lundi 12 juillet 2010 par Notre Voie

Dans les coulisses de vendredi de ce jour, le député Sokouri Bohui, secrétaire national du Fpi chargé des élections, explique pourquoi son parti rejette la vérification de la liste électorale provisoire dans la forme proposée par le Premier ministre. Notre Voie : L'enquête parlementaire a été rejetée hier en commission. Est-ce à dire que la cause de cette enquête est totalement entendue ? Martin Sokouri Bohui : Non, c'est en plénière, le 28 juillet que le sort de cette enquête sera scellé. Dans la pratique, le travail fait en commission est entériné en plénière. Mais si la commission rejette une proposition, il est pratiquement acquis qu'elle sera rejetée en plénière. On attend donc la fin de ce mois pour connaître le sort de cette proposition. N.V. : Comment expliquez-vous que cette proposition ait été rejetée en commission ? M.S.B. : Nous députés FPI, nous appartenons à un pouvoir. Le pouvoir du président Laurent Gbagbo. Et c'est l'article 103 de notre règlement qui règle ce type de problèmes. N.V. : Que dit l'article 103 ? M.S.B. : L'article 103 dit : 1- Le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est notifié par le président de l'Assemblée nationale au garde des Sceaux, ministre de la Justice. 2- Si le Garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. Si la discussion est déjà commencée, elle est immédiatement interrompue. 3- Lorsqu'une information judiciaire est ouverte après la création de la commission, le président de l'Assemblée nationale, saisi par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, en informe le président de la commission. Celle-ci met immédiatement fin à ses travaux. On voit donc qu'un pouvoir qui se respecte ne peut diligenter deux enquêtes sur une même affaire simultanément. Comme nous, députés FPI, respectons le pouvoir de Gbagbo, même si l'initiative vient de notre bord, il ne nous appartient pas de maintenir l'enquête, parce que le président de la République a déjà fait le choix de la justice. Nous sommes donc respectueux de la loi ivoirienne. Nous ne sommes pas gênés par la commission d'enquête en tant que telle, mais nous ne voulons pas faire concurrence avec le président de la République. Et ce que je dis là, les députés du RHDP le savent très bien. Mais, s'ils insistent, ce n'est pas parce qu'ils veulent l'enquête pour l'enquête. Mais, pour un problème aussi sensible, ils veulent nous amener à défier le président de la République. Nous disons non à cela. Cela dit, j'observe que ceux qui se battent aujourd'hui pour l'enquête sont ceux-là mêmes qui, hier, ont amené et soutenu la guerre qui est le summum de l'immoralité. On ne peut pas avoir envoyé et soutenu la guerre et faire croire qu'on peut être un exemple de moralité. Les Ivoiriens savent que tous les actes que posent le RDR et ses alliés du moment ne sont jamais en faveur du peuple, mais en faveur de leurs intérêts égoïstes. C'est pour toutes ces raisons que, malgré la campagne de diabolisation menée par le RDR et ses affidés sur le Président Gbagbo et le FPI, le président et le FPI restent toujours debout et leur cote de popularité ne cesse de grimper. En témoignent les derniers sondages. Car les ivoiriens savent de quel côté se trouvent la vérité et l'avenir de leur pays. Ce ne sont donc pas les élucubrations du RHDP qui nous effrayeront. N.V. : Que dit ce sondage et que vous inspire-t-il ? M.S.B. : Le président Laurent Gbagbo caracole toujours en tête. Il fait même mieux. De 43% au premier tour, il est passé à 44%. Il gagne donc un point. Ses principaux adversaires, eux, ont chacun 26%. Alors qu'il n'a pas encore fait campagne. Pendant que ses adversaires ont déjà sillonné tout le pays. C'est la preuve que le président Gbagbo va gagner cette élection dès le premier tour. On remarque d'ailleurs que, sur tous les sujets évoqués par les sondeurs, il écrase tous ses adversaires. N.V. : Mais vos adversaires ne reconnaissent pas les résultats des sondages. Ils se demandent même pourquoi le président n'organise pas les élections s'il est si sûr de les gagner. M.S.B. : Si nos adversaires ne reconnaissent pas les résultats des sondages, ils peuvent eux-mêmes aller à Sofres ou à tout autre institut de sondage coté commanditer leurs propres sondages. C'est sûr que les résultats vont leur renvoyer le reflet de leur visage de perdants. Ils seront alors bien édifiés. S'agissant des élections, même si tout le monde sait que le président de la République va les gagner, nous devons cependant les organiser dans des conditions transparentes. Et elles le seront après l'obtention de la liste électorale définitive et après le désarmement. Cela dit, c'est nous qui avons intérêt qu'on aille vite aux élections, parce que c'est notre pouvoir qui est contrarié par cette crise provoquée par ceux-là mêmes qui se disent pressés d'aller aux élections. Mais on n'organisera pas ces élections selon leurs normes, c'est-à-dire dans l'insécurité et dans la fraude. Elles seront organisées selon les normes internationales, à savoir dans un climat de sécurité totale où nos frères qui ont pris les armes les auront déposées et auront été encasernés, et avec une liste électorale débarrassée de fraudeurs. Plus les opposants diront que le président Gbagbo ne veut pas aller aux élections, plus nous dirons que la Côte d'Ivoire doit vite aller aux élections, mais à des élections transparentes pour éviter une deuxième guerre. N.V. : Vous dites que les élections auront lieu dans des conditions transparentes, mais la presse de l'opposition indique que, lors du dernier CPC, les leaders du RHDP auraient dit au président Gbagbo qu'après octobre, c'est fini pour lui. M.S.B. : Que pèsent, aujourd'hui, Bédié et Ouattara devant Gbagbo au point de proférer des menaces à l'encontre du président de la République ? Des opposants qui ne doivent leur salut qu'à la magnanimité du président de la République ? C'est lui qui a permis qu'ils soient tous les deux candidats alors que notre Constitution ne les y autorise pas. Dans ces conditions, ils ne peuvent qu'avoir le profil bas devant le président Gbagbo. Je veux bien croire que c'est le souhait du RHDP d'aller aux élections en octobre. Et tout le monde veut aller aux élections cette année. Mais s'ils veulent effectivement que les élections aient vite lieu, ils doivent demander à leurs combattants dans les zones CNO de déposer les armes. C'est de cette seule façon qu'ils peuvent rendre l'ascenseur au chef de l'Etat qui a fait d'eux des candidats, et non lui faire de supposées injonctions. Car, il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui, Bédié est frappé par la limite d'âge qui est de 75 ans. Il a 76 ans. Quant à Ouattara, tout le monde le sait, il n'a pas encore levé les doutes sur sa nationalité. Cela dit, ce n'est pas nouveau que les opposants, pour séduire leurs militants, se font passer pour les maîtres du jeu. Et, après, quand la réalité les rattrape, ils se morfondent. Ce qui est en jeu ici , c'est la transparence des élections. Si donc les conditions de cette transparence sont réunies pour aller aux élections avant octobre, celles-ci seront organisées avant octobre. Si les conditions de la transparence sont réunies pour que les élections soient organisées en octobre, elles le seront également. Enfin, si les conditions de la transparence sont réunies après octobre, les élections auront lieu après octobre, et le ciel ne tombera pas sur la Côte d'Ivoire. Parce que seule la transparence des élections doit être le souci de tous. Travaillons donc dans cet esprit pour que nous ayons les élections cette année. N.V. : Parlant justement de transparence, les échos qui nous parviennent font état de ce que le FPI a rejeté les dernières propositions de la primature par rapport à la vérification de la liste électorale provisoire. Qu'est-ce qu'il en est ? M.S.B. : Je voudrais faire remarquer que c'est nous, camp présidentiel, qui avons demandé la vérification de la liste électorale. Et cette vérification devrait se faire sur les 5.300.000 personnes retenues après croisement. Mais quand nous sommes allés en négociation avec l'opposition, nous avons convenu qu'il fallait exclure, du camp de la vérification, les personnes retrouvées sur la liste de 2000 et sur la liste des fichiers fusion. Il a été donc retenu les personnes qui sont sur la liste par ascendance, c'est-à-dire ceux qui ont au moins l'un de leurs parents sur la liste de 2000 ou du fichier fusion. Ces personnes sont au nombre de 1.792.000. Etant donc tombés d'accord sur ce chiffre, un mode opératoire a été élaboré et adopté par tous pour faire la vérification. Celle-ci doit se faire à deux niveaux. Une première vérification informatique et une deuxième vérification manuelle. Dès qu'on a commencé l'opération, la vérification informatique a donné comme résultat 25000 extraits corrects. Le résultat est donc insignifiant, là où on s'attendait à au moins la moitié des 1.792.000 personnes. Il reste donc 1.767.000 personnes qui doivent faire l'objet de la vérification manuelle. Le Premier ministre a estimé que ce chiffre est trop élevé et si toutes ces 1.767.000 personnes doivent passer à la vérification manuelle, le délai du 26 juillet pour la fin de la vérification ne pourra pas être tenu. Or il est arcbouté sur cette date du 26 juillet. Et donc, sans nous consulter, il a demandé à la Sagem et à l'INS de lui trouver une solution alternative pour réduire le nombre des personnes qui doivent passer à la vérification manuelle. Ainsi donc, après des croisements, ces deux opérateurs ont estimé que, sur les 1.767.000 personnes, seulement 166.108 sont suspectes. Et donc la vérification ne doit porter que sur ces 166.108 personnes. C'est alors que le Premier ministre nous convoque pour nous dire que la vérification ne portera plus sur les 1.767.000 personnes, mais seulement sur 166.108 personnes. Evidemment, le PDCI et le RDR ont donné leur accord, parce que, pour eux, le croisement ne les intéresse pas. Parce qu'ils savent ce qu'ils ont fait. Mais nous, nous trouvons que c'est gros. On ne peut pas changer les règles de jeu pendant que le match se joue. Nous sommes tombés d'accord sur le chiffre de 1.792.000 personnes à vérifier et nous sommes également tombés d'accord sur le mode opératoire. Il est inadmissible qu'on change le chiffre pendant que la vérification se fait. Je reprécise que c'est nous qui avons demandé la vérification et elle devrait concerner les 5.300.000 personnes qui sont sur la liste provisoire. Mais, après discussions, nous avons concédé que le nombre soit porté à seulement 1.792.000 personnes. On ne peut pas ramener ce chiffre, déjà trop restreint, à 166.108 dans notre dos et nous faire croire après que la vérification de la liste électorale a été faite. Nous ne pouvons l'accepter. Car si c'était à cause de 166.108 personnes, nous n'aurions pas mené tout ce combat pour la vérification de la liste. Parce que ce nombre est insignifiant et nous avons la preuve qu'il y a plus de 166 108 fraudeurs. Ceux qui disent que notre dossier est vide n'ont qu'à nous confondre sur le terrain. Parce que je dis et je le répète, la Côte d'Ivoire paie 140 milliards pour qu'Alassane Ouattara ait confiance en la liste électorale. Si on peut payer 140 milliards FCFA pour mettre quelqu'un en confiance, pourquoi ne trouverait-on pas un peu de moyens pour que la majorité présidentielle elle aussi ait confiance ? Parce que si c'est le délai qui est une priorité, il suffit de démultiplier les équipes par deux ou par trois pour qu'on soit dans le délai. Par ailleurs, on pourrait proroger un peu le délai si on pense qu'il n'y a pas d'argent. Que représentent deux semaines ou même un mois là où la paix sociale est en jeu ? La vérification que nous avons demandée n'est pas un simple jeu, c'est pour que tout le monde ait effectivement confiance en la liste qui va sortir de là. Et, par conséquent, pour organiser des élections transparentes. C'est d'ailleurs l'argument avancé par le Premier ministre pour faire accepter l'idée de la vérification aux autres qui n'en voulaient pas du tout. Nous sommes donc surpris que le Premier ministre lui-même ne soit plus attaché à ce principe de transparence qui est pourtant la clef du succès du processus de paix qu'il conduit en même temps que le président de la République. Revenons donc au mode opératoire pour permettre à tous les acteurs d'avoir confiance en la liste électorale parce que, pour nous camp présidentiel, l'élection du président de la république dépend certes du désarmement, mais dépend aussi de ce petit travail de vérification à faire. Nous voulons être rassurés comme les autres ont été rassurés. Que le Premier ministsre en tienne compte, parce qu'il y va de l'avenir de notre pays. Interview réalisée par Boga Sivori

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