lundi 16 août 2010 par Le Patriote

Du 02 au 12 août dernier, 10 jours. Après 10 jours d'humiliation, de frustrations et de privation dans les geôles de la gendarmerie de San-Pedro et les sombres murs de la prison civile de Sassandra, dame Bamba Sanata recouvre enfin la liberté dans l'après midi de ce 12 août 2010. Libre et blanchie de toute accusation de fraude sur la nationalité qui l'avait conduite en ces lieux sordides. L'ivoirienne Bamba Sanata, n'en déplaise aux ivoiritaires, raconte sa mésaventure.

Le Patriote : Mme, présentez-vous et racontez-nous ce qui s'est passé à Goh, village de la sous préfecture de Doba, département de San-Pedro où vous résidez.
Bamba Sanata: Je me nomme Bamba Sanata, ivoirienne, originaire de Ouangolodougou. Mon époux, Bamba Souleymane est malien et n'a jamais tenté de changer quoi que ce soit en cela. Le 02 août dernier, j'avais envoyé mon fils Bamba Djibril me faire des achats à Touih. C'est au cours de ce voyage qu'un gendarme, pendant un contrôle à Kouassi-kouassikro, l'accuse de posséder de faux papiers ivoiriens. Il le fait descendre du véhicule, lui passe les menottes et le maintien près de lui pour continuer son contrôle, selon ce que m'a raconté mon fils. D'explications en explications, il apprend que le père de mon fils, Bamba Souleymane, mon époux, est malien et que moi sa mère, je suis ivoirienne. C'est qui lui donne le droit de prendre la nationalité ivoirienne à partir de mes papiers. Pas convaincu, le MDL Konan Auguste (c'est plus tard qu'on m'a donné son nom), se déporte à notre domicile avec mon fils toujours menottes aux poignets comme un voleur.

LP: Une fois chez vous, que fait le MDL Konan Auguste?
B.S. : Il m'a demandé si le jeune qui l'accompagne est mon fils? Après lui avoir répondu par l'affirmative, il a voulu savoir comment mon fils a eu des papiers ivoiriens? Je lui ai répondu qu'étant ivoirienne, c'est par mes papiers que mon fils a obtenu les siens. Il me demande de lui présenter les miens. De l'acte de naissance au certificat de nationalité avec des papiers de mes parents, je lui présente le tout. Il se braque et affirme qu'ils sont aussi faux que ceux de mon fils. De là, il nous fait déporter au quartier Bakoué, chez le chef. Là, un jeune Bakoué, Youkou Laurent Hyppolite, président des jeunes et Gogbeu Gagnié Augustin, adjoint au chef, témoignent pour nous accuser d'être des Maliens, puisque mon époux est Malien. Mon époux qui était au champ est appelé. Arrivé, il soutient qu'il est malien et présente ses papiers. Il témoigne que moi Sanata, son épouse, suis ivoirienne. Rien n'y fit. Je suis à mon tour menottée devant tout le village comme une voleuse. Quelle honte ! Nous avons été transportés dans un véhicule pour nous déposer sur la route de Kpakobo, attendant un autre pour San-Pedro, toujours menottés. Arrivés à San-Pedro, nous avons été mis en boite, sans manger. Est-ce que celui qui est détenu doit être privé de nourriture ? Un jeune, Ouattara Adama, a remis 5000 FCFA à un gendarme pour nous les remettre. J'ai assisté à la scène de ma cellule. Le gendarme a fait la monnaie, remis 2000 F à une copine à lui et a garder le reste de l'argent sans nous le remettre. Il y a eu des moments d'intimidation où l'on nous demandait d'avouer que nous sommes maliens et que tout allait se terminer. Nous avons passé une période de galère du lundi 02 au lundi 09 août, avant d'être déférés à Sassandra.

LP: A Sassandra, comment les choses se sont-elles passées?
B.S.: A Sassandra, nous avons passé 03 jours à la prison civile. C'est le jeudi 12 que nous avons été jugés. Les deux témoins à charge du village n'ont pas été suivis par le procureur. L'un a changé de version en disant qu'il sait que mon mari est malien mais qu'il ignore mon cas. Après avoir vu tous mes papiers, le juge a trouvé que j'étais ivoirienne. L'affaire a été ensuite plus axée sur l'établissement des papiers de mon fils. Le juge a trouvé que la procédure n'a pas été suivie et que mon fils a remis de l'argent pour obtenir ses papiers. Il a donc été condamné à 1 mois de prison ferme avec une amande de 30 000fcfa. Les fameux témoins ont quitté les lieux avant la fin de l'audience. Surtout que leur témoignage a été battu en brèche par l'orientation des débats. Le juge leur a fait savoir qu'on était là pour une affaire de faux et usage de faux et non pour une affaire de nationalité.

LP: Vous êtes ivoirienne comme l'a reconnu le juge et vous êtes libre. Quels sentiments vous animent et quel message ?
B.S.: Je suis à la fois heureuse et triste. Heureuse parce que tout le monde sait aujourd'hui que je ne suis pas une fraudeuse et que je suis bel et bien Ivoirienne. Dès mon retour au village, j'ai été accueillie par tous. J'ai serré beaucoup de mains et fait beaucoup d'accolades. Triste, parce qu'une mère ne peut que l'être en sachant son fils est en prison. Surtout qu'en tant qu'analphabète, nous ne savions pas comment procéder pour ses papiers. Triste aussi quand je pense que des gens se braquent pour rien, contre leurs frères. Apprenons à nous connaitre et on se comprendra pour s'aimer d'avantage les uns, les autres. Aux autorités compétentes, je souhaite qu'elles jettent un regard sur les agissements antirépublicains de certains gendarmes dans nos zones. Chaque fois, ce sont eux qui arrêtent des citoyens pour faux papiers pour qu'en retour, certains leur remettent de l'argent. Il faut que cela change. Je voudrais dire un grand merci au jeune Coulibaly Abou, instituteur, sympathisant du Mouvement Ivoirien des Droits de l'Homme (MIDH) qui nous a soutenus moralement et matériellement pendant ces moments difficiles. Que Dieu le lui rende au centuple.
SORY B.

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