mardi 25 mai 2010 par Le Nouveau Réveil

Le report sine die de la marche ("insurrectionnelle") du 15 mai 2010 suscite des sentiments divers. Pour la jeunesse du Rhdp, il donne le goût d'un échec irrémédiable et une occasion (en or) manquée de faire montre, et cela de façon définitive, de sa force de frappe contre la très incertaine " majorité présidentielle". Pour justement le clan du Président Gbagbo, il y a eu victoire puisque le "baroude" (presqu'imposé) d'autorité du Président Bédié a ouvert le champ d'une autre saison de dialogue dit " inter­ivoirien" tout aussi sélectif que triant au vitriole ses acteurs, comme ce fut le cas pour le "dialogue direct" de Ouagadougou en mars 2007. Le menu étant loin d'être fretin, nous nous sommes proposé de présenter quelques commentaires et points de vue sur cette autre "saison de tempête" en Côte d'Ivoire.

TRAHIR LES SIENS OU TUER L'IDEAL COMMUN?
L'acte 1er de notre analyse porte sur la marche du 15 mai projetée par la jeunesse du Rhdp, son report sine die et l'intervention d'autorité du président Henri Konan Bédié.
En soi, la marche du Rhdp est un acte normal, (disons même normatif au sens de logique) en politique puisque toute l'attitude de ruse du clan présidentiel qui tarde à mettre en ?uvre l'entièreté de son "accord" de Ouagadougou ne pouvait susciter autre chose qu'une réaction rigoureuse de l'opposition. L'expérience thaïlandaise avec les Chemises Rouges a tôt fait des émules dans les autres parties du monde où la démocratie souffre des tares de la ruse politicienne. Il faut donc saluer le courage et l'engagement politique de notre jeunesse qui semble avoir compris mieux que quiconque l'idiome politicien de M. Gbagbo Laurent. Rien que la projection d'une telle manifestation a dû obliger le clan présidentiel à mettre en branle ses états majors autant politiciens que miliciens et même ... (mercenaires ?) avec en prime une belle peur bleue et ce, malgré les avantages dont il dispose, pour la réprimer voire l'enrayer et nous enlever désormais le simple goût d'user du droit de protester par la marche. La preuve? C'est simplement le satisfecit unanime (permettons cette tautologie) de la presse bleue et ses inédites félicitations à l'endroit du Président Bédié. C'est ahurissant! Bédié n'est plus le vieillard revanchard dépassé par les événements. Bédié n'est plus le septuagénaire à la rancune tenace qui refuse de faire la place aux jeunes. Bédié est subitement et rien que pour ce geste, devenu le sage et grand républicain soucieux, de toujours privilégier le dialogue aux actes séditieux. Bref! Bédié a sauvé la République. Bien entendu, nous aimerions qu'il soit ajouté à toutes ces emphases que Bédié, dans les mêmes conditions, avait sauvé la République en décembre 1999. Qu'à cela ne tienne. Il n'y a pas plus aveugle que celui qui refuse de voir. Bédié a fait éviter à la Côte d'Ivoire un bain de sang sans précédent. Puisque la logique du clan présidentiel relève de celle du "jusqu'auboutisme", du pouvoir d'Etat contre les vies humaines des populations ivoiriennes, du moi ou rien ni personne d'autre. Cette logique-là n'est pas propice à la démocratie ni aux règles de fonctionnement de cette forme de gouvernement. Elle est le signe probant d'un fascisme voilé. Et les formes de lutte contre un tel régime sont souvent complexes et empreintes de pièges politiques qu'il faut savoir éviter au risque de partager devant l'Histoire des responsabilités énormes qui entachent jusqu'à l'âme.
Donc, sur la décision du report de la marche du 15 mai, il faut s'empêcher de faire "re"­débat. Quant à la manière! Disons qu'il y a certains réglages à faire au niveau du Rhdp et qui dépassent le simple niveau d'une coordination de la communication. Il est vrai qu'en politique, il n'y a pas d'acte sans conséquence. C'est comme un jeu de dames ou d'échec. Chaque pion avancé ouvre la porte à une réaction de l'adversaire. Dans le cas qui nous concerne, il est évident que tout sera mis en ?uvre pour exacerber la possible discordance du Rhdp, la colère des uns contre les autres et surtout la "lâcheté" de certains des leaders qui auraient "vendu" la lutte contre le gré de leurs paires et alliés politiques. Que faut- il en penser?

ETRE OU NE PAS ETRE
Le nom même du RHDP est l'expression d'un idéal politique, d'un certain nombre de méthodes et d'approches politique, économique, social etc... Toutes choses qui définissent un parti politique. Soit les partis qui composent le Rhdp décident d'une formalisation réelle et définitive d'un parti avec une bonne organisation de leurs actes d'opposition. Soit ils demeurent sous cet état d'une fédération de partis, chacun ayant sa méthode, sa stratégie. Dans cet autre cas, il nous sera difficile de tenir des positions qui font preuve d'une logique politique cohérente. Actuellement, l'impression que donne le Rhdp est celle d'un groupe discordant qui offre mille et une failles, mille et une raisons de la diviser pour mieux la contrôler.
Tout compte fait, l'absence d'une ligne politique commune résulte de la disparité même du cadre organique du Rhdp. L'expérience d'Houphouët-Boigny en matière politique, de gouvernance et de diplomatie fut enrichissante et abondante. Mais si l'on veut muer celle-ci en concept et modèle de gouvernance, elle ne doit pas être plurielle. L'Houphouëtisme, est un.
Somme toute, l'effet placebo de la marche du 15 mai fut retentissant. Il n'y a pas lieu de se faire du mauvais sang parce qu'il n'y a pas eu d'échec. Mieux, il y a eu victoire ave la reconnaissance du clan présidentiel qui fait amende honorable en initiant le dialogue inter­ivoirien.

FAUX BONS OFFICES,
FAUX BOND CONTRE l'APO !
L'acte second de notre commentaire s'intéresse donc au nouveau dialogue dit inter-ivoirien. Et d'entrée de jeu, posons le diagnostic qui est évident pour tous. Il y a eu l'accord de Linas­Marcoussis, il y a eu les accords intermédiaires nés des différentes médiations dont les actes variés d'Accra et de Pretoria. Il y a eu les résolutions onusiennes et il y eut l'accord politique de Ouaga avec toutes les bonnes intentions sur les bases desquelles les ex-belligérants (Messieurs Laurent Gbagbo et Guillaume Soro) se sont mutuellement félicités. Il ne serait pas juste de dire que les promesses furent vaines. Mais plutôt que la ruse politicienne a fini par lasser les Ivoiriens. Quand irons-nous aux élections? Jusqu'à quand mettra-t-on fin a la partition du pays? A quand le désarmement définitif? Il n'y a pas longtemps que Monsieur le président du FPI constatait l'échec du Premier ministre Soro Guillaume et l'invitait à rendre son tablier.
Par circonvolutions, selon les distances, le dialogue se passe de plus en plus entre les acteurs de la vie politique ivoirienne. Par ruse, M. Gbagbo change ses interlocuteurs. Avec la résolution 1721 de l'ONU et les accords de Pretoria et Accra, il eut affaire au Premier ministre Charles Banny qui devrait arbitrer toutes les opérations pour la tenue des élections. Il changea par le Secrétaire Général du MPCI, M. Soro Guillaume à qui il a été confié le rôle d'arbitre dans une situation de conflit dans laquelle il est le second belligérant.
Aujourd'hui, un dialogue interne s'instaure et selon toute logique, il écarte un nombre important d'acteurs dont le Premier ministre Soro ainsi que son gouvernement d'union et qui n'invite que les Présidents Bédié du PDCI-RDA et Ouattara du RDR. La question ne se pose pas sur la représentativité de ces deux leaders. Le débat a-t-il changé? Si oui, quelles ont été les insuffisances de l'APO qui excluait tous les acteurs à l'exception de M. Soro Guillaume? Les Présidents Bédié et Ouattara interviennent déjà au niveau du CPC dans l'AIPO. De quelle(s) question (s) débat-on exclusivement avec eux?
Toutes ces bonnes intentions de dialogue ne sont en définitive que leurres sans lueur et perte de temps. Remarquons-le, depuis l'accord de Marcoussis, le jeu a toujours été le même. M. Gbagbo accepte de discuter, il signe des textes d'accord avec un chronogramme d'exécution et ... patatras. Rien! En réalité, et tout étant relatif, aucun aspect majeur de la résolution de la crise ivoirienne n'a échappé aux différents médiateurs et autres facilitateurs. Apparemment, ce qui manque ne peut être qu'une bonne volonté à mettre en pratique la lettre et l'esprit des textes d'accord. Mais si tant est que la leçon d'Houphouët et des épigones a fait tâche d'huile et que M. Gbagbo veut faire sienne cette philosophie du dialogue, il lui faut impliquer à tout le moins, l'actuel Premier ministre en tant qu'ex­belligérant au conflit armé, les leaders des partis politiques représentés au Parlerment comme ce fut le cas à Marcoussis. Autrement dit, nous assistons à l'enterrement de l'ApO qui devrait au bout de dix (10) mois nous sortir de la crise. Nous en sommes à la troisième année plus deux mois soit 38 mois soit encore 28 mois de trop. Il faut voir derrière cet autre dialogue, les dividendes politiciens en termes de gain de temps pour ces démocrates et intellectuels d'un autre siècle. N'est-ce pas là un viol éhonté de la conscience des Ivoiriens? Combien lui en faut-il encore? N'en a-t-il pas eu suffisamment? De toute évidence, son v?u est de nous inviter au crime pour soulager sa propre conscience. Il ne faut pas lui faire cette grâce. Il est impossible de faire un accord sans certains acteurs. Cela a marché à certains moments qui ne prévalent plus et qui ne devraient plus prévaloir.
Député Kobenan Tah Thomas



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