vendredi 22 août 2008 par Le Repère

Invité pour s`exprimer sur les questions brûlantes de l`actualité, le député Pdci de Vavoua, Gouali Dodo junior, n`a pas boudé son plaisir. Il a donné sans faux-fuyants son opinion sur la rencontre que sa région d`origine a eue avec le chef de l`Etat, Laurent Gbagbo dont il a décortiqué le discours. Les relations entre la France et la Côte d`Ivoire ainsi que le rôle des troupes françaises pour freiner la rébellion ont été également évoqués dans cet entretien.

Les populations de Vavoua ont rendu visite le mardi 22 juillet dernier au chef de l`Etat. Les élus PDCI de Vavoua n`étaient pas à cette visite. Y a-t-il une raison particulière à cela ?
La raison est toute simple. Les élus de l`opposition n`ont pas été invités à la rencontre qui préparait cette visite. Et n`ayant pas été invités, nous avons jugé bon de rester chez nous. Je voudrais rappeler que lors de la visite du président Gbagbo à Séguéla et à Vavoua le lundi 14 juillet dernier, les élus de l`opposition avaient été associés et nous avons fait le déplacement de Vavoua pour accueillir le président et sa délégation. Notre contribution a été financière et physique. Si des élus par esprit républicain ont parcouru 1000 Km (aller et retour) Abidjan/Vavoua pour recevoir le président Gbagbo et n`ont pu se rendre de leur résidence à la présidence de la République au Plateau, c`est qu`ils ont été volontairement ignorés par ceux ou celui qui a négocié cette rencontre.

Au cours de cette visite, le chef de l`Etat a longuement attaqué le Président Henri Konan Bédié qu`il a accusé d`être à la base des contrats qu`il a prétendu léser la Côte d`Ivoire sur les ressources pétrolières. Quel commentaire ?
Je retiens tout simplement que le discours qui a été tenu globalement par le président de la République n`était pas à la hauteur de la fonction qu`il exerce au sein de l`Etat de Côte d`Ivoire. Etant donné que nous sommes dans une situation exceptionnelle de sortie de crise, j'en crois que les populations de Vavoua n`avaient pas besoin de cette démonstration que je qualifierais de folklorique. La conclusion que je tire, c`est que le Président Gbagbo nourrit une forme d`anti-PDCISME pavlovien qui l`amène à critiquer systématiquement les militants et les dirigeants du PDCI-RDA. Ça se comprend aisément. Le président Gbagbo a tellement intériorisé son passé d`opposant qu`il oublie quelquefois que c`est lui qui gère la Côte d`Ivoire. Donc le fait d`avoir été dans l`opposition pendant des années donne le sentiment qu`on est toujours dans l`opposition. Et on formule des critiques inutiles contre des gens de bien comme le président Bédié a géré la Côte d`Ivoire et qui ont donné une dignité à ce pays.

Pensez-vous que votre absence a favorisé les propos tenus par le chef de l`Etat ?
Je ne saurais le dire. Mais je pense simplement que si j`avais été à cette rencontre, si les élus de l`opposition avaient été à cette rencontre, je suis convaincu que le Président Gbagbo n`aurait pas tenir ce discours. De toutes les façons, tel que je me connais, s`il commençait à tenir un tel discours, j`allais me lever et sortir de la salle.

Vous estimez qu`il a saisi cette rencontre pour dire ce qu`il voulait dire sur le président de votre parti ?
Vous savez, qu`il ait eu à saisir cette rencontre pour dire ce qu`il avait à dire, moi je pense que l`occasion et l`environnement n`étaient pas appropriés pour tenir un tel discours. Je veux simplement dire que ce discours est révélateur de la haine que le Président Gbagbo a contre le Président Henri Konan Bédié. Et les militants du PDCI qui n`ont pas encore compris doivent le savoir.

Ce discours est relayé par Charles Blé Goudé dans les agoras et parlements, est-ce que cela n`aura pas un impact sur les militants PDCI de Vavoua ?
Ça n`aura aucun impact sur les militants du PDCI-RDA. Je venais de vous dire que le discours qui a été tenu par le Président Laurent Gbagbo n`était pas un discours à la hauteur de la fonction qu`il exerce. Donc c`était inutile de parler comme il a parlé. C`est un discours qui le dessert. Ceux qui étaient au palais n`étaient pas tous des militants du FPI. Il y avait 75% des militants du PDCI dans cette population. Des chefs du village à qui le vice président Manou Bi et moi-même avons exprimé notre déception de n`avoir pas été associés à cette réception, nous ont compris. Ils étaient tous déçus parce qu`ils n`étaient pas venus pour entendre un tel discours. Ils étaient venus parce qu`ils avaient fait des doléances, et ils étaient venus demander au Président d`accéder à ces doléances. Ce qui n`a pas été le cas.

Vous dites que 75% de ceux qui étaient au palais sont du PDCI. Après avoir entendu un tel discours, est-ce qu`ils ont prévu une réaction ?
Il n`y a pas de réaction. La meilleure réaction, c`est dans les urnes. C`est nous qui réagissons en tant qu`élu. Les populations attendent les urnes. Elles sont tellement impatientes de savoir si effectivement nous allons partir aux élections le 30 novembre. On a fini avec ces réactions épidermiques qui n`avancent à rien. Les meilleures réactions, c`est l`expression dans les urnes. C`est la sanction. Les gens sont mobilisés et ils attendent les élections ; qu`on commence les opérations d`identification afin qu`ils puissent exprimer leur liberté.

Que pensez-vous des doléances formulées par le porte-parole des populations de Vavoua, ce jour-là ?
Du n`importe quoi ! Comment peut-on demander 30 Km de bitume à un Président qui n`a pas donné 2 Km de bitume à Gagnoa et à Ouragahio. Comment demander au Président d`aller réhabiliter le lycée de Vavoua, mission qui est dévolue au Conseil général. En tout cas, ce discours et les doléances qui mettent mal à l`aise le Conseil général de Vavoua ont étalé son incompétence.

Vous êtes de Vavoua, une zone des Forces nouvelles où il y a eu récemment des soulèvements. Est-ce que cela a troublé la quiétude de vos populations ?
Je crois qu`à un moment donné, les populations ont eu plus ou moins peur. Parce qu`avec le bruit des armes, on a peur. Et donc les populations ont été inquiétées. Mais cette inquiétude s`est vite dissipée grâce à l`intervention du Premier ministre Guillaume Soro et du Commandant Wattao. Il n`y avait donc pas lieu d`effectuer une visite inutile à Vavoua et à Séguéla.

Cette visite n`a-t-elle pas été orchestrée par des familles bien connues ? Le Président a dit qu`il n`était pas sûr que les élections aient lieu dans la quiétude dans cette zone. Est-ce à dire que les électeurs qui devront sortir le 30 novembre devront craindre pour leur sécurité ?
D`abord, je vais vous dire que je me moque du fait qu`une famille ait des relations particulières avec le Président. Ce n`est pas mon problème. Ce que j`attendais, c`était que les fils et les filles de Vavoua aillent à cette rencontre en toute communion. C`est ce que nous avions souhaité.

Aujourd`hui, quel est l`état d`âme des populations et quel est l`état de la sécurité à Vavoua ?
Dans tous les cas, Vavoua est à l`image de toutes les zones sous contrôle des Forces nouvelles. Je pense qu`au moment des élections, il y aura des forces impartiales, des éléments des Forces de défense et de sécurité et des éléments des Forces nouvelles qui vont aller sécuriser ces élections. De toutes les façons, depuis 2002, nos populations vivent ensemble avec ces éléments des Forces nouvelles qui les connaissent très bien. Et donc, il n`y a pas de péril en la demeure. Pour les élections, nous souhaitons que toutes les forces viennent sécuriser toutes opérations de vote.

Pour vous, après cette rencontre, l`image de votre parti reste-t-elle intacte ?
L`image de notre parti a toujours été intacte. Parce que cette rencontre n`a pas dérangé nos militants. C`est un discours qui a eu un effet contraire. C`est un discours qui discrédite le président. Il devrait interdire à ses militants de diffuser ce discours partout. Le Président Bédié est un grand homme. Et c`est honteux, en tant que Président en exercice de dire que le prix des denrées a augmenté parce que le fils d`un ancien Président aurait commercialisé du riz. S`il y a des communicateurs autour de lui, il doit surseoir à ce genre de discours qui le discrédite.

Quelles sont les propositions des militants sur le terrain à Vavoua ?
Vavoua a quatre députés PDCI-RDA. 90% des électeurs sont PDCI-RDA. Certains cadres ont changé de parti comme par enchantement en espérant des nominations ou des promotions. Je comprends qu`ils aillent mentir à leur nouveau maître que Gbagbo gagnera avec un score fleuve. Nous qui connaissons Vavoua et qui sommes sur le terrain, nous savons que ceux-là sont en train de mentir. Je ne parlerai pas en terme d`élections ou en terme de militants. Je ne parlerai pas d`autochtones. Je parle des Ivoiriens qui votent. C`est cela que les Ivoiriens doivent comprendre parce que nous sommes en démocratie. Ce sont les Ivoiriens qui votent. Ce ne sont ni les ethnies ni les tribus qui votent. Et les Ivoiriens qui votent à Vavoua sont largement majoritaires. Et ils projettent qu`on les informe suffisamment de la vie du parti.

Les premières valises de la SAGEM sont arrivées. Toute chose qui annonce l`imminence de la tenue des élections. Est-ce que vous croyez en la date du 30 novembre ?
Je n`ai pas l`habitude de jouer ni avec les mots, ni avec la parole. Vous savez qu`en Côte d`Ivoire, dans le courant du mois de février, la SAGEM a dit qu`il leur fallait 8 mois pour boucler le processus d`identification en Côte d`Ivoire. Ils l`ont dit ouvertement, nous étions encore en février. Ceux qui doivent procéder à l`identification n`ont pas tous été recensés. Il ne faut pas mentir aux populations. J`ai l`impression aussi que la SAGEM est peut-être manipulée par certaines personnes. Il faut dire la vérité aux Ivoiriens afin qu`ils sachent à quel moment ils auront leur futur président qui sera certainement issu du PDCI-RDA. Je suis un peu inquiet de la situation. Même si je souhaite que les élections se tiennent le 30 novembre, je suis persuadé que les élections n`auront pas lieu à cette date au regard des données techniques. A moins qu`on ne fasse du sabotage pour donner le pouvoir à quelqu`un que la Côte d`Ivoire ne veut plus.

Ils ont précisé que le volet identification a démarré et que c`est l`enrôlement qui va se faire en six semaines.
Selon mes informations, on nous a dit que l`identification générale de la population commencera après l`installation des différentes valises. Je sais que nous avons commencé les audiences foraines depuis quelques mois qui ne sont pas terminées parce qu`il y a des opérations de rattrapage. L`on ne peut donc pas nous dire que l`identification a commencé depuis le mois d`avril. C`est de la poudre aux yeux. Ne croyez pas en ce genre de déclarations.

En un mot, vous ne croyez pas à la date du 30 novembre ?
Je n`y crois pas.

Pensez-vous que les Ivoiriens sauront accepter une nouvelle date d`élection eu égard à leurs souffrances au quotidien ?
On n`y peut rien. Les Ivoiriens vont comprendre s`ils sont avertis à temps. Si l`on dit aux Ivoiriens que le 30 novembre est impossible et que par exemple c`est février 2009 qui est retenu, ils vont comprendre. Encore faut-il qu`on sente une évolution dans les étapes.

Qu`est-ce qui a motivé la création de votre ONG "Action pour la France" ?
L`on me pose toujours la même question mais c`est tellement simple. Vous savez que contre le mensonge il faut savoir se lever et donner la chance à la vérité. Après les événements de 2002, la France a été accusée de tous les mots. " C`est la France qui a créé la rébellion. C`est la France qui a attaqué la Côte d`Ivoire. Les rebelles ne sont pas seuls, ce sont les Français qui dirigent les débats ". Tout a été dit sur la France. Du coup, les gens ont ignoré leur carence dans la gestion des hommes qui a entraîné certains comportements qui ont débouché sur la prise des armes. C`est cela la réalité. Il y a certains Ivoiriens qui sont allés voir le Président Laurent Gbagbo pour lui dire de couper les relations diplomatiques avec la France. Heureusement que le Président n`a pas suivi ce qu`ils ont dit même si c`était son souhait. Donc il fallait faire comprendre à nos amis les Français que tous les Ivoiriens ne sont pas contre eux et que c`est la minorité qui crie et qu`elle a la chance de s`exprimer sur les médias d`Etat qui sont devenus privés. Nous disons aux Français que les Ivoiriens ne sont pas d`accord avec les actes qui sont posés et que les Ivoiriens ne sont pas d`accord avec les manifestations dites patriotiques et aussi anti françaises. C`est la raison pour laquelle nous avons créé l`ONG "Action pour la France".

Les relations entre la Côte d`Ivoire et la France se sont quelque peu normalisées. Avez-vous le sentiment que vous avez atteint votre objectif ?
Nous nous réjouissons que Paris et Abidjan se parlent. Mais nous ne sommes pas encore satisfait. Nous voulons la stabilité de la Côte d`Ivoire afin que les opérateurs économiques viennent au pays. Il faut que les Français viennent investir pour donner du travail à nos jeunes diplômés.

Quelle est la responsabilité de la France dans cette crise ?
Quand vous parlez de responsabilité je ne comprends pas très bien.

Quelle a été la participation réelle de la France par rapport au pouvoir et dans l`optique du règlement du conflit parce que certains ont eu l`impression qu`elle a tergiversé ?
C`est la France qui a sauvé le régime en place. Ce sont les militaires français qui se sont interposés aux premières heures de l`attaque pour arrêter la rébellion. Ce sont les Français qui ont fait que la rébellion et le pouvoir se parlent en allant à Marcoussis. Les forces Licorne qui sont ici, nous aident. C`est un conflit ivoiro-ivoirien et un ami français est venu pour nous aider. C`est injuste de dire que la France est responsable de notre conflit. Ce sont les Ivoiriens qui tergiversent par ce que certains ont peur des élections.

Quelles sont les actions que vous avez en vue dans l`optique du réchauffement des relations entre la France et la Côte d`Ivoire ?
Ce qui est important c`est notre pays. En ce qui concerne les relations entre les deux pays, elles sont inscrites dans une durée. Donc petit à petit les Ivoiriens qui n`avaient rien compris comprendront que la France est incontournable. Nous allons continuer à mener des actions comme des séminaires. Nous avons un séminaire dans le mois de septembre. " Sortie de crise et relance économique : la contribution de la France ". L`ambassadeur de la France viendra pour dire aux Ivoiriens ce que la France fait pour notre pays. Le 24 octobre, nous allons initier la deuxième nuit de l`amitié et de la fraternité ivoiro-française à la salle des fêtes de l`hôtel Ivoire.

Quel sens accordez vous à la visite de Bernard Kouchner en Côte d`Ivoire récemment ?
Je voudrais d`abord remercier le ministre Bernard Kouchner d`être venu en Côte d`Ivoire. C`est une chance qu`il a donné à la paix de s`installer en Côte d`Ivoire. Depuis que nous avons connu cette crise, aucune personnalité française importante n`était jamais venue en Côte d`Ivoire, Bernard Kouchner est venu dire aux Ivoiriens que la France est avec eux. C`est une visite symbolique. Nous lui disons merci ainsi qu`au Président Sarkozy d`avoir permis cette visite.

Vous êtes présenté comme un chouchou de l`Elysée. Est-ce vrai ?
Les gens racontent n`importe quoi. L`ambassadeur de France André Janier qui a été surpris de l`existence d`une ONG soutenant la France dans l`intérêt des Ivoiriens, nous fait l`honneur de nous recevoir quand il le peut à notre demande. Nous avons eu la chance de rencontrer Bernard Kouchner lors de son passage à Abidjan. Des personnalités françaises de haut niveau nous ont reçu au Quai d`Orsay, au Medef et à l`Assemblée nationale française. De là à dire que nous sommes le chouchou de l`Elysée est un pas que je refuse de franchir. Mais mes amis et moi, nous ne cracherons pas sur ce grand honneur si cela était vrai. Il est bon d`être le chouchou d`une grande puissance que d`être celui d`un pays qui cherche ses marques indéfiniment. C`est la Côte d`Ivoire qui est le chouchou de la France.
Interview réalisée par
Paul Koffi
Marc Koffi
Jules Claver Aka
Coll : Foumséké Coulibaly

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