vendredi 22 août 2008 par Le Repère

Le processus de paix est dans sa phase décisive. Dans chaque camp, les responsables sont en man?uvre pour ne pas être la cause du retard. Chez les Forces Nouvelles, si le remaniement du Gouvernement est loin d'être une préoccupation, les manifestations répétées des éléments démobilisés constituent un véritable souci dont parle ici le colonel-major Bamba Sinima, directeur de Cabinet du Secrétaire Général des Forces Nouvelles.

Colonel, il y a une rumeur persistante qui faisait état de la mort d'un de vos collaborateurs, le commandant Issiaka Ouattara, alias Wattao. Qu'en est-il au fait?
Ce journal je ne l'ai pas lu, mais j'ai eu des bribes d'informations, des rumeurs, mais en tant que Directeur de cabinet du Secrétaire général des Forces Nouvelles, je ne m'accroche qu'aux informations réelles. Le jour où le premier responsable des Forces nouvelles me dira voilà ce qui est arrivé à un tel élément, alors je pourrai prendre cela pour argent comptant. Vous savez, avec les rumeurs, on a toujours "tué" les gens ici. Du temps du président Yacé, il a été tué au moins 5 fois par les journalistes, et par la rumeur de Treichville. On dirait que les journalistes, à chaque fois qu'il y a une accalmie, ils trouvent des sujets à intérêt. Sinon, moi, je crois que ce sont des rumeurs et je n'accord aucun crédit aux rumeurs.

Il y a eu encore des mouvements dans la ville de Bouaké le lundi dernier. Que s'est-il passé exactement ?
Effectivement, le lundi dernier, nous avons enregistré quelques mouvements des étudiants qui manifestaient leur ras-le-bol. Ils sont privés de cours depuis le mois de juin. Sinon, les cours se déroulent de façon irrégulière, les professeurs viennent au compte-goutte prétextant que les primes et perdiems ne sont pas payés depuis le mois de janvier 2008. Du coup, cela a créé un malaise au niveau des professeurs qui refusent de plus en plus de venir à Bouaké pour dispenser des cours. Il faut dire que les étudiants de l'université de Bouaké ont trop souffert de l'interruption des cours pendant des années. Aujourd'hui, ils accusent un retard sur les années académiques. Pendant que ceux d'Abidjan sont dans l'année académique 2007-2008, ici certains sont encore dans l'année académique 2006-2007, voire 2005-2006. Lorsque les retards sont accusés dans la dispensation des cours, cela ne peut que gêner véritablement les étudiants. Ce sont les raisons qui justifient leurs mouvements.
En ce qui concerne les militaires, les mouvements que nous avons observés seraient au niveau de deux structures, la première est celle des militaires démobilisés et remis au PNRC pour leur réinsertion. A cela, devrait être payé une certaine somme, je crois 90 000F par mois. Il semble qu'ils auraient quelque retard dans le paiement de ces primes. Il y a aussi des démobilisés qui sont gérés par l'ONG GTZ qui travaille avec le Service civique. Ils sont au nombre de 250 jeunes à Bouaké. Ceux là ont fini leur formation il y a trois semaines et attendent leurs kits d'installation et ils sont impatients. C'est ce qui pourrait expliquer aussi leur mécontentement, qui a été utilisé par le groupe de PNRC en s'associant à eux pour manifester, pour se faire entendre. Le lundi matin, ils se sont dirigés au siège du Secrétariat des Forces nouvelles où ils ont causé des dégâts matériels assez importants sur les bâtiments, les installations.

Mon colonel, de telles manifestations sont courantes dans vos zones, que comptez-vous faire à l'avenir pour pallier ce genre de situation ?
C'est vrai que ces mouvements deviennent récurrents, ça devient gênant pour les populations. Les responsables des Forces Nouvelles ne peuvent pas être heureux. Il faut qu'on invite les uns et les autres à la patience et à la responsabilité. On ne règle pas tout par la force. Nous pouvons dire que la gestion des ex-combattants est un exemple unique en Afrique. Que des gens qui ont pris des armes se voient de façon normale réinsérés dans le tissu social, des dispositions sont prises pour qu'ils deviennent des citoyens normaux, des citoyens avec un emploi, participant à la vie économique de leur pays en initiant des projets qui peuvent leur permettre de gagner leur pain. Je crois qu'ils doivent savoir raison garder. Mais, si pour un oui ou un non, on doit prendre des armes, certains pays auraient disparu de la carte. Il y a des pays africains où l'ensemble des fonctionnaires n'ont pas perçu leur salaire pendant des mois, voire des années. Ces fonctionnaires là n'ont pas cassé leur pays. Il faut éviter de chaque fois prendre des armes et tiré partout. On ne peut pas travailler sous la pression. Nous devons inviter ces gens à plus de responsabilité, à plus de modestie et surtout à plus de reconnaissance, surtout que les autorités de ce pays prennent toutes les dispositions pour qu'ils puissent se prendre en charge demain. Qu'ils patiente un tout petit peu donc.

Mon colonel, nous avons l'impression que le message ne passe pas entre vous et eux. Chaque fois qu'il y a ces incidents malheureux, vous leur tenez ce même langage et ils récidivent. Ne pensez-vous pas qu'il y a une crise de confiance ?
C'est à eux de savoir s'il y a une crise de confiance. Sinon, à notre niveau il ne devrait pas avoir de crise de confiance dans la mesure où nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour leur garantir un avenir. () Et puis, à quel niveau s'installe la crise de confiance ? Il faut que ces jeunes comprennent que ce pays est un pays qui était en crise pendant 6 ans, où la Côte d'Ivoire a vécu des situations très difficiles et que la Côte d'Ivoire est en train de gérer une situation inédite qui dépasse ses propres moyens. Il faut que les jeunes comprennent cela. Et il y aurait crise de confiance si au départ les autorités n'avaient pas envisagé de les aider à s'installer et ou leur disait " La guerre est terminée, rentrez chez vous ". Je ne sais pas si c'est ce qu'ils préféreraient par rapport à une aide qui leur permet de s'installer. Je crois que la crise de confiance ne devrait pas exister. Tous les jours, le commandant Cherif Ousmane passe tout son temps à leur expliquer les dispositions qui sont prises pour les mettre à l'aise. Le samedi dernier, le représentant du Secrétaire Général des Nations Unies M. CHOI est venu à Bouaké pour parler de réinsertion, du volet communautaire, des projets de l'ONUCI au profit de ces jeunes. Mais vous savez les problèmes d'argent, ce n'est pas au coup de sifflet. Il faut tenir compte de cela et il ne devrait pas y avoir de crise de confiance. Il faut qu'ils comprennent que l'Etat a des problèmes. Il arrive parfois que chez vous à la maison, vous n'ayez pas d'argent pour donner à votre femme pour aller au marché. Mais, ce n'est pas pour cela qu'elle va casser la baraque. On paye quand ça marche et puis on attend une semaine, deux semaines. Ce n'est pas de la mer à boire qui peut amener à remettre en cause toutes les dispositions qui sont déjà prises ! Il faut que les jeunes comprennent que ce qui a été promis sera exécuté. Peut-être pas dans le temps qu'ils veulent. Ils veulent que chaque matin on fasse ceci. Mais il faut qu'ils comprennent que l'Etat aussi a des contraintes.

Mon colonel, vous êtes une autorité des Forces Nouvelles et ces derniers temps, on parle de remaniement du Gouvernement et le bruit court que les élections du 30 novembre seraient menacées. Qu'en savez-vous ?
Les élections seraient menacées par qui ? Le remaniement ? Il y a du retard dans l'application de certaines dispositions de l'accord de Ouagadougou et dans la mise en ?uvre des opérations du processus électoral.
Au niveau du remaniement du gouvernement, je ne peux pas me prononcer, en ma qualité du Directeur du Cabinet du Secrétaire Général des Forces Nouvelles. Je ne gère pas l'action gouvernementale. Je ne peux donc pas savoir s'il y aura remaniement ou pas. Comme vous êtes journalistes, vous avez certainement des informations.

Les Forces Nouvelles n'en sont-elles pas informées ?
A ma connaissance, ce n'est pas notre préoccupation. Le Secrétaire Général tient à la date du 30 novembre, et elle sera respectée. Le seul problème étant d'ordre financier. Mais il y a eu des débuts de solutions. Des promesses fermes ont été faites. A la limite, je peux même dire que les problèmes financiers sont bouclés. Le Secrétaire général soutient qu'il a les moyens pour organiser des élections le 30 novembre. C'est cela le plus important. Tout récemment, on nous a dit que SAGEM est en train de faire venir son matériel et qu'il y aurait un premier lot de 15 tonnes qui est déjà arrivé et que des bateaux ont quitté le port du Havre en France pour faire mouvement sur Abidjan avec un autre lot de matériel. Pour nous, jusqu'à preuve du contraire, nous pensons que la date du 30 novembre sera respectée et j'invite les Ivoiriens à croire en cela.

Il y a dix zones Forces Nouvelles et il n'y a qu'à Séguéla et à Bouaké qu'a commencé le regroupement. Pourquoi les autres zones traînent le pas et à quand le début de leur regroupement ?
Le Chronogramme du regroupement avait été présenté par le Chef d'état-major des FAFN au cours d'une réunion, à laquelle le Premier Ministre avait assisté avec le représentant du facilitateur, M. Baldini. Ce chronogramme est assez explicite. Maintenant, s'il y a quelques retards au niveau de certaines zones, je crois qu'il faut mettre ces retards sur le compte de problèmes financiers. Plutôt que sur un manque de volonté politique des Forces nouvelles. Vraiment que les moyens soient engagés pour que le chronogramme soit mis en place, si tel est le cas, vous allez voir que ce n'est pas un manque de volonté des Forces Nouvelles. Nous sommes disposés à aller rapidement au regroupement grâce au calendrier du chronogramme présenté par le chef d'Etat-major.

Est-ce que les Forces nouvelles réclament ces moyens ?
Les Forces Nouvelles n'ont pas à réclamer de moyens. Elles ont présenté une fiche technique. Les responsables du pays, le Premier Ministre et tous ses collaborateurs, le représentant du facilitateur, les responsables de l'ONUCI sont informés de ce chronogramme. Ils sont aussi informés des moyens nécessaires à mettre à disposition pour y arriver. Chacun essaie de faire son travail à son niveau pour que les moyens soient dégagés en vue de l'application de ce chronogramme. Il n'appartient pas au général Bakayoko de courir tous les jours derrière les gens pour demander de l'argent. Il a présenté un dossier à des responsables et non des moindres du pays. Et donc, que des dispositions soient prises pour y arriver.

Alors que doit-on retenir ?
Nous demandons de la patience et de la responsabilité à nos militaires des FAFN qui sont déjà regroupés. Nous avons vécu pendant six ans des situations difficiles. A notre niveau, chacun se battait, croyait en un idéal, avait une conviction. Aujourd'hui que cette crise est en train de finir, il faut que nos jeunes sachent que les responsables des Forces Nouvelles ne les laisseront jamais tomber, comme des malpropres, comme un citron qu'on a fini de presser et qu'on jette. Vraiment, qu'ils se départissent de ces considérations. Qu'ils sachent que ce pays est dirigé par des responsables. Tout peut se régler par des négociations. Il ne faut pas casser pour faire des revendications et nous ramener encore en arrière. Tout ce qui se casse a besoin d'argent pour être reconstruit. Cet argent aurait pu servir à autre chose. Il faut que nous soyons des citoyens responsables. Ce pays nous appartient. Ce n'est pas quelqu'un d'autre qui viendra le construire à notre place. Que les jeunes croient en leurs chefs.
Par ailleurs, je demande, de façon globale à tous les Ivoiriens de croire aux accords politiques de Ouagadougou, de croire aux élections du 30 novembre. C'est un v?u pour tout le monde. Que le 30 novembre, les Ivoiriens aillent aux élections pour qu'une fois, tout se passe dans la transparence, la joie, de manière que le pays reprenne sa marche vers le développement.

Interview réalisée par Eddy PEHE
Joël ABALO
DELMAS Abib

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