jeudi 29 juillet 2010 par Nord-Sud

Tout comme ce fut le cas pour le passeport biométrique, l'acquisition de l'attestation d'identité nécessite souvent des auditions dans les commissariats de police et à l'Office national d'identification (Oni). Ces auditions, selon plusieurs témoignages, nécessitent la présence des parents, et soulèvent même la question de la nationalité.

Ce matin, devant l'entrée du commissariat du 22ème arrondissement d'Angré, deux hommes bavardent en attendant un wôrô-wôrô (véhicules de transport commun). L'un est le père et l'autre, le fils. Le père vient d'être auditionné par un policier, pour vérifier si l'intéressé est bien son fils. Au cas contraire, ce dernier risquait d'être arrêté pour faux. Cela a été prouvé, heureusement. Mais le fils, Mamadou, est furieux contre le principe de l'audition des parents. Pis, il raconte que c'est parce qu'il a un nom à consonance nordiste qu'on a fait appel à ses parents. Ce type de témoignage est récurrent. Selon des acquéreurs, certains commissaires refuseraient de signer leur attestation d'identité rien qu'en voyant leur nom. Et on leur demande de faire venir leurs parents. Récemment, mes parents ont été auditionnés au commissariat du 22ème arrondissement parce que le commissaire a estimé que mon certificat de nationalité a été faite à Tiassalé et qu'il n'avait pas la possibilité de vérifier son authenticité, raconte Diakité Mourlaye. Il n'a pas aimé cela.

Au commissariat du 8ème arrondissement, à Cocody, le problème est vécu autrement. Ce sont très souvent les acquéreurs qui s'expliquent. J'ai été amené à expliquer pourquoi mon prénom venait avant mon nom, ce qui n'est pas le cas sur mon extrait de naissance. On m'a demandé de faire un acte d'individualité au tribunal pour justifier que c'est bien moi. Je l'ai fait , explique Francis. Après cette procédure, le garçon a eu son attestation. Mais les parents sont quelques rares fois entendus. Ce qui n'est pas du goût de certains. Ce n'est pas normal qu'on fasse appel aux parents avant de délivrer une attestation d'identité, comme au passeport. Cela engendre des coûts et fait penser à la question de l' ??ivoirité'' , ajoute Hamed qui a l'habitude d'établir ses papiers au 8ème arrondissement. Il a déjà été auditionné, mais pas ses parents. A Abobo, c'est la même procédure. Au 14ème arrondissement, les parents sont quelquefois auditionnés, selon des acquéreurs. Mais c'est assez rare. On laisse le soin aux intéressés de s'expliquer, en cas de problème. Pour vérifier ces témoignages, il faut remonter le réseau.

Des commissariats s'expliquent

Ce mercredi, sous le hangar d'entrée du commissariat du 22ème, un jeune intermédiaire s'occupe des personnes qui viennent se faire établir leurs attestations d'identité. Vous avez un nom à consonance étrangère, c'est ça ? Je vous conseille d'aller dans un autre commissariat , nous déclare-t-il. Pourquoi ? Est-ce parce que dans ce commissariat on ne badine pas avec ces histoires ? Pour le savoir, nous frappons au bureau du commissaire Koné Aldebert. C'est un homme ouvert. D'abord, il ne saisit pas bien la notion d'audition. Si cela se résume à faire venir des parents pour leur montrer que le certificat de nationalité produit par leur fils est faux, alors c'est très récurent ici. L'officier sort de son tiroir une pile de dossiers, retire des faux certificats de nationalité. Ce sont des documents bloqués à leur niveau parce qu'ils sont falsifiés. Il explique les raisons qui les emmènent à faire appelle aux parents de l'acquéreur. Lorsque les gens vont établir leur certificats de nationalité à la justice, il ne veulent pas suivre le rang. C'est-à-dire, la procédure normale. Ils préfèrent traiter avec les intermédiaires pour vite avoir leur document. Or, ces intermédiaires produisent de faux documents, en imitant la signature des magistrats. Ici, je connais la signature de la plupart des magistrats. On ne peut pas me tromper , précise-t-il. Lorsque le faux certificat de nationalité arrive à son niveau, il le bloque tout d'abord. Ensuite, il fait appel au détenteur pour tenter de lui tirer les verres du nez. Mais ils refusent de nous dire qui leur établit ces faux documents . La seconde étape, c'est faire appel aux parents de l'intéressé pour les entendre. Pourquoi les parents ? Ici, on cherche à vérifier si ce n'est pas un cas de faux et usage de faux. En d'autres termes, si l'intéressé n'a pas usurpé sa nationalité, ce qui pourrait conduire à son arrestation. Si les parents arrivent à prouver que c'est leurs enfants, on dit tout simplement à l'intéressé d'aller se faire une autre attestation d'identité , ajoute le commissaire. Au cas contraire, on l'enferme. En dehors de ce cas, les parents peuvent être aussi entendus dans deux autres circonstances. Si le nom et le prénom sur le certificat de nationalité sont inversés par rapport à celui sur l'extrait de naissance. Les parents doivent attester que c'est bien leur enfant. Puis, on demande à l'intéressé de fournir un acte d'individualité qu'il va chercher à la justice . Le troisième cas, ce sont les ratures. S'il est constaté des ratures sur le certificat de nationalité, on fait également appel aux géniteurs. Le commissaire fait cette précision concernant la question de l' ??ivoirité'' : La police ne s'occupe pas de la question de nationalité des personnes qui viennent faire leurs attestations d'identité. Et on ne peut pas refouler, dit-il, quelqu'un parce qu'il a un nom à consonance étrangère, si son certificat de nationalité est authentique. C'est le rôle de la justice, ça. Au contraire, on nous reproche parfois notre indolence vis-à-vis des intéressés, quand nous les laissons partir après qu'il ait fournis des documents falsifiés . Au 8ème arrondissement, le secrétariat du commissaire qui s'occupe des attestations d'identité, ne procède pas tout à fait de la même façon. Ici, on n'écoute que l'intéressé. Les parents n'ont rien à voir là-dedans, indique un policier. Mais l'un des policiers affirme qu'ils ont déjà entendu un parent parce que le nom donné par l'intéressé était complètement différent du nom porté sur le certificat de nationalité. Ce dernier a été coffré.

A l'Oni, où ces cas sont aussi fréquents, les responsables du service communication ont promis réagir aujourd'hui.


Raphaël Tanoh

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