vendredi 22 août 2008 par Fraternité Matin

Des éléments des Forces nouvelles, protestant contre le non paiement des primes, organisent des manifestations à Bouaké depuis lundi. Les négociations engagées hier, au Centre culturel Jacques Aka, par le commandant de la zone 3, le chef de bataillon Chérif Ousmane, et les ex-combattants démobilisés des Forces nouvelles ont échoué. Sur toute la ligne. Le commandant de la zone 3 n'avait pas de solution à la principale revendication des manifestants portant sur la somme de 5 millions de francs CFA. La parade qu'il a trouvée pour décanter la situation n'a pas aussi prospéré. Ayant proposé aux manifestants d'énumérer toutes leurs préoccupations en bonne et due forme sur du papier, et ensuite de se constituer en délégation qu'il conduira lui-même à Abidjan pour rencontrer Soro Guillaume, Secrétaire général des Forces nouvelles et Premier ministre du gouvernement ivoirien, il s'est heurté à un refus catégorique. Pour eux, il n'est pas question de se rendre à Abidjan pour rencontrer qui que ce soit. Et sur instruction de leur président, le caporal Diaby, ils ont quitté la table de négociation pour se déporter en rang serré au- delà du corridor Sud, à environ 7 km de la ville de Bouaké, route d'Abidjan. Mais le commandant Chérif Ousmane n'a pas pour autant baissé les bras puisqu'il les a rejoints en ce lieu. C'était peine perdue parce que le caporal Diaby et ses hommes ont décidé de paralyser la ville de Bouaké comme ils l'ont promis s'ils n'obtenaient pas satisfaction à leur revendication. Ainsi, ils ont bloqué la voie menant à Abidjan avec des branches d'arbres ou en se couchant de tout leur long sur la voie. Naturellement cette situation a fortement perturbé, hier, la fluidité routière en ce sens que tous les cars de transport venant d'Abidjan ou allant dans le sens contraire ont été contraints de garer, pour attendre l'issue finale de ce bras de fer engagé entre les responsables des Forces nouvelles et les ex-combattants démobilisés dudit mouvement. Mais ils n'entendent pas s'arrêter là parce qu'ils envisagent d'obstruer également le corridor nord et celui situé à l'entrée de la ville de M'Bahiakro. Pour cela, le caporal Diaby a indiqué qu'ils y resteront jusqu'à ce qu'ils obtiennent satisfaction de leur revendication. Cependant, il a précisé que les populations de Bouaké et des villes environnantes peuvent continuer à vaquer tranquillement à leurs occupations parce qu'ils n'ont pas affaire à elles. Pendant que nous mettions sous presse, les soldats occupaient toujours l'entrée nord de Bouaké, après avoir allégé les mesures au corridor sud.

Adjé Jean-Alexis
Correspondant régional




Option : Le ver dans le fruit

Les ex-combattants sont sur le pied de guerre. Non contents d'avoir saccagé, lundi, dans un accès de colère, le secrétariat général des Forces nouvelles à Bouaké, l'ex-fief de la rébellion, ils sont revenus à la charge hier et avant-hier. Descendus dans les rues pour crier leur ras-le-bol, ils ont dressé des barricades au corridor sud de la ville. Ayant l'impression d'être sacrifiés sur l'autel du retour de la paix, ils ne veulent plus que d'une chose: le paiement d'une prime de 5 millions de FCFA à chacun d'eux. Car pendant que, eux, tirent le diable par la queue, leurs chefs roulent carrosse, célèbrent leurs mariages, en grande pompe, outre Méditerranée ou dans des pays voisins, rendent visite à leurs familles qui se la coulent douce outre Atlantique, etc. C'est le jour et la nuit. Aussi, la sourde révolte prend-elle de l'ampleur en se durcissant. Pour eux, il n'est plus question de se soumettre aux différents programmes prévus pour les inviter à déposer les armes (nouvelle armée, réinsertion ou service civique). Pour cela, ils n'ont qu'une seule exigence: en lieu et place des seconds couteaux qui n'ont aucune solution à leurs revendications, avoir une rencontre de vérité avec Soro Kigbafori Guillaume, en personne. Qu'ils ne manquent pas d'accuser, à visage découvert, de trahison?. Le ver est dans le fruit. D'une part, nombre d'ex-combattants ne savent plus à quel saint se vouer, à quel chef de guerre ou à quelle autorité se fier. Perdus dans le processus en cours, ils apparaissent comme les dindons de la farce de l'arrangement politique et entendent monnayer au prix fort leurs redditions. D'autre part, après l'insurrection d'autres ex-combattants de Séguéla et Vavoua, qui ont ouvertement demandé la réhabilitation de leur chef Koné Zacharia (en exil à Ouagadougou depuis qu'il est tombé en disgrâce), cette énième mutinerie de Bouaké, qui s'éternise, risque d'être la face visible de l'iceberg des rivalités internes aux Forces nouvelles. Avec la création d'un autre Mouvement patriotique. N'oublions jamais que la querelle de leadership entre Soro et le sergent-chef Coulibaly Ibrahim dit IB est certes en veilleuse, mais elle continue de survivre aux péripéties du retour à la paix. Au point qu'elle n'a pas cessé d'alimenter les tensions au sein de l'ex-rébellion. A distance, les deux adversaires n'ont pas renoncé à en découdre. De ce fait, la question des primes qui tombent au compte-gouttes en raison des tensions de trésorerie, pourrait très bien servir de terreau favorable à la manipulation du mouvement et à l'instrumentalisation des manifestants. Notre pays n'est pas sorti de l'auberge.

par Ferro M. Bally



Diomandé, secrétaire général du Mouvement patriotique des démobilisés: Nos patrons d'hier nous traitent de bandits?

Pourquoi avez-vous quitté le Centre culturel Jacques Aka pour vous retrouver ici à 7 km de la ville de Bouaké?
Nous avons l'intention de nous éloigner de la population parce que quand les choses vont mal tourner, nos détracteurs vont dire que nous sommes allés nous en prendre aux populations. C'est donc pour éviter que l'on nous prête de telles intentions que nous sommes venus jusqu'ici. Parce qu'ici, il n'y a que de l'herbe et aucune population. Notre objectif est de paralyser entièrement la ville de Bouaké tant que notre problème n'est pas résolu
Et pourtant le cdt Chérif Ousmane a souhaité que vous formiez une délégation pour aller rencontrer le Premier ministre. Nous n'avons pas besoin de nous constituer en délégation pour aller voir qui que ce soit. S'ils sont conscients de notre situation, qu'ils viennent nous trouver ici à Bouaké. Pour le moment, nous sommes dans la rue et nous sommes regroupés au sein du Mouvement patriotique des démobilisés de Côte d'Ivoire A quel moment ce mouvement a-t-il été créé?
Le Mouvement patriotique des démobilisés de Côte d'Ivoire vient de voir le jour, pour la circonstance. Peut-on dire que c'est une rébellion dans une rébellion?
Il ne s'agit pas de cela. Nous sommes des démobilisés qui réclamons nos droits qui s'étendent sur une période 6 ans. Quel appel pouvez- vous lancer à la communauté nationale et internationale?
Notre appel se résume en un seul mot. Nos patrons d'hier nous traitent aujourd'hui de bandits et de petits voyous. Or ils oublient que nous avons combattu à leurs côtés depuis le 19 septembre 2002. Et ils menacent de mater notre mouvement parce que nous ne sommes plus en armes.
Qui vous a dit cela ?
Nous l'avons appris sur les antennes de la radio venant de Bamba Siniman, le directeur de cabinet du secrétaire général des Forces nouvelles. Il a même osé dire que personne ne nous a promis la somme de 5 millions de francs CFA. Et qu'il ne comprend pas d'où vient cette revendication portant sur cette somme. Justement de qui tenez-vous cette promesse de 5 millions?
Qu'on nous ait fait des promesses ou pas, nous pensons que le temps que nous avons passé au sein des Forces nouvelles mérite une récompense et nous avons estimé cela à 5 millions de francs CFA. Pourquoi 5 millions de francs CFA?
Nous avons demandé 5 millions parce que nous avons donné notre poitrine pour la cause des Forces nouvelles pendant 6 ans. Nous estimons que cela mérite une compensation ne serait-ce que pour nous permettre de retourner dans nos familles respectives et reprendre nos activités.

Propos recueillis par Adjé Jean-Alexis




Repères

Regroupement. Le regroupement des Fafn a repris le 2 mai à Bouaké (Zone 3) avec la démobilisation de 1000 ex-combattants. Le 3e Bataillon est à sa 8e rotation de soldats démobilisés quand le camp Génie accueille les Volontaires pour la nouvelle armée (Van). D'autres sites ont accueilli des ex-combattants notamment Kani (Zone 5 Séguéla), Ferké, Man (Zone 6).
Effectif. Sur un total de 36.000 ex-combattants des Forces armées des Forces nouvelles, 7.069 ont été démobilisés et 3.184 pressentis comme Volontaires pour l'armée nouvelle. Protestation. Les manifestions des ex-combattants se sont multipliées cette année dans les zones centre, nord et ouest. Notamment devant le camp Génie le 1er août, devant le secrétariat général des Forces nouvelles le 17 août; les éléments de la direction générale de la police et de la gendarmerie, le 5 août. A Séguéla, les 18 et 28 mai pour protester contre le limogeage du Com'zone Koné Zacharia remplacé par le Cdt Wattara Issiaka et pour réclamer des primes.
Microprojets. La tournée de sensibilisation et de promotion du Représentant spécial du Secrétaire général de l'Onu en Côte d'Ivoire, Y. J. Choi, en faveur des 1000 microprojets, s'est déroulée du 14 au 21 août. D'un coût de plus de 2 milliards, il représente la contribution de l'Onu au programme de réinsertion des ex-combattants et des jeunes à risque. C'est aussi une manière de sécuriser le processus électoral.

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