vendredi 22 août 2008 par Le Patriote

Nous sommes dans la salle d'hospitalisation du service des urgences du Chu de Treichville. L`odeur est insupportable. Une émanation fétide, provenant de la défection du système d`aération par air conditionné et surtout due à l`exiguïté de la vieille bâtisse. Dans ce décor faiblement éclairé, sont disposés quelques lits roulants, sur lesquels sont allongés des malades dont l`état témoigne de la gravité de leur santé. A moitié inconscients, ils sont, pour la plupart, sous assistance respiratoire. Tout autour d`eux se dressent de longues bouteilles d`oxhydrique et du matériel de soins accroché à des chariots. Quelques infirmiers, en blouse d'un blanc défraîchi, prodiguent des soins à certains malades dont les parents, debout à leurs côtés, observent, dans un silence de mort, ce qui se passe. Par leurs regards, l'on imagine ce qu'ils souhaitent pour leurs malades : la guérison. Cette salle relativement spacieuse, est séparée d'une autre par un long couloir. Cette dernière, compartimentée, offre un semblant d'intimité aux malades. Mais partout, l'odeur est permanente. Une piquante odeur de désinfectants mêlée à celle des médicaments et certainement des déjections de certains malades, malmène les narines de tout visiteur. Dans ce cadre déjà peu accueillant, se trouvent, au détour d'un couloir, des toilettes destinées aux malades.

Des toilettes hors d'usage

Elles sont à l'image de la salle d'hospitalisation du service des urgences de cet établissement. Une salle qui rappelle trait pour trait, l'univers carcéral. Tant ses installations sont gagnées par l'obsolescence. Un cadre pas très rassurant pour les malades. Que dire alors de l'état des toilettes ? Ces endroits sont loin, très loin, de mériter l'appellation de lieux d'aisance. Et ce, en dépit des panneaux de sensibilisation à l'hygiène installés ici et là. La crasse, partout, décourage plus d'un visiteur dans le besoin. C'est dégueulasse ici. L'eau coule de façon discontinue du fait de la défaillance des chasses d'eau lâche une infirmière avec dégoût. C'est que l'humidité, qui y est permanente, a fini par affecter les portes recouvertes de moisissure. Le fond des cuvettes, visiblement rougi par l'usage, ne ressent plus les effets des détergents. Au service de la médecine I, II, et III, le constat est le même. Les malades et leurs parents souffrent ici, du mauvais état des toilettes. lance M.S, aide-soignant dans ce centre. Selon lui, le fait que l'eau coule sans cesse dans les toilettes, ne facilite pas le respect de la procédure de nettoyage. En clair, la méthode de dilution du détergent désinfectant n'est pas respectée. Un avis que partage pleinement, Dr Koné, interne dans ce service. Ce praticien plaide pour que quelque chose soit fait pour réparer ces toilettes. Certains malades utilisent des pagnes pour pallier le déficit de certains draps. Pourtant la norme de l'Oms recommande au moins quatre draps par lit. Plus l'on avance vers d'autres services, plus l'on découvre d'autres facettes de l'insalubrité des toilettes des malades. Au service Stomatologie par exemple, le spectacle est désolant. Les toilettes, qui se présentent sous la forme d'un box à quatre cloisons individuelles, ressemblent fort bien à une cour inondée qui nécessite que l'on retrousse les pantalons avant de s'y aventurer. Cet endroit ne donne, à la vérité, aucune envie de s'y rendre. A moins d'être tenaillé par une diarrhée. Le système de drainage des eaux usées est inexistant. On est fatigué de rédiger des rapports là- dessus explique le Pr. Konan, d'un air résigné. Avant de préciser que ça fait plus de six mois que cela dure. On s'imagine aisément qu'un tel environnement ne peut qu'être des jours de fête pour les moustiques, les cafards et autres rongeurs. Guérir dans un tel cadre doit tenir du miracle. Aucun médecin non plus, ne peut donner le meilleur de lui-même, dans de telles conditions de travail. Car rien n'y incite. Ni l'humanisme, ni même le serment d'Hippocrate. Pour Dr Amichia Magloire, Secrétaire général du Syndicat national des cadres supérieurs de Santé de Côte d'Ivoire (Synacass-ci), les toilettes du CHU sont tout simplement à l'image des toilettes publiques. C'est une question de mentalité. En Afrique, on prend rarement soin de tout ce qui est bien public. Il appartient à l'Etat de sensibiliser les uns et les autres fait-il remarquer.

Des fuites d'eau de robinets

Avant de révéler que cette situation n'est pas sans conséquence pour les patients : Selon les derniers chiffres en notre possession, 13% des patients contractent des infections nosocomiales dans nos hôpitaux. Des germes très résistants aux traitements, à l'en croire.
Au service de l'hygiène et de l'assainissement, situé à côté de la Gynéco obstétrique, le bureau reste toujours fermé. C'est par coup de chance qu'on les trouve là , nous informe une cuisinière de la cantine du Chu. Toutefois, il convient de relever que tout n'est pas sombre dans cet établissement sanitaire. Car les toilettes des services de dermatologie, et des maladies infectieuses, curieusement, ont un aspect acceptable. Et dans cette grisaille, la clinique médicale s'impose comme le cadre le plus huppé. Situées en face du service de cardiologie, ces salles d'hospitalisation n'ont rien de commun avec celles décrites plus haut. Ces chambres, offertes à 10.000 f , 15.000f, par jour et par personne et dont une seule peut avoisiner les 35.000 f Cfa, présentent tout le confort d'une chambre d'hôtel une étoile. Bien que les chauffe-eau soient hors d'usage. Notre inspection s'achève, sur un site non moins insalubre. Il s'agit du dépotoir du CHU. Ce centre de groupage, situé juste derrière le service Stomatologie, accueille un bac à ciel ouvert. Dieu seul sait ce qui s'y jette. C'est évidemment une zone à haut risque. Puisque, selon l'Organisation mondiale de la Santé, 20% des déchets médicaux constituent des sources d'infections dangereuses. Pourtant, le directeur de la buanderie et du linge, M. Bilé, se veut rassurant. Selon lui, ces déchets médicaux ne traînent pas longtemps, ils sont régulièrement enlevés par le service technique de la mairie nous apprend-il. Le drame, c'est qu'à quelques mètres derrière ce centre de groupage d'ordures médicales, se trouvent une Eglise et une école primaire. Les fidèles et les élèves qui fréquentent ces lieux sont-ils à l'abri de dangers ? Pas évident ! Après la visite de ces services médicaux, une seule question trotte à l'esprit : comment effectuer des prestations de soins de qualité, dans un environnement qui est loin d'être propice à la guérison ? Quand on sait que l'insalubrité n'est pas le seul fléau de nos hôpitaux, on est en droit de s'interroger sur l'efficacité de notre système hospitalier.

Alexandre Lebel Ilboudo

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