lundi 19 juillet 2010 par Le Nouveau Réveil

Samedi 17 juillet 2010, 10 heures 08 minutes, Maison d`arrêt et de correction d`Abidjan (Maca). Sous le hangar où se vendent les billets d`entrée à la plus grande et la plus nocive des prisons ivoiriennes, une scène inhabituelle se déroule. C`est que les gardes pénitentiaires chargés de vendre ces fameux billets ont reçu de nouvelles instructions. En plus des nom et prénoms du visiteur qu`ils sont chargés, d`écrire sur le billet, ils doivent désormais écrire aussi le numéro de la pièce d`identité. Et cela prend beaucoup de temps. Ou plutôt, on fait tout pour... Car cela fait plus de trente minutes que le long rang dans lequel je me trouve, ne bouge pas. En réalité, les gardes ne s`occupent que des gens impatients. Et qui ont les moyens de leur impatience. C`est que justement, tout est mis en ?uvre pour cela. Il y a un rang pour les visiteurs qui n`ont pas de portable et deux rangs pour ceux qui en ont. Les portables étant interdits à l`intérieur de la prison, les visiteurs doivent les laisser sous la surveillance de deux gardes pénitentiaires, à raison de 200F le portable. Une véritable affaire, vu qu`à 90%, les visiteurs qui peuvent parfois atteindre le chiffre de 1500 à 2000 les samedis, ont au moins un portable. A 300F le billet plus 200F le portable, faites le calcul. Ayant commis l`erreur de venir avec mes portables alors que je suis un habitué des lieux, je me trouve donc dans le rang prioritaire qui, cependant, n`avance pas. Parce que les gardes sont envahis par les impatients et ceux qui, bien qu`ayant obtenu leur billet après de longs moments d`attente, n`ont pu entrer dans la prison parce que les gardes, volontairement ou involontairement, ont omis d`inscrire le numéro de leur pièce d`identité sur leur billet. Refoulés à l`entrée de la prison, ils sont obligés de revenir grossir le rang, ce qu`ils refusent, à raison. Entre-temps, d`autres gardes pénitentiaires qui veillent, sous le hangar, proposent leurs bons offices. Une pièce de 100F ou de 200F bien ajustée et tout rentre dans l`ordre. Arrivé à 10 h 08, c`est à 11 heures 35 mn que j`accède au guichet. Dès que le garde voit le nom, il sursaute : " Assalé Tiémoko, toi, on te connaît ! Faut pas aller écrire sur nous, hein ! Promets-le, sinon tu n`auras pas de billet". Je lui promets de ne rien écrire sur le désordre organisé. Promesse tenue. A l`intérieur de la prison où j`accède à 11 h 52 mn, c`est au parloir B que je suis invité à aller pour voir les trois journalistes emprisonnés par le procureur Tchimou, pour " vol de document administratif ". Théophile Kouamouo, Saint Claver Oula et Stéphane Guédé. Lesquels arrivent, accompagnés par " Bolo ", un détenu à la musculature impressionnante qui, autrefois, du temps où j`étais dans la prison, me servait de temps en temps de garde du corps. " hééé vieux père Assalé, bonne arrivée. Faut pas craindre, je veille sur eux ! On m`a dit que ce sont tes collègues, donc il ne peut rien leur arriver ici ! On s`occupe d`eux ! ". Chose que confirme Théophile Kouamouo : " Comparé à ce que nous avons vécu à la police criminelle, c`est mieux ici. Les détenus nous ont très bien reçus au bâtiment B. Nous sommes dans la même cellule que le chef du bâtiment et ça va ! Les détenus parlent beaucoup de toi, tu es très connu ici, Assalé ! ". C`est que la Maca est un peu ma maison, grâce au procureur Tchimou ! Et comment va le moral des prisonniers d`opinion ? C`est en ch?ur qu`ils répondent à cette question : " Le moral est très haut ! " Et à Théophile d`ajouter : " Tchimou veut qu`on viole la déontologie de notre métier, mais nous le ferons jamais. On ne demande pas à des journalistes de trahir ce qui fait l`essence même de leur métier. ". Voilà qui est bien dit ! Entré dans la prison à 11 h 52 minutes, c`est à 15 h 44 que j`en suis ressorti, après avoir échangé aussi avec des anciens co-détenus, parmi lesquels, les " otages du 18 juin 2008 ", à savoir les prisonniers de la filière café cacao. Lesquels ont à présent un moral à toute épreuve et attendent que les preneurs d`otage organisent enfin leur procès, pour qu`ils aient l`occasion de défendre leur honneur et leur dignité. Et aussi, pour que toute la Côte d`Ivoire découvre enfin, ce qui est dans ce dossier, dont la simple consultation conduit des journalistes en prison.

ASSALE TIEMOKO

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