vendredi 22 août 2008 par RFI

Artiste multi-facettes, Momar Kane joue aussi bien avec les notes qu'avec les mots. Il a choisi une musique gorgée d'Afrique pour chanter le simple et le beau. RFI Musique l'a rencontré lui et son groupe, Momar Afrodeam, lors de leur passage à Nouakchott, à l'occasion de La Quinzaine des Arts fin juin.

Composée de petites pousses irrégulières, sa chevelure ressemble au feuillage d'un arbre. Un arbre de la connaissance ? Un arbre à lettres ? Un peu des deux à vrai dire. Mais en réalité Momar Kane, c'est trois branches. D'abord, celle de la littérature et du cinéma africain qu'il enseigne conjointement à l'université de Toulouse. Puis celle de la musique qu'il vit intensément depuis une dizaine années avec son groupe Momar Afrodream, égrainant les scènes du sud de la France et du continent noir.

A 38 ans, Momar Kane partage son existence entre la France et le Sénégal où vit encore une partie de sa famille. Si notre homme sait très bien lire les ?uvres littéraires, il n'a toutefois pas appris à lire la musique. "Je n'écris pas et je ne lis pas la musique" confie-t-il, un peu désolé. Momar Kane sourit. Avant de prolonger le mystère. "Il n'y a pas non plus chez moi de volonté de composer. En général, j'ai un accord de base et après me vient une mélodie ou un texte, ou les deux en même temps. S'il n'y a pas de mélodies, alors le texte devient un poème"

Dominique, le guitariste et membre fondateur du groupe, confirme : "Momar n'est pas un technicien de la musique. C'est quelqu'un qui amène des petits bouts de sons, qui apporte des petites graines pour que nous autres nous les arrosions. Je n'ai jamais vu une telle manière de travailler la musique".

Inspirations tous azimuts

Le virus du son, Momar Kane l'a hérité de l'Afrique, sa terre natale. Depuis le Burkina, où il est né, jusqu'au Sénégal, où il a grandi. "Au Sénégal, quand tu es petit, il n'y a pas de tri dans l'écoute. Chacun a sa fréquence de radio et tous les styles de musique sont diffusés", explique-t-il. C'est ce pot-pourri de sons et de chants qui lui fait également dire qu'il n'a pas d'influences précises. "Tout m'inspire, l'existence m'inspire, je suis sensible à tout ce qui passe sous mes yeux`, poursuit l'artiste.

Alors musicalement cela donne quoi ? Quand la réalité passe à travers le prisme sensoriel de Momar, il en ressort une musique hybride et nomade qui fait un joli pied de nez à toute tentative de classification. Une musique riche mais pas complexe. Des mélodies fragiles mais pas légères. Osons tout de même les comparaisons : il y a un peu de Bob Marley dans son style même si ce n'est pas du reggae ; il y a un peu de Fela Kuti même si ce n'est pas de l'afrobeat et il y a un peu de Muddy Waters même si ce n'est pas du blues "roots".

Du blues parlons-en. Car c'est probablement -sans vraiment l'avouer- de quoi se rapproche le plus la patte de Momar. La musique du groupe est nature. Sincère. Sans apparat et sans déguisement. Dans sa voix crépitent les brindilles d'un feu de brousse, dans ses yeux brille la lueur du soleil au zénith. "Si je chante quelque chose qui ressemble à du blues, c'est un peu malgré moi", plaisante-t-il. Avant de continuer : "Le chant permet de conjurer l'absence, le blues incarne pour moi la fin des larmes. Je veux essayer de faire un blues universel qui ne parle pas de souffrances passées mais de souffrances ressenties dans le temps présent". Momar fuit tout ce qui s'apparente à une cristallisation identitaire. "La souffrance n'est pas le propre du blues. Pour moi, dans la musique yiddish aussi, il y a de la souffrance", analyse-t-il.

Travail de groupe

Avec les guitaristes Dominique Bernard et Philippe Etienne, le batteur Nicolas Mausmond, les saxophonistes Bernard Gasnault et David Vall Gaston, ainsi que le bassiste Johnny Amemoutou, Momar Kane a trouvé des partenaires de choix pour réifier sa vision élargie de l'art. Et en particulier de la musique. Ciné-concerts, ciné-palabres, ateliers en collaboration avec la CIMADE, le Comité inter-mouvements auprès des évacués, dont la mission est de venir en aide aux immigrés, entre autres.

La bande conçoit la musique comme un art engagé. Le groupe s'est formé dans un squat d'artistes à Toulouse : le fameux Mix'Art Myrys au centre de la ville. Beaucoup d'encre et de larmes avaient coulé lorsque le collectif d'artistes qui habitait l'ancienne préfecture avait été prié de déguerpir en 2005. Aujourd'hui, le "squat" a été relogé en périphérie. L'envie et le besoin de créer, eux, sont restés intacts.

Invité en Mauritanie dans le cadre de la Quinzaine des Arts, le premier festival du genre qui vise à faire se rencontrer plasticiens, poètes et musiciens, Momar Afrodream est venu accompagné d'une caravane d'artistes. La Mauritanie, le pays du million de poètes, comme on le surnomme, les a accueillis à bras ouvert. Pour faire ce à quoi ils aspirent : jouer une musique sans frontières.

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