lundi 13 juillet 2009 par Le Temps

Sem Guy Alain Gauze, Ambassadeur de la Côte d`Ivoire auprès du système des Nations unies et de l`Organisation mondiale du commerce, à Genève (Suisse) fait le point de sa mission et des négociations dans le cadre du cycle de Doha.

Doit-on dire que vous êtes Ambassadeur de la Côte d`Ivoire à Genève ou à l`Omc ?
La Côte d`Ivoire a deux circonscriptions diplomatiques en Suisse. Nous avons celle de Berne qui est dirigée par l`Ambassadeur Diarrassouba Emmanuel. Qui, lui est accrédité auprès de la confédération helvétique. A l`image de notre Ambassadeur à Washington qui est accrédité auprès du gouvernement fédéral américain. La deuxième circonscription ici en Suisse est la mission permanente de la Côte d`Ivoire, auprès du système des Nations unies à Genève, de l`organisation mondiale du commerce et des autres institutions spécialisées. C`est cette deuxième circonscription diplomatique que j`ai l`honneur de diriger depuis décembre 2006.

Ce n`est pas facile d`être le Chef d`une mission permanente auprès de tant de structures ?
Ecoutez, les diplomates ivoiriens sont avant tout des fonctionnaires et à ce titre, ils ont été bien formés pour ne pas rechigner à la tâche. Pour accomplir leurs missions avec engagement, détermination comme on nous l`enseigne à l`Ecole nationale d`administration (Ena). A l`instar des diplomates de carrière, je suis énarque en plus de ma formation universitaire. Je suis spécialisé dans les questions économiques et commerciales internationales. Donc, le spectre de nos activités sur la place de la Genève internationale, est certes bien large et nous avons été formé pour cela. Donc, nous assumons ces responsabilités avec beaucoup de dignité et de loyauté. Selon ce que nous indique le ministre des Affaires étrangères, le Premier ministre et le Président de la République. Qui apparemment sont satisfaits du travail de leur représentant diplomatique.

C`est en 2006, que vous êtes arrivés à Genève, certainement avec des messages clairs. Etant donné que la Côte d`Ivoire entamait à peine la sortie de crise. Qu`avez-vous fait concrètement pour restaurer l`image de votre pays ?
Le message que le Président de la République, Sem Laurent Gbagbo et le gouvernement à travers le ministre des affaires étrangères m`ont demandé de faire passer était clair. Il s`agissait de faire en sorte que la Côte d`Ivoire reprenne ses droits dans les organisations internationales. C`est-à-dire, approfondir ce que nos prédécesseurs ont fait dans ces différentes organisations. Ils ont posé des actes à la dimension des espérances des autorités politiques et administratives de la Côte d`Ivoire. Notre mission à nous, mon équipe et moi, c`était d`approfondir ce que mes prédécesseurs ont fait. En faisant en sorte que la Côte d`Ivoire redevienne ce qu`elle a toujours été. C`est-à-dire, un pays de référence et qui compte sur la scène internationale et dans les négociations du système multilatéral. Ce qui nous a du reste valu ici, à Genève lorsque nous sommes arrivés, d`être copté Coordonnateur et porte-parole au niveau des Ambassadeurs du groupe africain, en ce qui concerne les négociations du cycle de Doha à l`Organisation mondiale du commerce (Omc). Ce, en accord avec les ministres du commerce et des affaires étrangères et avec l`onction du chef de l`Etat.

Avec des intérêts divergents ?
Absolument. Mais, la force de l`Afrique au niveau de ces 53 pays globalement pris, nous avons par rapport à la structure de nos économies et par rapport à la composition de notre commerce extérieur, c`est vrai, nos intérêts ont été quelque- fois divergents. Mais, notre rôle, est de faire la synthèse des positions exprimées par les uns et les autres. L`objectif commun concernant les pays africains, étant la préservation de leurs intérêts à travers l`exportation. Cette dernière comme vous le savez, l`Omc est la structure de normalisation du commerce international. Dans ce sens, nous avons tous le même objectif qui est de faire en sorte que les exportations constituent l`élément moteur de la croissance économique dans nos pays. Nous nous donnons donc les moyens et les instruments pour y parvenir. En clair, l`élément fédérateur, c`est l`objectif du commerce extérieur qui est perçu comme facteur de la croissance économique.

Mais, la bataille de la défense du coton africain n`a toujours pas fait l`unanimité ?
D`abord, un l`objectif du groupe africain, c`est-à-dire l`Union africaine en tant que telle a fédéré l`ensemble des positions autour du coton et la thèse défendue par le C4, composé du Burkina Faso, du Mali, du Tchad et le Bénin. Car, c`est à Cancùn ( Mexique), à la faveur du sommet tenu dans cette ville qu`ils ont posé la problématique du coton africain face à la compétition défavorable que leur imposaient les subventions dont bénéficiaient les cotonculteurs américains et européens. Donc le groupe des C4 est le leader sur la question avec la bénédiction et l`appui ferme et massif de l`ensemble des pays africains. Mieux, nous allons bien au-delà de l`Afrique. Car, nous sommes avec les pays comme le Brésil et la Chine dans cette démarche.

Porte-parole du groupe africain pendant un an et depuis quelques mois celui des africains à la Cnuced, il y a eu ce paraphe de l`Ape par la Côte d`Ivoire. On a parlé de trahison. Votre commentaire ?
Il n`y avait pas d`intérêt personnel à défendre. Le paraphe et la signature de l`Accord de partenariat économique (Ape) par la Côte d`Ivoire avec l`Union européenne étaient une exigence. Mieux, une question de survie et de préservation des intérêts non seulement de la Côte d`Ivoire, mais aussi des entreprises ivoiriennes qui sont à l`exportation. Car, figurez-vous, si à l`échéance qui avait été prévue la Côte d`Ivoire n`avait pas paraphé l`Ape intérimaire et bien toutes les exportations ivoiriennes sur le marché européen,auraient été assujetties à payements des droits de douanes. Parce que, justement le régime commercial Acp-Ue qui est en contradiction avec l`Omc est discriminatoire par rapport aux autres pays en développement, non préférentiel (). Ou bien, nous signons le système de préférence généralisé qui n`est pas à l`avantage des exportateurs ivoiriens, ou alors nous signions un Accord de partenariat économique, (Ape) intérimaire qui nous permet de bénéficier toujours des préférences que nous avions depuis les accords de Lomé jusqu`à présent. Donc, c`était une politique de bon sens, et le gouvernement ivoirien a été bien inspiré en signant cet accord.

Cet accord intérimaire est-il figé dans le marbre ?
Pas du tout. Le gouvernement ivoirien a tout de suite préservé les intérêts de son économie nationale et ceux de ses exportateurs sur le marché européen. Ça, c`est le premier aspect. Le deuxième est que dans cet accord intérimaire il est prévu que lorsque l`Afrique de l`ouest dans une perspective Cedeao signera avec l`Ue, un accord global, l`accord intérimaire que la Côte d`Ivoire a signé, disparaîtra et se fondra dans l`accord global Afrique de l`ouest-Union européenne. En clair, on ne peut parler de trahison de la part des autorités ivoiriennes, mais de réal politique. Qui découle d`une saine appréciation des relations économiques internationales. On ne pouvait pas assujettir le secteur privé qui est le moteur de la croissance à des impositions tarifaires préjudiciables à l`économie nationale.

Excellence, l`Assistance technique financière (Atf) on en parle partout. Celle promise par l`Union européenne aux producteurs africains de banane ne viennent pas rapidement. A tel point que les petits planteurs de banane ont disparu. Pendant que ceux d`ananas ne sont pas loin de l`asphyxie, alors que pendant qu`en face, on assiste à une émergence de multinationales.
Je ne crois pas que cela soit imputable à 100% à la disponibilité ou à l`efficacité ou non l`Assistance technique financière octroyées par l`Ue aux pays producteurs et exportateurs de banane. Les raisons sont ailleurs. C`est vrai que ces aides ne sont pas décaissées avec beaucoup de célérité et mis à la disposition des différentes filières bananières africaines d`une part, et dans le pacifique d`autre part, mais en vérité, les difficultés auxquelles sont confrontés les producteurs des pays Acp sont en rapport avec les reformes internes. Mais aussi et surtout, la concurrence très forte que leur livrent les pays latino-américains de banane. Avec les multinationales comme Del monte, United fruits, Doll, qui réussissent à faire des économies d`échelles et qui n`ont pas de problèmes fonciers là, où elles sont implantées en Amérique latine. Résultats de course en dépit des impositions tarifaires de 170 Euros la tonne métrique qui s`appliquent à leurs exportations de banane sur le marché de l`Union, elles engrangent des parts de marché qui vont au-delà de leurs propres espérances. C`est fondamentalement ce qui pose problème aux producteurs Acp sur le marché européen.

Des suggestions à faire à ces petits planteurs de Bonoua, d`Agboville et de Tiassalé ?
Nous n`avons pas la prétention d`avoir la recette miracle. En ce qui nous concerne, étant en charge de la question de la banane à l`Omc pour trouver une formule équitable arrange les producteurs africains et américains, nous sommes en contact avec les dirigeants de l`Ocab à Abidjan et la Sobacam au cameroun. Ce, pour discuter et nous leur faisons souvent des propositions. Particulièrement avec le représentant de l`Ocab à Paris, M. Philippe Mavel. C`est à eux que nous faisons les recommandations et les suggestions. Je suis très heureux que vous me demandiez de faire des gestions. Mais souffrez que je n`utilise pas le canal de votre journal quoiqu`il soit une référence.

En tant que porte-parole du groupe africain à l`Omc, que peut-on retenir des négociations dans le cadre du Cycle de Doha pour l`instant ?
J`imagine que M. le Directeur général de l`Omc et les autres intervenants que vous avez rencontrés vous ont indiqué que l`Omc n`est pas un forum ou une enceinte chargé de déréguler le commerce international. L`Omc est chargée au contraire de la normalisation du commerce international. Elle fixe les règles du jeu et encadre la dynamique du commerce international avec des principes que tous les acteurs, en tant que membres de l`Omc sont censés respecter. En faisant en sorte que les Pays moins avancés (Pma), ne soient pas affectés par la dynamique du commerce international. Qui, comme vous le savez, est dominé par les pays développés. L`Afrique dans cette dynamique ne représente que 3%. Dans la meilleure des hypothèses, certains situent la part de l`Afrique à 2,5%. Avec ces repères, vous observez que l`Omc est un élément important pour l`Afrique. Parce qu`en dehors de l`Omc, point de salut pour le commerce international africain. Parce qu`aussi longtemps que l`Omc ne fixe pas sur une base consensuelle, les règles du jeu sur la production mondiale et des exportations du coton, les Usa et les pays de l`Union européenne continueront de subventionner massivement leurs exportations de coton. Pénalisant ainsi, les pays africains notamment les Pma. Donc, si l`Omc à la faveur des négociations du cycle de Doha, réussit à obtenir que les pays du nord comme les Usa et l`Europe des 27 qui subventionnent leurs producteurs de coton, réduisent progressivement ces subventions et qu`à l`horizon de 2013, elles soient éliminées totalement, les producteurs africains de coton vont se retrouver dans une situation beaucoup plus confortable. Parce qu`ils ne vont pas faire compétition sur le marché international avec du coton subventionné. Il en va de même pour la banane avec le régime communautaire pratiqué actuellement sur le marché européen et qui est chaque année attaqué par les producteurs latino-américains.

Un message à l`endroit des producteurs africains ?
Un message d`espoir, car, nous pensons que l`Omc qui est assez méconnue par rapport à son objet et par rapport à son fonctionnement est un instrument important pour les Africains (. .. ) Ils peuvent être fiers de leurs Ambassadeurs et de leurs experts en poste ici. Je le dis en tant que Coordinateur du groupe africain à l`Omc et actuellement Coordinateur à la Cnuced. Donc, l`espoir est permis. C`est pourquoi nous nous engageons formellement dans cette dynamique de négociation. Parce que nous savons où sont les intérêts de l`Afrique en matière de commerce, d`agriculture et industriel entre autre. Mais aussi, et surtout dans le domaine des règles de pêche, de subventions et des services qui sont les piliers du cycle de Doha. La prochaine conférence ministérielle prévue en novembre sera l`occasion de prendre les mesures des différents dossiers en examen. Même si des divergences demeurent sur certains points, il faudra rapprocher les positions.

Par Bamba Mafoumgbé,
envoyé spécial à Genève.
bamaf2000@yahoo.fr

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