jeudi 1 juillet 2010 par Le Nouveau Réveil

Plus ça va, moins ça va. Telle peut se résumer la situation ivoirienne. Chaque fois qu'on s'approche de l'échéance électorale, immanquablement, surgissent de nouveaux problèmes dont le commun des mortels éprouve toutes les difficultés du monde à comprendre les causes et les sous-causes. Et notre pays bat tous les records de la valse des Premiers ministres, victimes expiatoires commodes, pour ne pas aller à l'élection présidentielle attendue par tous. On peut même dire que notre pays dévore les chefs de gouvernement. Aussi, convient-il de dresser un bref historique du cheminement chaotique de notre pays vers le fonctionnement régulier de nos institutions et le rétablissement de la légalité républicaine. Et le cas des Premiers ministres me parait le plus symptomatique de cette transition qui s'éternise.
En effet, depuis le déclenchement de la crise le 19 septembre 2002, ce sont trois Premiers ministres qui se sont succédé sans compter les commissaires onusiens chargés de superviser la sortie de crise. Tous ont connu ou semblent en voie de connaitre le même sort dans la résignation des citoyens qui n'en peuvent plus.
Aussitôt après Marcoussis, sous injonction de la communauté internationale, un Premier ministre a été désigné pour piloter la transition vers la normalisation après la terrible clameur des armes. Il s'agit de l'ambassadeur Seydou Elimane Diarra qui a repris le relais de Pascal Affi N'guessan, Premier ministre de la refondation en fonction durant les hostilités. Alors que les traces du conflit étaient encore vives, ce diplomate eut la lourde et peu enviable mission de guider un gouvernement rassemblant pour la première fois tous les protagonistes de la guerre intestine et les partis signataires des Accords de Marcoussis. ?uvre d'autant difficile que dans le camp gouvernemental, l'on ne parlait que de reconquête de territoire perdu, de rebelles à exterminer. Seydou Diarra fit de son mieux pour contenter le clan gouvernemental et les Forces nouvelles, tout ceci dans un climat tendu animé par les va-t-en guerre de la refondation. Vers la fin 2005, il rendit son tablier après avoir constaté que Gbagbo ne voulait plus de lui. Et Dieu seul sait combien de trésors diplomatiques avec des courbettes avilissantes que ce Premier ministre dépensa pour mériter la confiance du chef de l'Etat en évitant de le heurter frontalement. Pour établir un tel équilibre, il a dû avaler beaucoup de couleuvres afin de satisfaire, à son corps défendant, les veuleries d'un pouvoir devenu illégitime, lequel déchirait tous les accords de paix aussitôt signés. Peine perdue.
A un Seydou Elimane Diarra volontaire mais impuissant face à la mauvaise foi du pouvoir, succeda le banquier Charles Konan Banny, lui aussi proposé par la communauté internationale et accepté par Gbagbo. Elle lui conféra un pouvoir plus ample pour l'aider à travailler en toute autonomie. Le chef de l'Etat applaudit publiquement en entérinant la désignation du gouverneur de la BCEAO. Mieux, il déclara sa grande joie de voir un ami à la Primature. Il fit comprendre que c'est chez ce dernier qu'il déposait ses valises lorsqu'il débarquait à Dakar. Et pourtant, les bons augures ne tardèrent pas à se transformer en un cauchemar devant les nombreux obstacles dressés sur son chemin par ceux-là mêmes qui avaient jubilé dès l'annonce de sa nomination. Banny travailla comme il put avec la réussite des audiences foraines dont ne voulait pas le FPI. Faut-il le dire, le Premier ministre s'était montré comme un homme de consensus et ne prenait jamais de décision sans avoir consulté les uns et les autres. Pour convaincre le président de la République de sa bonne foi, il déclarait son intention de voir toutes les actions dans les deux camps se dérouler concomitamment et de pédaler dans le même sens que le Président. Peine perdue.
Avec le scandale des déchets toxiques, Banny démontra son sens de responsabilité, alors que rien ne l'obligeait compte tenu de la nature de sa désignation et des pouvoirs à lui conférés par la communauté internationale jusqu'à remettre son mandat à un Président de la République étranger à sa nomination, quand bien même qu'il ait rejeté des dizaines de candidats avant d'accepter le nom du gouverneur.
Toutes ces man?uvres d'engloutissement de Premiers ministres, fomentées par le camp présidentiel, permirent à Gbagbo Laurent de gagner du temps en reportant l'élection présidentielle. Et comme toujours, la communauté internationale accusa le coup sans réagir, hormis quelques condamnations platoniques pour amuser la galerie.
Avec le départ inopiné de l'ancien gouverneur de son poste de Premier ministre, la donne politique nationale changea radicalement. En effet, les deux belligérants qui se sont affrontés à coups de canons sur le terrain et procédé à la partition du pays en deux, décidèrent de s'asseoir autour d'une table pour apurer leur lourd contentieux. Pour cela, ils se rendirent à Ouagadougou solliciter la facilitation de Blaise Compaoré, président du Faso, jusque-là considéré par le FPI comme le principal complice sous-régional de la rébellion. Ce coup d'éclat accoucha les Accords politiques dits de Ouagadougou (APO) dont la mesure la plus importante a effet immédiat, fut la nomination du secrétaire général des Forces nouvelles, Guillaume Soro, au poste de Premier ministre avec le devoir de conduire le pays hors de la crise. Le chef de l'Etat, tout heureux du tacle fait à la communauté internationale, présenta Soro Guillaume comme l'oiseau rare, un vrai garçon avec lequel il ne pouvait que s'entendre. C'était en 2007. Trois ans après, on voudrait connaitre les raisons des brouilles constantes et des éclats de voix entre les deux personnalités. Pourquoi Gbagbo ne veut plus de Soro ? L'élève d'hier, est-il devenu plus rusé que notre boulanger national ? A-t-il acquis subrepticement une supériorité militaire lui conseillant de se débarrasser de l'homme fort des Forces nouvelles ? Gbagbo veut-il reprendre la guerre ?
Parallèlement à la valse des Premiers ministres, faut-il signaler que l'opinion publique internationale, l'ONU et l'Union Africaine ne se sont pas croisées les bras en matière de représentation. Albert Tévoédjéré, Pierre Schori, Studman et Y. J. Choi, sont eux aussi, respectivement envoyés à Abidjan pour accompagner la transition vers la normalité. Le résultat de tout ce remue-ménage est un constat d'échec patent, les refondateurs s'étant obstinés à créer mille et un obstacles afin d'empêcher le processus de sortie de crise d'avancer, avec à la clé, l'élection présidentielle.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les récentes déclarations du président Mamadou Koulibaly, suite d'une série de prises de position courageuses, ont eu un effet boomerang au sein du FPI. Pour se tirer d'affaire à moindre coût, le parti au pouvoir, à travers sa presse et ses samouraïs, crée une diversion. Il accuse sans la moindre preuve, le Premier ministre, Soro Guillaume, et la Sagem-Sécurité de corruption. Selon les refondateurs, le jeune Premier ministre, l'oiseau rare du chef de l'Etat, aurait perçu une commission de 10 milliards pour faciliter la sélection de l'organisme français appelé à gérer la partie technique du processus électoral. Ils demandent, en conséquence, qu'une enquête d'incrimination soit ouverte à leur endroit afin de détourner l'attention de la population sur les scandales dénoncés par le second personnage de l'Etat. Connaissant le mode opératoire de Gbagbo lorsqu'il s'agit de se défaire d'un Premier ministre devenu gênant pour la stratégie de blocage de la marche vers la sortie de crise, on se demande si le cas Soro Guillaume-Sagem n'est pas une énième invention du camp présidentiel pour éloigner la date des élections alors qu'on s'achemine vers la confection de la liste électorale définitive. N'est-ce pas le remake du film projeté lors de la fausse accusation portée contre Robert Beugré Mambé qui a permis au pouvoir de se donner un peu d'oxygène ?
Selon l'adage, il n'y a jamais deux sans trois. Avec Gbagbo, on pourrait ajouter qu'il n'y a jamais trois sans quatre voire cinq. Est-ce un préalable de la préparation des esprits à une probable élimination de Soro Guillaume de la Primature ? La minorité présidentielle se rend-elle compte des conséquences d'un tel acte si cela venait à se vérifier dans les semaines et mois prochains ? Car, l'accusation faite contre le Premier ministre, c'est du pipeau. Lorsqu'on sait que ce dernier a été nommé le 26 mars par décret n° 2007-459 à la Primature plus de quatre mois après le choix porté sur la Sagem Sécurité, on se demande comment Soro peut-il prélever 10 milliards sur un travail que d'autres ont accompli alors qu'il n'était qu'un simple membre de l'équipe gouvernementale. En apposant sa signature au bas du document de l'Accord complémentaire II à Korhogo en même temps que l'autre partie signataire de l'APO, le Premier ministre n'a fait qu'entériner le choix opéré le 20 novembre 2006 par les négociateurs institutionnels secondés par M. Studman, représentant des Nations Unies pour les questions électorales. Le 6 mars 2007, soit un an après, le Conseil du Gouvernement ayant pris acte des conclusions à partir des analyses de l'offre de Sagem-Sécurité qui répondait le mieux au dossier d'appel d'offre aux normes internationales, autorisa le ministre de l'Economie et des finances à entamer des négociations financières avec Sagem-Sécurité. Escamoter un tel détail est faire preuve de mauvaise foi avec intention de créer la confusion dans la tête des Ivoiriens. Car, s'il s'avère qu'il y a eu corruption, c'est à ces autorités et au FPI, qu'il faut s'adresser et non à Soro Guillaume.
En fait, cela fait un bon moment que le chef de l'Etat, malgré ses promenades lagunaires avec son ennemi-collaborateur, cherche à travers les provocations des siens à se débarrasser de son Premier ministre qu'il n'arrive pas à manipuler et à gagner à sa cause. Et régulièrement, le nom de Soro Guillaume apparait dans des dossiers présentés comme sensationnel par la presse et autres médias contrôlés par le pouvoir, lesquels se dégonflent dans le silence vingt-quatre heures après.
La refondation doit donc se rassurer. Le RHDP soutient pleinement Soro Guillaume dans l'exercice de ses prérogatives et ne doute nullement de sa volonté de conduire le pays hors de la crise. Et les Ivoiriens doivent le savoir, le pays ne souffre pas de Premier ministre, mais du chef de l'Etat qui s'abrite toujours derrière des arguments fallacieux pour repousser la date de l'élection présidentielle, préalable du retour à la normalité. Soro Guillaume qui a démontré sa maturité durant ses trois dernières années en refusant de s'engouffrer dans le chantier de guerre des refondateurs, conduira en personne le processus de sortie de crise jusqu'à son terme. Toutes les manigances ne serviront à rien. Enfin, à supposer que la société Sagem-Sécurité ait offert des pots pour obtenir l'agrément des autorités ivoiriennes déjà mentionnées, en quoi cela peut entraver la conduite des opérations qui lui ont été confiées et dont elle est arrivée aux derniers détails ?
Nous devons plutôt encourager SAGEM-Sécurité à achever son travail dans les plus brefs délais. Il y va de notre survie en tant que peuple. Vous comprenez donc que le problème du pays, ce n'est pas une affaire de Premier ministre à changer tous les deux ans. La Côte d'Ivoire a aujourd'hui besoin d'un Président de la République soucieux du devenir du pays.
Le ministre
Kobenan Kouassi Adjoumani
Député de Tanda
Délégué départemental
PDCI-RDA, Tanda I


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