mercredi 26 mai 2010 par Islam Info

A l'occasion de la remise officielle de la mosquée Fatima à la population de Tafiré, nous avons parcouru le trajet Abidjan - Tafiré qui nous a permis de découvrir de nouvelles réalités qui ont enrichi notre vision du monde. Compte-rendu

BEAUCOUP DE MOSQUEES SUR LE PARCOURS

Ce jeudi 1er avril à 7h30, c'est le départ de la gare d'Adjamé. Tout se déroule normalement. Notre car traverse les villes de Toumodi, Yamoussoukro et Bouaké. Sur la route, de nombreuses petites mosquées construites par les Sunnites avec à leur tête, le Raïs Moussa Fadiga : C'est du bon travail. Malheureusement, la construction de ces mosquées ne prend pas en compte des toilettes, nous dit notre voisin au fait des choses. Effectivement, ces mosquées n'ont pas de toilettes et cela nous l'avons constaté dans tous les villages où nous avons fait escale lors de notre mission et lors de nos reportages antérieurs : C'est certainement un problème de budget, il faudrait qu'à l'avenir, l'Association des Musulmans sunnites qui fait du bon travail en construisant ces lieux de cultes en grand nombre à travers tout le pays, pense à y intégrer des toilettes. Car qui dit Islam, dit ablution et propreté , conclut notre voisin.


UNE SPLENDIDE MOSQUEE A KATIOLA ACHEVEE PAR VETCHO

A Notre arrivée à Katiola, nous sommes ébahis par une mosquée splendide située en plein centre ville. Toute blanche, elle brille sous un soleil de plomb dans une vaste cour : Cette mosquée a été achevée par Vetcho un des Com'zones des Forces nouvelles de son vrai nom Touré Hervé. Ce dernier de surcroît, est Chrétien : il a lui-même suivi les travaux. Cela a permis de faire avancer les choses en un temps record. La construction de cette bâtisse en l'honneur d'Allah a débuté depuis 1962 et les cadres de même que les autorités politiques de la région en haut lieu, avaient et été mêlés à la construction de cet édifice depuis l'ère du président Félix Houphouët Boigny mais en vain! Il a fallu l'apport de Vetcho pour que tout se passe rapidement et bien! Aujourd'hui, cette mosquée est l'une des plus belles du pays!, nous répète notre voisin. Après Katiola, c'est la traversée de Fronan, une autre sous préfecture du pays Tagbana. 58 kilomètres plus loin, nous atteignons Niakara.


NIAKARA, LA VILLE Où IL N'Y AVAIT PAS DE MOSQUEE

Cette ville est l'une des rares du pays où il n'y avait pas de mosquée. Il a fallu l'affectation de l'actuel consul général de Côte d'Ivoire à Djeddah en Arabie saoudite, El hadj Touré Vazoumana, en son temps sous préfet de cette localité, pour que la première mosquée surgisse de terre. Les travaux ont été dirigés par le Conseil National Islamique. De Fronan à Niakara, ce sont 58 kilomètres de vergers de mangues, d'anacarde et de Teck qui défilent sous nos yeux. Malheureusement, les premières pluies se font attendre. Les vergers sont calcinés à quelques endroits, conséquence de quelques feux de brousses vite circonscrits heureusement par les populations. Malgré tout, ces feux ont laissé des séquelles : Les pluies sont en retard ce qui fait que les récoltes ne seront pas bonnes comme celles de l'année dernière, nous apprend un autre passager du car. Nous traversons Niakara et arrivons à 40km plus loin à kanaholo au carrefour de la route entre Korhogo et Ferké. Le comité d'accueil qui fait bien les choses vient nous accueillir et nous prenons la route de Ferké. 38 km plus loin, nous arrivons à Tafiré. Ce trajet, compte tenu du bon état de la route, n'a duré que 15minutes.


UNE VILLE EN PLEINE EFFERVESCENCE

A notre arrivée, nous découvrons une ville bien bitumée : C'est un cadeau du président Félix Houphouët Boigny à l'un des anciens chefs de canton, Kahafolodjé qui au même titre que le patriarche Gbon Coulibaly de Korhogo, l'avait soutenu lors du combat pour l'indépendance contre les Progressistes alors nombreux dans la région. Quand notre pays a acquis son indépendance sous sa coupe, il n'a pas oublié son ami, nous apprend un des membres du comité d'accueil.
Plus nous avançons à l'intérieur de cette sous-préfecture dirigée par M. Sylla Moustapha, jeune administrateur civil, plus on sent une certaine frénésie dans l'air. Les jeunes gens s'activent pour l'accueil de Koné Tiémoko, le tout nouveau ministre de la construction et de l'urbanisme, ex Directeur de la BCEAO Côte d'Ivoire. Une banderole barre une des artères principales de la ville. On peut y lire : hommage à un bâtisseur discret. Effectivement, selon nos informateurs ce monsieur est discret, si discret qu'il a préféré rentrer dans son village, c'est-à-dire Tafiré, la nuit : Mais, nous autres jeunes, nous tenons à lui rendre hommage, pour tout ce qu'il a fait pour nous le plus discrètement possible. On sait qu'il n'aime pas le tapage mais pour une fois il va s'en accommoder, nous lance un membre du comité d'organisation.


TAFIRE, DEFORMATION DE TARFIRE OU "TERRE BLANCHE"

Dans l'attente de l'arrivée du ministre, nos hôtes se mettent à notre disposition en nous faisant visiter dès notre arrivée, le chef de canton, certains notables et différents chefs traditionnels de la ville. Il faut remarquer que chaque quartier de la ville à un chef traditionnel car avant l'érection de la ville en sous préfecture, chaque quartier constituait en fait un village. Cette randonnée nous permet de nous imprégner de l'ethnologie du lieu. Une véritable leçon nous est dispensée dans ce sens par différentes personnes. Nous apprenons donc que selon l'histoire, la ville actuelle de Tafiré limitée au Nord par Ferké, au Sud par Niakara et à l'Est par Kong, a été découverte par un chasseur du nom de Selikaha. Ce dernier s'est installé sur le site en établissant son campement du nom de Selikahakaha, le suffixe kaha signifiant en sénoufo "village." Il sera rejoint par d'autres personnes et notamment par les Koné venus de Kong en grand nombre. Ainsi, le campement s'est agrandi, et a donné lieu à un gros bourg qui par l'évolution du temps est devenu aujourd'hui une sous-préfecture. L'appellation "Tafiré" est en réalité, la déformation de "Tarfiré" ou terre blanche dans la langue du terroir. Le canton de Tafiré s'étend jusqu'à la SUCAF du côté de Ferké au Nord, installé sur le site de Tangala, une commune rurale.


BEAUCOUP DE QUARTIERS ET DE VILLAGES ENVIRONNANTS

La commune de Tafiré prend en compte le quartier de Soba (la grande ville en malinké), ou Daha en langue locale, Kanakaha Tafilé, Selikala, Boudaha, Dioulabougou, Selikanankaha, Napié différent de Napié l'autre sous-préfecture à l'Ouest de Tafiré mais créée par les habitants de cette ville du département de Korhogo venus s'installer à Tafiré et enfin Taramassoro un village faisant partie de la commune de Tafiré.

Au-delà de la commune de Tafiré, comme le veut le découpage administratif, 10km plus loin, Tafiré sous-préfecture comprend une série de villages notamment, Sélilé, Ouattaradougou, Djinanigbè Pangarikaha différent du Pangarikaha de Korhogo. Mais créée par les originaires de ce village venu s'installer sur ce site à Tafiré. Sur le tronçon de Ferké nous avons N'golodougou (Gbolèkaha en sénoufo), Kouroufina-gare, Kouroukouna-ville, Selilékaha, Timbara Badikaha un regroupement de cinq villages, devenu aujourd'hui sous préfecture.


LES TAKPANA OU TAGBANA, UN SOUS GROUPE DES SENOUFO.

Les habitants de Tafiré sont appélés Tagbana. Mais, selon nos informateurs, cela constitue un abus de langage. A ce niveau, il faut d'abord préciser que "Tagbana" est en fait la déformation de "Takpana". Le Tagbana est un grand groupe qui fait lui-même partie du grand groupe linguistique sénoufo. Tous sont "Midjo" qui signifie je dis!. Chez les Malinké on dirait qu'ils sont tous : n'ko. Les habitants de Tafiré sont des Tafilés. Ceux qu'on appelle "Tagbana" aujourd'hui, certainement par méconnaissance de la culture du terroir, sont les originaires de Niakara. Les originaires de Katiola par exemple, sont des Kafournos si on s'en tient à l'idiome de Tafiré et les Katiolos selon les habitants de Katiola eux-mêmes. Pour plus de précision, nos interlocuteurs nous apprennent que dans le groupe de ceux qui sont appelés Senoufo, nous localisons abusivement, la seule ville de Korhogo. On peut citer dans ce sens, les Tchébaras, les Nafaras, les Gbongalas, les Fotonons. A Ferké, nous avons les Niaraforos. Quand on va vers koumbala, une ville de la région, il y a les Palakas. Il y a certes des différences entre ces sous groupes, mais ils appartiennent tous au groupe Senoufo et ils se comprennent. Pour mieux nous éclairer, nos interlocuteurs nous prennent comme exemple le grand groupe Akan qui comprend les Baoulé, les Agni, les Koulango, les Abron, etc. Tous ces peuples se comprennent en fait avec tout de même quelques variantes linguistiques. Il en est de même pour le grand groupe mandingue où on distingue le Malinké, le Bambara, le Mahouka, le Koyaga, etc. Concernant la tendance qui allie les Tagbana aux Baoulé comme le prétendent de nombreuses personnes, on nous apprend que ce sont les rapports de proximité qui font que les Tagbana de Katiola et de Fronan parlent couramment Baoulé, ce qui n'est pas le cas de ceux de Niakara et de Tafiré.


LA CHEFFERIE ASSUREE PAR LES KONE.

Les différents chefs de cantons qui se sont succédé ces dernières années sont, Koné Mamadou, Koné Kassim commissaire de police de son vivant, tous deux décédés. L'actuel chef de canton se nomme Koné Sédjigui ou Koné Seydou. Ce dernier souffre de cécité. Selon les règles du terroir, les chefs de canton proviennent de la famille Koné qui sont parmi les premiers fondateurs de Tafiré depuis des temps immémoriaux : Bien longtemps avant l'arrivée des Blancs depuis le temps de Lawal, nos ancêtres sont venus de Kong et se sont installés ici. Ils étaient nombreux. Cependant, sur le site, existait un campement fondé par un chasseur du nom de Selikaha. C'est ce site là qui s'appelle aujourd'hui Sélikahakaha. Par leur grand nombre, nos ancêtres se sont imposés. Et c'est depuis lors que nous avons la chefferie, confirme le chef de canton. Cependant, dans la région selon notre guide, ce sont aux Touré que les ancêtres des Koné ont confié les libations par rapport à la terre dans toutes les manifestations. Ce qui, pousse certains à conclure que les Koné sont les chefs et les Touré, les propriétaires terriens.

L'ISLAM INTRODUIT DANS LA REGION A PARTIR DE KONG

Les habitants de Tafiré ont été islamisés par les habitants de Kong. A l'origine, ils étaient des animistes. Les marabouts qui sont venus de Kong s'y sont installés petit à petit, ils ont essaimé la religion. Les deux territoires sont voisins. Selon le chef de canton, c'est kahafolodjé, un ancien chef de canton qui a fait prendre à l'Islam son rayonnement actuel: quand nous naissions, il n'y avait que trois cours où l'on pratiquait l'Islam à savoir sa cour, celle d'un autre ancien nommé Nanban Koné et de son fils Seydou Koné et enfin, celle d'Adama Koné. Par la suite, les commerçants malinkés sont venus s'installer dans la région et ont participé à cette expansion de l'Islam.. Il faut signaler que l'actuel chef de canton est né en 1931 et continue toujours d'aller au champ. Il a été marié à quatre épouses dont deux sont décédées. Actuellement, il en a deux et a une progéniture de 12 enfants sans compter ses neveux et nièces.
Toujours dans le cadre de l'islamisation de la région, notre guide Koné Aboubacar, nous cite le cas de son grand-père qui a refusé de pratiquer le Poro et s'est par conséquent exilé à Djenné pendant sept ans d'où il est revenu avec la pratique de l'Islam permettant ainsi à sa famille entière de se convertir à cette religion.

A suive
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