samedi 26 septembre 2009 par Le Temps

A la faveur de la tournée de sensibilisation et de soutien du ministre Douati Alphonse, parailleurs Ddc de Gbagbo à Biankouman, à ses parents Dan des sous-préfectures de Sipilou et de Yorodougou, Théophile Djédjé Gogoua, Sous-préfet de Sipilou s`est livré au quotidien Le Temps. Interview.

Bonjour Commandant. A l`état-civil, qui est le Sous-préfet de Sipilou ?

Je suis Théophile Djédjé Gogoua. Je suis Sous-préfet depuis le décret de septembre 2007. Je suis arrivé à Biankouman le 02 octobre 2008. Mais j`ai regagné Sipilou le 02 janvier 2009. Pour la seule raison qu`à Sipilou, il n`y avait pas de résidence réhabilitée. Tous les Sous-préfets que nous étions, étions donc basés dans un couvant à Biankouman. Ce n`est qu`après la réhabilitation de la résidence et la dotation d`un véhicule que je suis venu m`installer dans la sous-préfecture de Sipilou.


Aviez-vous déjà exercé dans d`autres villes auparavant ?

J`ai exercé comme chef de cabinet du ministre de la Solidarité et des victimes de guerre, de janvier 2006 à 2007. Je suis tout nouveau en tant qu`administrateur gérant de sous-préfecture. A ce titre, j`ai exercé comme Secrétaire général de mairie dans la commune de Komborodougou, dans le département de Korhogo.


Pouvez-vous nous présenter géographiquement votre circonscription ?

Sipilou est situé dans la région des 18 Monragnes, principalement dans le département de Biankouman. La sous-préfecture est donc limitée au Sud, par la sous-préfecture de Biankouman, au Nord par Danané, à l`Ouest par la République s?ur de Guinée et à l`Est, par le nouveau département, Ouaninou. Nous comptions quinze villages. Mais en réalité, depuis la création de la nouvelle sous-préfecture de Yorodougou qui compte huit (8) villages, nous n`en avons plus que sept (7).


Quelle a été votre réaction, quand on vous a affecté à Sipilou, une zone Cno ?

Disons que je n`ai pas eu de réaction particulière. Pouravoir été moi-même, collaborateur du ministre Louis Dakoury Tabley, appartenant aux Forces nouvelles (Fn), je me suis dis que j`arrivais dans une zone où, logiquement, pour avoir travaillé avec quelqu`un qui est un des responsables des Fn, je ne devais pas avoir des problèmes. Mais étant en période de guerre, c`est quand même avec beaucoup de réserve qu`on vient dans une telle zone. En se demandant à quelle sauce on sera mangé. J`avais un peu d`appréhension, mais pas de pression particulière.


Vos rapports avec les responsables des Forces nouvelles (Fn) d`ici, sont-ils bons ou ?

Personnellement dans ma vie de tous les jours, je suis du genre ouvert. Quelle que soit la zone où j`arrive, je m`arrange pour avoir des relations les plus normales possibles, avec ceux que je trouve sur place. De la même manière, je n`ai pas eu de problèmes particuliers avec les gens de Biankouman. Mes relations avec les Forces nouvelles (Fn) sont plutôt bonnes. Dans la mesure où, le Com-secteur, le Sergent Soro Siaka, que j`ai trouvé sur place, est d`une très grande humilité, d`ouverture, et d`une très grande disponibilité. Dans ces conditions, nous ne pouvons qu`avoir de bons rapports. C`est peut-être mon ouverture qui a aidé. Mais en tout cas, il me le rend très bien. Il est disponible. Quelle que soit l`heure à laquelle je l`appelle, il répond présent. Il est disposé à faire tout ce que je lui demande, en tant que Sous-préfet. Pas plus.


L'Accord politique de Ouagadougou y a été pour quelque chose ?

Très certainement. Parce que je suis arrivé là, alors que l'Accord de Ouaga était déjà signé. Je pense donc que l`Accord politique de Ouagadougou (Apo) a contribué à détendre l`atmosphère partout, dans le pays. Je ne crois donc pas que ce soit mon coefficient personnel qui ait créé cela.


Et avec les chefs de villages ?

Il ne peut en être autrement avec eux aussi. Dans la mesure où ils sont les collaborateurs immédiats du corps préfectoral. D`ailleurs, en tant que tels, j`ai cru bon de renforcer leur capacité, en les invitant à un atelier de formation, les 13 et 14 août 2009. Atelier au cours duquel, j`ai traité 4 thèmes : " La mise en place du bureau de la chefferie traditionnelle ". Il s`agissait de voir comment ils géraient leurs différents villages. Tout seul, un chef de village n`est pas efficace. Il faut qu`il ait un bureau, à partir duquel, il peut impulser l`action de son village. Entouré de beaucoup de collaborateurs, chacun ayant une mission spécifique. Ensuite, " les droits et les devoirs des chefs de village ", C`est-à-dire qui est le chef de village ? Quelles sont ses limites et qu`est-ce qu`il peut attendre, en retour, soit des populations, soit des forces publiques. il y aussi la " mode de gestion des biens communautaires". Très souvent dans les villages, les gens s`en prennent au chef. Au motif qu`il s`accapare tout seul tous les biens. Autant de problèmes qui ont amené à leur faire comprendre qu`il y a un distinguo à faire entre les biens qu`ils ont, et les biens communautaires. On a traité aussi de la tenue des documents administratifs. Il leur faut des secrétaires qui vont tenir des procès verbaux. De sorte qu`on ait trace de tout ce qui se passe. C`est dire que j`ai voulu formaliser mes relations avec les chefs de village. Pour qu`on sache où on va ensemble. Etant entendu que ce sont eux qui sont à la base du développement du pays.


Avez-vous un feed-back positif ?

J`aurai le temps de le vérifier. Parce que je leur ai dit entre autres choses, qu`en tant que chefs de village, ils sont comme le Sous-préfet. Ils sont supposés être neutres. Je leur ai dit en tant que tel, je ne veux pas voir n`importe lequel d`entre eux, assister à un meeting politique. Sinon, cela voudrait dire qu`ils n`ont pas compris. Ils ont des notables qui peuvent aller assister et venir leur rendre compte. De deux choses, l`une. Soit, ils n`y vont pas. Mais s`ils y vont, ils iront à toutes les autres cérémonies politiques à venir.


Dans l`exercice de vos fonctions, quelles sont les difficultés que vous rencontrez et quels sont les conflits qui sont réguliers ici ?

Disons qu`il y a des conflits qui ne sont pas très exposés, mais qu`on aura à gérer très bientôt. Ce sont les conflits fonciers. Parce qu`au cours de la crise, beaucoup de nos frères sont venus en masse occuper certaines terres. Le problème, c`est qui il y en a à qui les gens ont donné un morceau de terre, mais qui en ont pris plusieurs par la suite. Le second problème concerne celui des forêts classées. Les riverains sont interdits d`accès à ces forêts classées. Mais ce sont des étrangers qui y sont installés. L`un dans l`autre, ce sont des conflits qui vont éclater très bientôt. Une fois de passage à Duékoué, il y a un Pasteur de Biankouman qui m`a interpelé pour dire que très bientôt, une crise foncière va éclater à Sipilou. Elle sera terrible, si vous n`y prenez garde maintenant. J`ai donc informé le préfet. Et ensemble, nous avons organisé une grande réunion. On a rencontré les Com-zones concernés. La seule explication qu`on nous a donnée et qui ne tient pas, c`est qu`on nous a dit que les forêts classées étaient déclassées


Que dites-vous donc à l`endroit des autorités compétentes ?

J`ai un plan d`action dans ce sens. Très bientôt, j`irai à Abidjan pour y rencontrer le ministère des Eaux et forêts pour savoir exactement la situation des forêts classées. Sont-elles classées ou pas ? Comment explique-t-on qu`il y ait des populations dedans ? Parce que j`ai interpelé des industriels du bois qui ont dit que les forêts ne sont pas déclassées. Mais du fait de la crise, la Sodefor les aurait autorisés à exploiter ces forêts. Parce que l`Etat ne pouvant plus garantir leur sécurité. Ils auraient été donc autorisés à les exploiter, moyennant quelque chose pour l`Etat. Ce n`est pas une occupation, mais plutôt une exploitation, jusqu`à ce que la Sodefor vienne constater l`état de ces forêts. Parce que l`Etat y gagnerait quelque chose. Est-ce que c`est la vérité ? Je n`en sais rien. Mais j`entends faire venir un spécialiste soit de la Sodefor, soit du ministère des Eaux et forêts, pour expliquer aux populations comment, pourquoi, on exploite les forêts classées et quels sont ce à quoi on s`expose, quand on exploite frauduleusement ces forêts-là. Tant que cela n`est pas fait, les populations ne comprendront pas.


Quelles sont vos difficultés dans l`exercice de vos fonctions ?

Cela fait deux ans que ni mon épouse, ni mes enfants ne sont venus à Sipilou. Parce que nous sommes dans une zone de guerre. Nous-mêmes, nous vivons dans des conditions difficiles. J`ai passé un an dans un couvant à Biankouman. Je suis arrivé dans une maison qui est certes réhabilitée, mais non équipée. J`ai dû moi-même acquérir les équipements sommaires. Ce sont des dépenses qui ne sont pas prévues que nous faisons. Du point du vue travail, on n`a pas le matériel. On a certes un budget. Je n`ai reçu seulement le budget 2009, que le 31 juillet passé. C`est là qu`on m`a notifié le budget. Mais entre la notification, l`engagement et le mandatement, c`est la croix et la bannière. Quand le fournisseur de carburant m`appelle, pour me notifier ce que nous lui devons, je dois faire l`engagement que le préfet va signer, avant de le transmettre au contrôleur financier. Encore faut-il que ce dernier ait une trésorerie fournie pour pouvoir payer. L`année dernière, la facture de mon carburant a été payée seulement qu`en avril dernier. Vous avez vu l`état de la route Biankouman-Sipilou. En son temps, on a entendu que le chef de l`Etat avait bien voulu la réhabiliter. Mais pour des raisons politiciennes, qui m`ont l`air tout à fait farfelues, on en est là. Cette route n`est pas encore faite. Et le véhicule qui m`a été alloué le 24 octobre, est déjà pratiquement une épave. Je n`ai pas d`argent pour l`entretenir. Je fais comment pour sillonner et rendre visite aux administrés. Je souhaiterais donc que le chef de l`Etat se penche sur ce cas. Qui quoi qu`on dise, fera la fierté des populations parce que c`est une route internationale. Qui va aider à intensifier les échanges avec le pays frère de la Guinée.
Au plan administratif, et du point de vue ressources humaines, j`ai un collaborateur et un garde. On a dû prendre une secrétaire bénévole que nous payons sur nos ressources personnelles. C`est difficile. On a donc besoin de personnel, de matériels pour mieux travailler.


Comment faites-vous face aux problèmes de chefferie traditionnelle ?

J`ai déjà entrepris une petite tournée qui m`a envoyé à Glanlé, Yorodougou et grand-Goualé. Il s`agissait pour moi, de rencontrer les chefs traditionnels et les populations. L`objectif était de savoir comment on accède au pouvoir du chef. Ici, c`est latent, ça n`a pas encore explosé. Mais il y a des régions où, la chefferie traditionnelle est un véritable problème. Dès que je suis arrivé, le premier problème qu`on m`a posé, c`est que le chef de village de Sipilou, n`est pas celui qui devrait être chef du village. A Glanlé, le même problème se posait. Donc, ce sont des consultations populaires au cours desquelles on explique comment on devient chef. On l`a fait pour tous les villages de Sipilou. Il ne reste qu`à rédiger une sorte de charte qu`on va proposer à chaque village. A partir de laquelle on accepte le chef traditionnel. Si demain, le chef en place décéde, il faut qu`on sache tranquillement, comment on va lui succéder. De cette manière, on pense qu`on va éviter les conflits inutiles. Je leur ai dit que c`est l`accès au pouvoir qui pose beaucoup de problèmes. Si la Côte d`Ivoire qui a des textes clairs est arrivée à des difficultés, parce que le mode d`accès au pouvoir a été biaisé. Chacun a envie d`être chef, ce ne sont pas les villages qui seront épargnés.


Les populations sont-elles d`accord pour les chartes, parce qu`à Abidjan, cela pose problème jusqu`à maintenant ?

Ici, ils ont totalement adhéré. Ils ont même salué l`initiative. Parce qu`ils n`ont jamais vu cela. Mais vous avez raison de vous en inquiéter. Parce que le tout n`est pas de crier, ni de dire qu`on est d`accord. Il faut qu`au moment venu, on prouve véritablement qu`on est d`accord sur le mode d`accès au pouvoir. Surtout qu`on accepte de respecter et d`appliquer les textes. Théoriquement, ils sont d`accord sur ce qu`ils ont proposé et que nous avons mis sur papier. C`était bien parce que dans les villages, beaucoup de personnes ne savaient pas comment nommer un chef. Et les échanges qu`on a eus avec les populations, nous ont édiffié. Aujourd`hui, on pense que s`il y a problème, il n`y aura pas de difficultés à les régler.


Dans quel état d`esprit avez-vous trouvé la jeunesse de Sipilou, une zone sous contrôle des Fn ?

En tant qu`agent de développement, je rencontrerai bientôt les jeunes pour les organiser. A cette occasion, je leur demanderai ce qui explique leur oisiveté. Quand on aura diagnostiqué le mal, on s`asseyera pour discuter. Et puis soit avec les cadres qui sont leurs aînés, soit avec les structures de développement ou humanitaire, on verra comment on peut les insérer dans les activités agricoles. Je rencontrais les femmes aussi pour les mettre au travail. De sorte qu`on puisse se nourrir ici, abondamment. Quand j`ai rencontré les chefs de village, je leur ai rappelé le message du chef de l`Etat, en leur racontant l`histoire de Bébéto. Il faut qu`ils fassent quelque chose de rentable.


Autorité, nous avons remarqué que vous n`avez pas de garde de corps, ni d`éléments de la Gendarmerie etc. Comment cela se passe lorsque vous voulez intervenir avec les forces de sécurité ?

Traditionnellement, le sous-préfet n`a pas de garde de corps en tant que tel. Il ya un gade de sous-préfecture, qui l`accompagne dans ses tournés. Ici, j`ai mon garde. Mais vous l`avez vu. Il fait office d`administrateur civil. Je n`ai pas encore eu le besoin de me faire accompagner par les Forces nouvelles (Fn). Mais, je ne crois pas qu`ils refuseraient de m`accompagner dans mes tournées. Pour le moment, ça se passe bien. Je peux même vous dire qu`à mon domicile, le Com-secteur a détaché deux éléments qui se relaient de jour, comme de nuit. Je suis sûr que si je lui demandais d`en faire davantage, il ne refuserait pas.


Il nous revient que les populations de Sipilou ne savent pas où s`arrête la Côte d`Ivoire et où commence la Guinée. Qu`en est-il exactement ?

Il y a que le village de Koulalé est proche de la Guinée. Et là-bas, il y a un campement d`Ivoiriens qui a été créé, du nom de Kpéaba. C`est ce secteur qui rencontre les difficultés que vous évoquez tantôt. Avant la crise, c`est très souvent que les Guinéens, quand ils ne sont pas contents, se lèvent et viennent mettre leur drapeau en terre ivoirienne. Et les Ivoiriens aussi de les déplacer. Ayant compris la menace, l`Etat ivoirien y avait envoyé un détachement de gendarmes et de militaires pour veiller au respect de la limite. Aujourd`hui, avec la guerre, on ne peut plus rien faire. Mais je dois avouer que ce problème n`a plus resurgi.


Est-ce à dire que vous avez rencontré certaines autorités guinéennes pour en parler ?

Non, pas encore. Disons que dans le cadre de la fête nationale, j`ai adressé un courrier au sous-préfet guinéen de Tounkara et de Kaba voisin, pour les inviter à la fête, afin d`améliorer nos relations. Ils n`ont pas répondu présent. C`est seulement le Commissaire de Kaba, à la frontière, qui est venu. Nous avons échangé avec lui. C`était bien. Et je pense que de cette manière-là, nous pourrons, plus tard, améliorer nos relations. J`entends même effectuer une visite en Guinée. Ce n`est pas encore officiel. Parce qu`il faut l`autorisation de la tutelle, le ministère de l`Intérieur et celui des Affaires étrangères. Mais ce serait bien de le faire, pour savoir comment nous pouvons ensemble améliorer nos relations.


Est-ce que les Ivoiriens n`ont pas le sentiment d`être envahis dans cette zone ?

Il n`y a pas de problèmes. Les populations vivent en harmonie. Ce sont les frontières qui les ont séparés. Dans la mesure où les populations de Sipilou et celles de la Guinée voisine se marient entre elles. C`est en tout cas, ce qui m`a été dit, quand j`ai pris fonction ici. C`est un véritable brassage de populations. Soyez-en rassuré.


Bientôt les listes électorales seront affichées ici à Sipilou aussi. Et jusqu`à présent, le Cci n`est pas présent dans votre circonscription, pour leur sécurisation. N`avez-vous pas d`inquiétudes à ce niveau ?

Disons que ce n`est pas aujourd`hui, qu`on aurait eu les inquiétudes. Depuis les audiences foraines, il nous a été dit qu`on nous enverrait des éléments du Centre de commandement intégré (Cci). On n`en a pas vus. Et on a travaillé sans eux. Dans le cadre de l`identification et de l`enrôlement, on nous a encore promis des éléments du Cci. On n`en a jamais vus. La seule fois où j`ai vu un détachement du Cci, c`était en avril, où le détachement de militaires est venu dire qu`étant basé à Touba, ce sont eux qui avaient droit de regard sur le sol de Sipilou. Ils sont donc venus pour se faire connaître. Ils ont passé plus de deux heures de temps avec les éléments des Fn et ils sont repartis. Ils ne sont plus jamais revenus. Viendront-ils un jour ou pas ? En tout cas, toutes les opérations se sont déroulées ici, sans aucun élément du Cci.

Par Frimo K. Djipro
koukoudf@yahoo.fr
(Envoyé spécial à Sipilou)

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