jeudi 3 septembre 2009 par Le Temps

Des quarante neuf années d'indépendance qu'elle vit, les neuf dernières auront été bénéfiques du point de vue liberté, à la Côte d'Ivoire. Neuf années de liberté qui portent les empreintes d'une seule personnalité : Laurent Gbagbo. Dossier!

Notre pays a connu son printemps de la presse dans les années 1990. Un printemps qui s'est très vite transformé en une saison rude vers la fin 1992 début 1993 coïncidant avec le déclin du régime Houphouët-Boigny et de son Premier ministre Alassane Dramane Ouattara. Ce, jusqu'au régime Bédié, 1993-1999. Un printemps qui va voir faner ses fleurs de libre expression par la seule volonté du régime Pdci. L'intermède de la junte militaire dirigée par le Général Robert Guéi, 24 décembre 1999 - octobre 2000, n'a rien changé aux choses, sauf que désormais plus aguerris, des journalistes ont par moments su jouer l'âne pour avoir le foin, ce qui a permis aux entreprises de presse de la gauche de résister pour ne pas fermer boutique sous le Comité national du salut public (Cnsp).
Il a fallu l'accession, en octobre 2000 de Laurent Gbagbo à la magistrature suprême de Côte d'Ivoire, pour que le secteur de la presse écrite plus particulièrement et celui de la communication audiovisuelle et des médias en général connaissent plus de sérénité. Ce constat se fait aussi et d'ailleurs au niveau des organisations non gouvernementales, associations syndicales C'est avec la politique de la Refondation menée par le Président Laurent Gbagbo que le paysage de la société civile ivoirienne va également connaître un boom qui va nécessiter la mise en place des collectifs de part et d'autre. Boom tant au plan de la liberté de presse qu'au plan de la liberté de réunion et d'association que certains sociologues appellent : les acquis démocratiques en Côte d'Ivoire avec le Laurent Gbagbo. Premier aspect de la manifestation de ces acquis démocratiques. :

La dépénalisation en marche

La loi liberticide de décembre 1991 battait son plein. Cette loi donnait une prime à l'emprisonnement " pour délit de presse ", pour tout article jugé diffamatoire selon l'humeur du pouvoir Pdci en place. Les journalistes en savent quelque chose. Freedom Neruda, Koré Emmanuel, Souleimane T. Senn, Khalil Ali Kéita La Voie, Ladji Sidibé Le Républicain, David Gogbé Le Changement, Raphael Lakpé, Jean Khalil Sylla Le Populaire, Abou Cissé, Debè Kouassi La Patrie, Ahmed Bakayoko Le Patriote. Etc., la liste est longue des journalistes qui ont été mis aux arrêts et incarcérés à la Maison d'arrêt et de correction (Maca), pour leurs écrits. Mais à partir d'octobre 2000, les emprisonnements des journalistes ne seront plus que de mauvais souvenirs.
Je ne mettrai jamais un journaliste en prison pour ses opinions. Si un journaliste écrit sur moi et que je me sens diffamé je prends ma plume et je lui réponds. Je sais écrire moi aussi". Dès qu'il accède au pouvoir, en octobre 2000, le nouveau président de la République de Côte d'Ivoire, Sem. Laurent Gbagbo fait cette profession de foi. Il lui aura fallu quelques heures seulement d'exercice de son pouvoir pour être mis à l'épreuve de sa propre parole. Dans une campagne médiatique à nul autre pareil, coup sur coup, il est accusé d'avoir créé le charnier de Yopougon puis d'être lié à des escadrons de la mort. Pour sa défense contre les dénigrements, accusations, dénégations fourbis par ses adversaires politiques, Laurent Gbagbo oppose l'argument de la légalité. Calomnies, diffamations etc., des journalistes de l'opposition s'y adonnent à c?ur joie sans que l'actuel chef de l'Etat n'abuse de son pouvoir et ne cède à la répression. En décembre 2004- au moment où les invectives se font très virulentes-, Laurent Gbagbo formalise sa volonté de ne pas emprisonner le journaliste pour son opinion, en signant plusieurs décrets. Tous ont la particularité de dépénaliser les délits d'opinion. Concernant la presse écrite, c'est la loi N°2004-643 du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la presse écrite. Pour la communication audiovisuelle, c'est la loi N° 2004-644 du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la communication audiovisuelle. Concernant le Conseil national de la presse, le décret N°2006-196 du 28 juin 2006 portant organisation et fonctionnement du Conseil national de la presse, vient abroger toutes les autres antérieures notamment celle N°2004-643 qui elle-même s'appuyait sur celle N° 97-243 du 25 avril 1997, etc. Une grande avancée dans la liberté d'opinion selon les spécialistes. A ce propos, M. Amos Béonaho, ancien président de l'Union nationale des journalistes de Côte d'Ivoire ne cache pas sa joie dans un guide pratique édité à cet effet. " Depuis décembre 2004, le paysage des médias ivoiriens connaît un profond changement à travers l'adoption de la loi N°2004-643 du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la presse et la loi N° 2004-644 du 14 décembre 2004 de la communication audiovisuelle. D'une manière générale, l'ensemble de la profession considère le nouveau cadre juridique sur les médias comme une avancée significative par rapport aux lois de 1991 et suivant jugées liberticides ".
Selon Me Gueu Patrice, avocat à la cour qui commente cette loi dans le même guide édité par l'Unjci à l'intention des journalistes, " la loi N° 2004-643 du 14 décembre 2004, est une liberté abondamment proclamée. "Commentant l'ancienne loi N°996436 du 6 juillet 1999, qui voulait que" Le Directeur de publication d'un journal ou d'un écrit périodique s'oblige avant la parution du journal ou de l'écrit périodique, à faire une déclaration écrite et signée, auprès du Procureur de la République dans le ressort duquel se trouve le siège de son journal " et ce, comparativement à la nouvelle, Me Gueu ajoutera que "cette déclaration qui ressemble à une mesure de contrôle et non de vérification, comporte le dépôt de diverses pièces comportant identification de l'entreprise de presse, du Directeur de publication et des agents (journalistes) travaillant pour le journal ou l'écrit périodique (Article 6). On comprend dès lors, la dangerosité de cette déclaration."

Ouverture des médias d'Etat à tous les partis politiques

C'est encore avec le Président Laurent Gbagbo que la notion ''ouverture'' va recouvrer tout son sens. Depuis qu'il préside aux destinées de ce pays, tous les partis politiques et les associations de la société civile s'expriment sur les antennes de la radiodiffusion télévision et dans les colonnes du quotidien gouvernement sans astreinte ni contrainte. Périodiquement, le Cnca publie les temps d'antenne où- comble de la démocratie-, les partis de l'opposition ravissent la palme de passage au Fpi au pouvoir.
De façon anecdotique, l'on rapporte l'ambiance qui a entouré, en 1991, l'émission 'à la Une de la 1ere chaine Rti. En effet, le présentateur vedette, Ali Coulibaly, avait pour invité l'opposant Laurent Gbagbo alors Secrétaire général du Fpi. Mme Boni Claverie était Directeur de la Rti et Auguste Sévérin Miremont ministre de l'Information. L'émission était programmée pour deux heures mais vu la qualité de l'invité, elle pouvait aller jusqu'à trois heures en raison de son contenu. Pendant que l'entretien se déroulait sur le plateau, des pontes du régime Pdci exerçaient des fortes pressions sur la directrice pour que l'émission n'excède pas les deux heures convenues dans le conducteur. Pis, son interruption avait été envisagée à un moment donné, tellement l'invité du jour débattait aisément et confondait interviewers et parti au pouvoir. On raconte que pendant ce même temps, des partisans de Gbagbo menaçaient de leur côté de descendre dans la cour de la Maison de la télévision si l'émission était interrompue et si ''quelque chose'' arrivait à leur leader. Bref, depuis cette époque à aujourd'hui, beaucoup d'eau a coulé sous le pont de la liberté en Côte d'Ivoire. Favorablement. En atteste la mise en place d'une commission de gestion de la subvention annuelle allouée aux professionnels de la presse. Un fonds initial d'environ 2 milliards de nos francs à partager entre professionnels de la presse et de la communication. Autant d'efforts consentis par l'actuel chef de l'Etat qui renforcent et accordent une pleine liberté aux journalistes. Malheureusement, cette liberté va être utilisée contre lui comme un véritable poison. Une attitude que déplore Amos Béonaho : " On note que la presse ivoirienne connaît encore des dérapages dus au non respect des règles d'éthique et de déontologie et à la méconnaissance de la législation sur les médias". L'ex-président de l'Unjci justifie ainsi la raison de l'édition du guide des lois sur la presse et la communication audiovisuelle en Côte d'Ivoire. En tout état de cause, que ce soit dans les pouvoirs disciplinaires du Cnp et du Cnca, Laurent Gbagbo a fait sa part en y extirpant tout gène restrictif, limitatif, suspensif ou négationniste de la liberté d'expression. C'est ce que disent d'ailleurs les articles 20 du Cnca et 18 du Cnp sur le pouvoir disciplinaire : " En cas de manquement aux règles relatives à la création, à la propriété, aux ressources et à la déontologie de l'entreprise de presse et au pluralisme de la presse, le Cnp peut prononcer :
1) L'avertissement ;
2) Le Blâme ;
3) Les sanctions pécuniaires".
L'évolution ici est que, jamais il n'est question désormais d'emprisonnement. Il ne pouvait en être autrement dès lors que ce pays a à sa tète un socialiste conscient des valeurs démocratiques, elles-mêmes inspirées de la déclaration universelle des droits de l'homme. Qui en son article 19 stipule que : " Toute personne a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontière, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit". C'est donc conscient et imprégné de ces valeurs humaines que le Président Laurent Gbagbo a pu soustraire le journaliste ivoirien de toute peine privative de liberté. Deuxième aspect de la manifestation des acquis démocratiques :

Une société civile en effervescence

Si le monopartisme a cédé la place au pluralisme, il faut bien le reconnaître à un homme : Laurent Gbagbo. En 1989, Laurent Gbagbo met fin à son exil français et revient au bercail où il fait "sa " proposition pour gouverner ". Une proposition qui arrive comme un vent impétueux et qui soulève le couvercle d'une marmite dans laquelle croupit un peuple ivoirien, privé de beaucoup de liberté. Notamment les plus essentielles, c'est-à-dire : la liberté d'expression et la liberté de réunion et d'association. Avant 1990, tout en Côte d'Ivoire sous Houphouët-Boigny, se faisait dans l'unicité. Un seul parti politique, le Pdci-Rda, une seule centrale syndicale, l'Ugtci un seul pole de décision, une seule base d'exécutants, une seule association de jeunesse, le Meeci. C'est cette hiérarchisation, disons, cet ordre des choses préétabli que le Secrétaire général du Front populaire ivoirien (Fpi) viendra bouleverser. Désormais quand on parle du Mouvement des élèves et étudiants de Côte d'Ivoire (Meeci), il faudra compter avec la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci). Là où il l'on parlait de l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (Ugtci), on parlera aussi de la Fédération des syndicats autonomes de Côte d'Ivoire et de la Centrale Dignité. Une profonde mutation venait de s'opérer, ce qui a l'avantage de créer un contre pouvoir mais surtout de diversifier la pensée. Qui au fil du temps va libérer les passions et favoriser une saine émulation au sein de la société civile ivoirienne. Combien sont-ils les syndicats qui ont vu le jour depuis l'avènement du multipartisme sous l'impulsion de l'opposant historique, combien sont-ils les syndicats et associations parce que pléthoriques se sont mis en collectif depuis l'accession de Laurent Gbagbo au pouvoir ? Aucun chiffre n'est pour l'instant disponible tant les collectifs se forment à rythme effréné. A la Direction générale de l'administration du territoire, l'on reste évasif en évoquant " une pléthore " de syndicats et d'associations. D'autres dossiers de constitution d'associations attendent d'être agrées. Ce regain de syndicalisme va d'ailleurs se singulariser par un phénomène nouveau. Celui connu sous le nom de ''Collectif''. Les mouvements ont tellement évolué en nombre sur toute l'étendue du territoire nationale, que certains décident de se constituer en fédération. Et quand la fédération n'est pas outillée pour brasser toutes les énergies, elles finissent par converger en Collectif. Pratiquement, chaque secteur d'activité en Côte d'Ivoire a son collectif. Selon un sociologue, la constitution ou tout simplement la transformation de nombreuses fédérations en collectif est la preuve vivante avec Laurent Gbagbo, de la liberté d'expression, de réunion et d'association longtemps étouffée sous le Pdci-Rda. Et il a fallu Laurent Gbagbo pour observer cette effervescence qui traduit mieux le slogan'' laissez fleurir les cent fleurs'' lancé en 1990 depuis Bouaflé par un autre Laurent, celui-là Secrétaire général du Pdci-Rda, à cette époque : Laurent Dona Fologo. Un slogan qui jurait avec l'ambiance survoltée de la rue abidjanaise face à la frilosité du vieux parti.
Il faut noter qu'au niveau de l'effervescence des collectifs encore, le Président Laurent Gbagbo aura marqué un grand coup. Le chef de l'Etat ivoirien s'est longuement inspiré de l'article 20 de la déclaration universelle des droits de l'homme qui stipule à son alinéa 1 : "Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques ; 2 : Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association. " Au-delà de l'émanation de toutes ces forces vives de la nation à travers les associations et autres collectifs d'associations, Laurent Gbagbo contribue beaucoup au renforcement de l'unité et la cohésion nationale. Quand en 2001, il organisait le Forum pour la réconciliation nationale, plusieurs semaines de catharsis au cours desquelles toutes les composantes de la population ivoirienne étaient appelées à vider leur c?ur, Laurent Gbagbo savait certainement qu'il ouvrait grandement les vannes d'une liberté qui va au-delà des simples récriminations émotionnelles. Une liberté qui se résume en cette phrase : "parlez car, plus personne ne vous en empêchera".

Simplice Allard

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