lundi 12 juillet 2010 par Nord-Sud

La chance de nouveaux candidats à l'élection présidentielle se trouve entre les mains du chef de l'exécutif, semble dire le Pr Ouraga Obou. Qui a évoqué, hier, sur les antennes de la radio onusienne, Onuci Fm, l'éventualité de la réouverture des candidatures pour ledit scrutin.

Des voix s'élèvent de plus en plus pour réclamer la réouverture des candidatures à la présidentielle, est-ce possible juridiquement ?
Politiquement, c'est peut-être possible, mais juridiquement cela ne me semble pas évident.

Pourquoi ?
A la lecture du code électoral, il y a certes des dispositions qui me semblent plus évidentes. En ce qui concerne la reprise (des candidatures), il s'agit de l'hypothèse du décès d'un candidat. Or, s'agissant du texte, lui-même, notamment, se rapportant à la candidature, au terme de l'article 53, me semble-t-il, le délai pour la réception des candidatures est de 45 jours. Mais dans notre hypothèse, c'est une situation qui me semble atypique. Puisque, lorsque le délai est ouvert, il aurait fallu que l'élection survienne automatiquement.

Dans les 45 jours ?
Oui. Or, dans le cas d'espèce que je qualifie d'atypique, c'est que la crise affectant la situation, l'élection n'a pas eu lieu. Le Conseil constitutionnel a déjà publié la liste des candidats validés, on attend que la date soit fixée. Alors, je ne vois pas, au plan juridique, comment il pourrait rouvrir de nouvelles candidatures. Juridiquement, je m'interroge.

Des voix s'élèvent pour dire comme les élections n'ont pas eu lieu pourquoi ne pas rouvrir ces candidatures pour permettre à d'éventuels candidats de postuler ?
La démarche peut être purement politique. On s'adresse à la cheville qui devrait avoir l'autorisation, me semble-t-il, du Conseil constitutionnel pour trouver une solution politique. Si la solution politique était trouvée et que ceux qui sont déjà candidats l'acceptent, dans ce cas il n'y a pas de problème majeur. Mais juridiquement, dès lors que la liste a été déjà publiée, je ne vois pas comment on pourrait rouvrir de nouvelles candidatures, qui devraient s'ajouter à celles qui ont été arrêtées et publiées. Retenons que la décision qui est prise par le Conseil constitutionnel de publier la liste définitive est inattaquable. Juridiquement. Alors, je ne vois pas comment on pourrait revenir sur cette liste qui a été publiée par la voie juridique ; alors que juridiquement, elle est inattaquable. La seule voie qui, me semble-t-il, reste est celle de la voie politique. Elle peut aller à l'encontre de la voie juridique.

Si d'aventure la voie politique venait à être empruntée, cela ne vaudra pas également pour le corps électoral ? Est-ce possible de rouvrir les inscriptions sur les listes électorales?
Actuellement, nous sommes dans une situation que je pourrais qualifier d'anormale. Et tout ce qui concourt à trouver une solution de paix pour que les élections se déroulent en dehors d'une situation de crise et que d'autres convulsions ne viennent pas affecter le processus électoral, si les acteurs y reviennent, évidemment, c'est le fait qui va bousculer le droit. Mais je vois mal comment le droit pourrait bousculer le fait. C'est cela qui me pose problème. Si les acteurs sont d'accord et que le Conseil constitutionnel ne trouve pas d'inconvénient pour le faire, et que cela milite en faveur de la paix, pour le juriste que je suis, je ne peux qu'acquiescer. Même si cela me semble difficilement acceptable.

Les opérateurs techniques se sont englués, ces derniers temps, dans des opérations à n'en point finir. Par exemple, cette vérification approfondie des listes, finalement va-t-on en sortir pour les élections un jour ?
Je reste optimiste pour les acteurs. Ce qui est important, c'est qu'ils ne sont pas rentrés dans un processus qui s'enlise. Mais, en même temps, à force de l'éviter, il ne faut pas non plus précipiter les choses qui nous ramènent à la case-départ. Je crois que ce qui est le plus important, c'est la bonne foi des acteurs. S'ils sont animés de bonne foi, à partir de cet instant-là, le processus sera relativement blanc. Cela pose moins de problèmes. Il n'y aurait de problème que si la lenteur résulte de la manifestation de la mauvaise foi. Moi, je m'en remets à la bonne foi des acteurs.

Comment faire naître cette bonne foi des acteurs qui se méfient depuis un bon moment ?
Le jeu est tout à fait normal. Je dirais d'entretenir des suspicions réciproques envers les uns et les autres. Cela dit, les choses vont dans le sens de la recherche d'une solution finale qui convienne aux parties. Deux faits m'autorisent à le dire : la première fois, c'est le chef de l'Etat qui s'est rendu chez les autres acteurs de la vie politique, pour pouvoir juguler la crise qui pointait à l'horizon. Dernièrement, il a reçu les principaux candidats pour qu'ils conviennent ensemble d'une date. Cela constitue en mon sens un fait significatif, contrairement au passé où la fixation des dates des élections était une décision purement administrative. Maintenant, on avance vers une solution politique que pourra, éventuellement, accepter ou entériner la décision administrative. Cela me semble la meilleure

Ce début de confiance qui semble naître entre les différents acteurs au sommet, est-ce un indice que les élections pourraient se tenir cette année ?
Je le présume et je ne peux qu'encourager que les acteurs se rapprochent, se fassent des concessions réciproques, pour que nous puissions aller à des élections libres et transparentes.

En Afrique les lendemains d'élections ont souvent été chaotiques, comment éviter ce syndrome en ce qui concerne la Côte d'Ivoire ?
Lorsqu'on est candidat à une élection, on attend deux résultats. Soit on gagne, soit on perd. () Dans le système américain, lorsque l'élection a lieu, le gagnant ne peut faire sa déclaration que lorsqu'il reçoit les félicitations de celui qui a perdu. Lorsqu'il reçoit les félicitations de ce dernier, cela prouve qu'il a accepté le résultat de l'élection. Il me semble que les acteurs politiques africains, en particulier l'Ivoirien, devraient aller dans ce sens.

Est-ce que, par moments, on ne comprend pas ces opposants qui refusent d'accepter les résultats quand l'élection est, elle-même, gagnée d'avance ?
Vous savez, on n'a pas fini d'apprendre. La démocratie africaine est encore jeune. Mais vous voyez que le Ghana, le Mali et l'Afrique du Sud nous ont donné de bonnes leçons de démocratie. Je crois que les bonnes élections sont en train de faire leur chemin. Il est bon qu'on retienne les bons exemples à côté des mauvais exemples comme le Zimbabwe ou bien le Niger. Il faut tirer les leçons des mauvais exemples pour que les bons exemples perdurent. C'est ce qui me semble positif et constructif pour l'Afrique de demain.

Quelles sont les caractéristiques des bonnes élections ?
C'est de faire en sorte, d'abord, qu'il n'y ait pas de dispositions qui éliminent de manière artificielle ; on ne peut pas dire que tout le monde sera candidat mais que les lois soient de bonnes lois électorales. Deuxièmement, que l'électeur soit totalement libre dans son choix ; avant, pendant et après le scrutin. Et, troisièmement, il faut qu'on laisse au peuple la liberté de choisir et que c'est son droit le plus souverain de se tromper. S'il a choisi quelqu'un qui est déclaré vainqueur que les autres le laissent gouverner et attendent leur tour. Que l'alternance s'incarne et se fixe dans le subconscient du citoyen et des candidats et qu'on comprenne qu'on a le pouvoir pour un moment et qu'on peut le perdre. Celui qui a perdu, qu'il ne se dise pas qu'il peut récupérer le pouvoir par tous les moyens, y compris la violence. Elle est à bannir de la conquête du pouvoir. C'est cela l'attitude démocratique, qui consiste à dire : je suis candidat à une élection, je peux la perdre ou la gagner ; à condition qu'elle soit libre et transparente.

Propos recueillis sur Onuci Fm par Bidi Ignace

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