et travaillons ensemble. Chacun a son atelier, mais nous travaillons ensemble sur les mêmes sujets. C'est aussi vous qui avez en charge le désarmement et la démobilisation des milices (DDM). Depuis quelques semaines, vous avez commencé le chapitre de la sensibilisation. Quel bilan à mi-parcours?
Avant de démarrer, il a fallu que nous nous concertions avec tous les responsables de ces groupes d'auto-défense. Un calendrier a donc été établi de façon sectorielle. Nous avons reçu les responsables des groupes d'auto-défense de l'ouest. Il s'en est suivi ceux du centre et du centre-ouest. Nous avons terminé par le grand sud et le sud-ouest. A l'issue des différentes discussions, une période de sensibilisation a été prévue par secteur. Ainsi, nous avons commencé cette campagne de sensibilisation à l'ouest et aussitôt après, il fallait aller au profilage. Depuis trois semaines, nous sommes sur le profilage des groupes d'auto-défense de l'ouest en vue d'aller à leur désarmement et démantèlement. Cette étape est très avancée puisque nous avons déjà traité les départements de Bangolo, Duékoué, Guiglo, Bloléquin et à la date d'aujourd'hui, nous sommes dans le département de Toulepleu pour terminer avec celui de Zouan-Hounien. Aussitôt après, nous allons vers les autres groupes, à savoir ceux du centre et du centre-ouest. Nous allons terminer par le grand sud où nous avons eu à les rencontrer à Abidjan. Nous pensons que raisonnablement d'ici à quelques jours, sauf imprévu, nous devons pouvoir boucler le profilage à l'ouest, et passer à la collecte des armes en vue du démantèlement.
A quel effectif peut-on s'attendre à l'ouest?
Tant que nous n'avons pas fini, il nous sera difficile de donner des chiffres. Mais raisonnablement, après les premiers départements cités, nous devons être à 11 mille ex-combattants des groupes d'auto-défense déjà profilés. Il reste donc deux départements: Toulepleu et Zouan-Hounien. Tout dépend des réalités du terrain. Il serait donc hasardeux de vous donner un chiffre exact maintenant. Il y a un groupe appelé Scorpions Guetteurs? à Yamoussoukro, qui donne de la voix depuis quelque temps. Ses éléments estiment qu'il reste leur devoir des primes promises avant d'aller au front aux côtés des FDS. Mais en plus, ils ont fait état de ce qu'on les a exclus de la nouvelle armée, alors qu'ils ont appris le métier des armes. Qu'en est-il mon commandant?
Nous prenons le problème des groupes d'auto-défense dans leur globalité et non au cas par cas. Quand nous avons reçu ici les différents groupes, M. Dié Bamba, le responsable de ce groupe d'auto-défense était de la rencontre, au même titre que les autres responsables. Nous avons été assez explicite sur le problème des groupes d'auto-défense. Ils ont à leur portée les projets d'insertion ou de réinsertion, au travers du Pnrrc ou du service civique national. C'est une opportunité d'ailleurs qu'ils doivent saisir. Maintenant s'ils ont l'appétit de vouloir être militaires, je ne suis pas contre; mais il y a des critères qui vont être définis par le groupe de travail auxquels il faut obéir pour entrer dans l'armée. Il ne faut donc pas dire que parce que nous nous sommes familiarisés avec le métier des armes, nous sommes éligibles de facto et que nous devons entrer dans la nouvelle armée. Ce qui est certain c'est que le démantèlement des groupes d'auto-défense revient à dire que ces groupes sont éligibles au programme du service civique national et au Pnrrc. En ce qui concerne les Scorpions guetteurs, je ne saurais répondre, à leur place, aux promesses qui leur auraient été faites, alors que je n'étais pas là. Depuis quelque temps, des problèmes récurrents de primes non versées soulèvent des remous de nature à mettre en difficulté le processus de paix. C'est le cas à Séguéla, Vavoua et aujourd'hui, à Bouaké.
En tant que patron du CCI, quels commentaires cette situation appelle de votre part?
Avez-vous quelques propositions qui puissent ramener la paix, de façon durable?
Je vais citer un contemporain qui dit qu'on ne sort pas d'une guerre comme si l'on sortait d'un dîner gala. C'est une situation réelle, car quand pendant plus de 5 ans, il y a eu des tensions, des crispations, voire des pertes en vie humaine, et qu'aujourd'hui il faut construire la paix, inévitablement cette construction va rencontrer des difficultés. Croyez-moi, c'est avec intérêt que nous suivons tous ces remous, comme tous les Ivoiriens. Quelle analyse et quel commentaire nous faisons de la situation? Nous sommes tous interpellés. Car tout Ivoirien doit s'approprier l'Accord politique de Ouagadougou. Pour moi, la paix n'a pas de prix. Et la construction de la paix est difficile. Dans notre collaboration avec les autres structures, nous désarmons et démobilisons. Et il faut très rapidement absorber les démobilisés. Mais est-ce pour autant que quand on a l'amour de sa patrie, s'il y a quelques décalages, il faut mettre en péril le processus en construction?
Je profite donc de votre passage pour inviter les uns et les autres à faire preuve de mesures. Il faut avoir de l'amour pour notre patrie commune. Parce que moi je l'ai toujours dit : Je n'ai qu'une seule patrie et si ça ne marche pas, je ne sais pas où j'irai. Donc on doit savoir raison garder même si l'on a connu des frustrations. Même si l'on connaît des difficultés. Qui n'en connaît pas? Regardons autour de nous sur le continent. Partout, il y a des difficultés. Mais ce n'est pas pour autant que ces difficultés doivent bloquer notre marche en avant. On doit pouvoir continuer le processus. C'est pourquoi j'invite les uns et les autres à adhérer au processus pour une sortie de crise heureuse. Nous n'avons pas intérêt à nous éterniser dans cette situation; personne n'en sortirait gagnant. Donc il faut qu'on se donne la main afin que, main dans la main, nous construisions la nouvelle Côte d'Ivoire. Après près de 6 ans de crise, nous n'avons pas intérêt à retourner en arrière. Les clignotants sont presqu'au vert et nous devons faire l'effort pour que le vert s'allume définitivement. Comment se porte le CCI après une année de fonctionnement?
Le CCI a été officiellement installé fin avril 2007. Donc nous avons un peu plus d'un an d'existence. Le CCI se porte comme toutes les autres structures de l'Etat qui oeuvrent à la sortie de crise. Donc le CCI est dans la même foulée que le pays. Nous faisons notre petit bonhomme de chemin. J'ai espoir, beaucoup d'espoir, que nous accomplirons notre mission jusqu'à la fin, pour une sortie heureuse de crise. Je suis optimiste de nature et donc je serai fort surpris que nous n'atteignions pas notre objectif qui est la paix.

Interview réalisée par N'dri Celestin

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