par Fraternité Matin
La Côte d?Ivoire, premier producteur et exportateur mondial de fèves de cacao et de produits semi-finis du cacao, a mis en place un système de commercialisation extérieur qui protège ses producteurs contre les aléas, les fluctuations et la volatilité du marché boursier mondial.La Côte d?Ivoire aura goûté à toutes les saveurs en matière de commercialisation de son cacao. Stabilisation totale, libéralisation et retour à un système de commercialisation extérieur stabilisé, qui a l?avantage de fixer un prix plancher.
Donc qui donne de la perspective, la possibilité d?augmenter la rémunération du producteur. Ces différents chemins (systèmes de vente) ont montré leurs forces et faiblesses et le dernier a sauvé les plantations ivoiriennes.Le plus grand risque de la libéralisation est connu. Faire des plantations ivoiriennes des Offres publiques d?achat (Opa) où les multinationales, du fait de leurs puissances, auraient eu la mainmise sur la production, selon leur prix, car contrôlant de bout en bout la filière. Heureusement, le mal a été perçu de loin.Et comme on le sait, il faut comparer ce qui est comparable.
Lorsqu?on classe des élèves, c?est sur la base d?une évaluation commune. Un élève qui aurait 19 en mathématique serait-il plus fort qu?un autre qui a eu 16 en philosophie ? Beaucoup de personnes et d?organisations se sont invitées dans le débat du prix du cacao aux producteurs. Et des comparaisons malheureuses ont été faites.
Restons dans le domaine scientifique! Si on doit comparer le producteur ivoirien de cacao, il faudrait le faire avec son homologue ghanéen. Si on doit comparer les résultats du système de vente ivoirien, il faudrait le faire avec ceux du Ghana, parce que ces
deux pays ont un système de commercialisation extérieur presque identique et les fèves sont de même qualité (par le passé, la qualité des fèves ghanéennes était jugée supérieure à celle de la Côte d?Ivoire qui subissaient une décote).Ne pas politiser le débat Il se trouve que, dans cet exercice, aujourd?hui, les producteurs de cacao ivoiriens sont mieux lotis et mieux rémunérés que leurs homologues ghanéens à cause d?une monnaie plus stable et une inflation maîtrisée.Le rapport mondial sur les perspectives économiques 2024, publié récemment par le Fonds monétaire international (Fmi), flèche d?ailleurs la dépréciation de la monnaie ghanéenne et la forte inflation, associées au niveau d?endettement élevé, comme les causes du ralentissement de l?économie ghanéenne.En effet, malgré le prix garanti de 1500 F Cfa le kilogramme, fixé chez le voisin, la réalité est que les agriculteurs cèdent leur produit à 1300 F Cfa à cause de la monnaie et de l?inflation. Refuser de comparer le système ivoirien à celui du Ghana relève simplement des raisons politiques qui doivent s?éloigner des champs de cacao.Le vrai débat aujourd?hui doit être mené ailleurs. Il faut faire face aux nombreux défis à venir, dont celui du règlement
européen sur la déforestation.
Un sujet qui rappelle curieusement celui sur l?introduction de 5% de Matières grasses végétales (Mgv) autres que le
beurre de cacao, dans la fabrication du chocolat.Ce nouveau règlement qui entre en vigueur dès le 1er janvier 2025 interdira d?exportation sur le territoire européen des 27 tout produit qui ne respectera pas les règles et conditions contenues dans cette directive. Tenir la politique en dehors du monde agricole, c?est aussi reconnaître que le système actuel de commercialisation extérieur a produit de beaux fruits.
Comment expliquer le silence des protestataires au moment où les cours étaient bas et que les producteurs ivoiriens arrivaient à obtenir de meilleures rémunérations. Le ministre d?État, ministre de l?Agriculture, du Développement rural et des Productions vivrières, Kobenan Kouassi Adjoumani, l?a signifié.Le système actuel est un mécanisme d?anticipation. Il permet de prévenir les chocs, donc de protéger les cacaoculteurs. Le Conseil
du café-cacao (Ccc) est un fusible pour la filière. Ainsi, l?appréciation des cours actuellement pourrait bénéficier aux planteurs au cours de la prochaine saison.Comparaison n?est pas raisonPar ailleurs, il faut comprendre que la petite campagne, celle qui court d?avril à septembre, est généralement caractérisée par des productions de fèves de petite taille. Conséquemment, les prix généralement payés aux paysans à cette période sont plus bas. Le constat est qu?en Côte d?Ivoire, ces dernières années, le gouvernement a fait des efforts pour les maintenir au même niveau que la
campagne principale.Tout compte fait, un système est perfectible au fil des épreuves. La hausse conjoncturelle actuelle ne doit pas faire perdre la mémoire sur un mécanisme qui a fait ses preuves.On a vite fait de comparer la Côte d?Ivoire au Cameroun.
Alors que les systèmes ne sont pas les mêmes. Au Cameroun, certains producteurs de cacao, membres du réseau ?cacao d?excellence» initié par des artisans chocolatiers français avec des coopératives de producteurs camerounais, peuvent percevoir des prix intéressants parce que les cours mondiaux atteignent des niveaux extrêmement élevés depuis un an.Toutefois, la grande majorité des producteurs reçoivent un prix indicatif qui se situe entre 2000 et 2300 F Cfa le kilogramme. Pourquoi cette différence de prix ?Le «cacao d?excellence»c?est tout au plus 8 coopératives membres d?un club de chocolatiers engagés qui acceptent de payer plus chères les fèves à condition que les. producteurs et les coopératives fournissent des efforts supplémentaires pour une meilleure fermentation, un meilleur séchage et une production plus durable.Selon les données compilées par l?Office national du cacao et du café (Oncc), le Cameroun a produit 681 tonnes de cacao premium au cours de la campagne 2022-2023. Ce produit qualifié de « cacao zéro défaut » est destiné à des marchés de niche. La grande partie du cacao camerounais est payée largement en dessous des prix qui affolent aujourd?hui des Ivoiriens, avides de comparaison saisonnière.ADAMA KONÉ