mardi 25 novembre 2008 par Autre presse

Ces derniers temps, Aïcha Koné, qui se voit bien porter le flambeau laissé par Myriam Makéba, a beaucoup tourné à travers l'Afrique. Et aussi abondamment alimenté la chronique à cause de sa relation avec M. Touré Ahmed Bouah. Dans l'entretien qu'elle nous a accordé, la diva met fin à cette effervescence autour de sa personne. Et recentre le débat.

Quelques jours après la mort de Myriam Makéba dont on vous savait très admirative, quel est votre état d'esprit ? Avez-vous fini de porter le deuil ?

Moi, je suis une musulmane ; je ne sais pas comment vous, vous portez un deuil. Mais, un deuil doit se porter tous les jours. Tant qu'on vit, on ne doit pas cesser de penser aux êtres qu'on a perdus. Tous les jours que Dieu fait, je marche avec mes morts, je prie pour eux. Je ne vais jamais cesser de porter le deuil de Myriam Makéba.

Qu'est-ce que vous retenez de l'?uvre de Makéba ?

Au-delà de ses talents de chanteuse, je retiendrai surtout l'amour qu'elle avait pour sa patrie, pour l'Afrique en général. Le combat qu'elle a mené pour son pays. C'est tout ce qui lui a valu le surnom de " Mama Africa ". Elle a été une référence, un exemple. Makéba a démontré que la voix était aussi une arme redoutable pour combattre les injustices, les inégalités, la xénophobie et le racisme qui minent nos sociétés. Elle a combattu l'apartheid. Et s'est toujours battue pour le respect des droits de l'homme. Makéba est morte les armes à la main puisque c'est au cours d'un concert en soutien à un écrivain menacé par la Mafia italienne qu'elle est décédée.



Est-ce que vous vous sentez l'âme d'une combattante à la Myriam Makéba ? Est-ce que vous vous voyez enfiler ce lourd costume de défenseur des opprimés ?



Toutes les femmes sont des combattantes en soi. La ménagère qui va dans la plantation, chercher à manger pour ses enfants et son mari, la commerçante qui se bat pour sa famille elles sont toutes des combattantes. La femme a toujours été une battante. Donc, je suis aussi une combattante. Et, je n'aurai jamais peur quand il s'agira de défendre les plus faibles.


Récemment, vous étiez au Maroc où vous avez beaucoup tourné. Qu'est-ce que cela vous fait de rencontrer du succès dans des pays comme le Maroc, pas vraiment reconnu pour son ouverture culturelle ?

Le Maroc, contrairement aux idées véhiculées, aime bien la culture venue d'ailleurs. Je fais partie des écrivains africains qui se battent pour que le Maroc revienne au sein de l'Union africaine. J'ai même été cooptée par le président Abdoulaye Wade comme Ambassadrice de bonne volonté pour la paix et la culture. C'est dans ce cadre que je suis associée à ces intellectuels africains dans leur lutte pour une Afrique unie et beaucoup plus solidaire. Nous avons été au Maroc, au Ghana. Ces écrivains africains ont également le désir de rencontrer le président Laurent Gbagbo. Je m'emploie à arracher au chef de l'Etat ce rendez-vous pour eux. S'il plaît à Dieu.

On a l'impression que l'artiste Aicha Koné ne donne plus la primauté à ses ?uvres

Je ne crois pas. Il n'y a pas longtemps j'ai joué avec des artistes ici. Le problème, c'est que je suis très souvent à l'extérieur où je suis beaucoup sollicitée pour des prestations. Je pense que cela devrait faire plaisir à la Côte d'Ivoire. Parce qu'il n'est pas bon de voir un artiste stagner et manquer de sollicitations. Récemment, j'étais en Tunisie. Le Maroc me sollicite encore. Tout cela doit rendre fière la Côte d'Ivoire.

Le Maghreb est un nouveau marché pour vous ?

Pas forcément. Mais je dois reconnaître que par le passé, je n'étais beaucoup sollicitée dans cette partie de l'Afrique. Aujourd'hui, les choses évoluent dans le bon sens. Je dis merci à Dieu.

Est-ce que vos albums sont vendus dans ces pays maghrébins ?

Je ne crois pas. Mais à la télévision, nos clips passent là-bas. Je ne suis pas inconnue dans ces pays. Sinon, quant aux albums, ils ne se vendent plus comme avant. Piraterie oblige. Je vais vous raconter une anecdote : la première fois où j'ai été tournée aux Etats-Unis, c'est grâce à une de mes ?uvres piratées à Singapour que le prometteur m'a découverte. Et il a demandé à me faire tourner. La piraterie a trop pris le dessus. C'est pourquoi, les artistes doivent maintenant privilégier le live. Seule la solution pour vraiment vivre de son art. La piraterie, elle est présente partout dans le monde. L'internet, avec le téléchargement des chansons, a même aggravé la situation.

Depuis le début de notre entretien, les artistes se succèdent sur votre lecteur. Mais curieusement, point d'Aïcha Koné. Est-ce à dire que vous ne vous écoutez pas ?

Je l'avoue : je n'aime pas trop m'écouter. Parce qu'en s'écoutant, on découvre des failles et on se dit qu'on aurait pu ou dû mieux faire sur telle partie du chant ou de la mélodie. En revanche, j'écoute beaucoup les autres artistes. Puisqu'on n'a pas en soi même tous les talents. Le Seigneur les a partagés. En ton prochain, tu découvres d'autres talents que tu n'as pas. Et cela te permet de franchir d'autres paliers.


A part la musique mandingue, quel autre rythme écoutez-vous?


J'aime énormément le jazz, le rythme and blues et la musique sud-africaine. Certains rythmes sud-africains sont parfois proches de nos rythmes sénoufo comme le Boloye.


Qui restera la référence absolue pour vous ?


Chacun a sa référence. Je ne peux pas avancer de noms. Mais, je crois que Myriam est partie, elle nous laisse un flambeau, c'est à nous de relever le défi.


Vous vous voyez comme l'héritière musicale de Myriam Makéba ?


Bien sûr. C'est un défi pour moi de combler le vide que va laisser de Myriam Makéba.


Après votre divorce, vous avez de nouveau rencontré le bonheur. Vous filez le parfait amour avec M. Touré Bouah. A quand le mariage ?

Je ne veux vraiment pas aborder ce sujet. C'est ma vie privée. Je tiens à la protéger fermement.

On vous voit très heureux ensembleVos fans aimeraient partager votre bonheur !

(Elle coupe). S'il te plaît. Je ne veux absolument pas entrer dans ma vie intime. C'est ma musique qui intéresse mes fans et non ma vie privée.

Et Jeanne Tessia ...

J'ai dit que je ne veux pas me prononcer sur ce sujet, ça ne m'intéresse pas. Jeanne Tessia, je ne sais pas qui c'est. Parlons d'autres choses.

Quelles sont vos relations avec les artistes mandingues?

J'entretiens de très bonnes relations avec tous les artistes sans exception. Récemment, vous m'avez vue avec Corneille, Salif Kéïta, Pierre Akendéguédé. Vous savez, je voyage beaucoup. J'ai donc diverses relations. Pierre Akendéguédé est un grand frère que j'aime ardemment et que je côtoie très souvent sur les scènes. Il arrive qu'on soit invité aux mêmes spectacles. Avec Youssou N'Dour, Isamel Lô, Angéline Kidjo, j'entretiens de bonnes relations. On travaille souvent ensemble.

En revanche, vous ne vous entendez pas du tout avec Mawa Traoré ?

Cette page, je l'ai tournée depuis longtemps.
N'empêche, on raconte que vous n'avez pas été du tout heureuse qu'elle soit primée à la cérémonie dite " Hauts de gamme "?


Eh papa ! J'ai quarante prix aujourd'hui à mon actif. Comment veux-tu que je regarde des yeux tous les prix ? Cela ne m'a fait ni chaud, ni froid.


Etes-vous sûre que c'est l'entente cordiale entre vous et Mawa ?


Je m'entends bien avec tout le monde. Pourquoi sortir Mawa du lot ? (Elle rit). Franchement, je n'ai rien contre Mawa.

Et pourtant, vous la jalousez ?

Pourquoi je vais la jalouser. Elle et moi, nous ne sommes pas sur la même planète. Aujourd'hui, il est question de celles qui peuvent tenir le flambeau après le décès de Myriam Makéba ; et vous, vous me parlez de qui ? Aujourd'hui, sur les grandes chaînes internationales, quand on évoque les noms de ceux qui peuvent prendre la relève et assurer l'après Myriam Makéba, on parle d'Aïcha Koné. Et vous, vous parlez de quoi à Abidjan ? Soyez quand même d'actualité ! Ne comparez pas deux choses différentes. Parlons d'autres choses.


Parlons alors de votre fils Tchaga. Etes-vous optimiste sur ses chances de réussite dans la musique ?


Je ne suis pas Dieu. Vous savez, dans ma famille, il n'y a pas de chanteur ni de griot. C'est moi qui ai voulu chanter et, j'ai pu tenir jusque là. Je ne peux pas deviner l'avenir de Tchaga.


Concrètement, quelles sont ses qualités ?


Tchaga, il a un beau physique, il danse bien, il a une belle voix et il plaît. Maintenant, je prie Dieu pour que ça marche vraiment pour lui. Des gens venus d'Europe, sont intéressés par ce qu'il fait. Ce sont donc de très bons signes. Ces contacts, je ne les ai pas eus en 25 ans de carrière. Lui, a peine qu'il commence, il a des contacts précieux. Cela présage d'un bel avenir certainement. Mais, je ne peux vraiment rien prévoir en ce qui concerne son avenir professionnel.


Avez-vous le sentiment qu'il est apprécié pour ses atouts physiques plutôt que pour ses qualités de chanteur ?


Mais, ça aussi, c'est un atout à ne pas négliger. Au moins, on ne dit pas que c'est un "boubou". S'il plaît, tant mieux ! Je ne peux pas faire autrement. Ce n'est pas moi qui l'ai créé. Si on le trouve beau, Alliamoudou lilah ! (Dieu merci en langue arabe). Mais, sa belle plastique ne doit pas cacher qu'il chante bien. Franchement, Tchaga possède de très belles qualités. Mais je me garde de proclamer ça partout pour ne pas qu'il chope la grosse tête et croit qu'il a déjà atteint les sommets. Il lui reste beaucoup à apprendre.

Pensez-vous qu'il égalera un jour le niveau que vous avez atteint ?


En tout cas, il a les atouts pour y parvenir. Lui, comme je l'ai dit, il danse bien, il chante bien et sa tête plaît. Moi, je n'ai pas toutes ses qualités. C'est mon souhait que Tchaga dépasse le niveau que j'ai atteint. Chez nous les Bambara, on demande toujours à Dieu : "Seigneur fais sortir en moi un enfant qui fera mieux que moi". C'est pour vous dire que mon rêve est que Tchaga ait une carrière plus prestigieuse que la mienne.

Vous avez été particulièrement marquée par un événement durant cette année 2008 ?

Oui. C'est la sortie de crise qu'a connue la Côte d'Ivoire. Cette guerre m'avait vraiment attristée. Je suis donc heureuse que Soro Guillaume ait accepté la main tendue du président Gbagbo. La Côte d'Ivoire et les Ivoiriens ne peuvent pas prospérer dans la guerre. La violence n'est pas dans notre culture. "La flamme de la paix" à Bouaké restera marquée dans l'histoire. C'est un défi pour la Côte d'Ivoire de retrouver son unité.

A quel âge comptez-vous arrêter la musique ?

Pour l'instant, je n'en ai aucune idée. Toutefois, je demande à Dieu de ne pas me laisser mourir sur les planches. Je ne veux pas mourir dans la carrière artistique. Je veux être une très vieille Hadja, couchée dans ma chaise, entourée de mes enfants et mes petits enfants et mourir auprès d'eux. C'est pourquoi pendant les vacances, je fais la guerre à mes enfants pour qu'ils partent à l'école coranique. C'est ma religion. Je veux leur inculquer cela. Je veux vraiment mourir dans les bras du Seigneur avec, sur la langue, le nom de mon prophète Mohamed.

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