lundi 23 août 2010 par L'intelligent d'Abidjan

A la tête de l'école de danse et d'échanges culturels (EDEC) de Rose-Marie Guiraud depuis 1998, Guei Kayor Alphonse dépeint dans cet entretien avec L'IA, les difficultés de son centre ainsi que les tares de l'art et de la culture en Côte d'Ivoire.

Nous avons visité l'EDEC et nous avons constaté que l'école a perdu son lustre d'antan. A quoi cela est-il dû ?
Le changement le plus crucial chez nous, c'est l'ambiance et l'émotion qui régnaient autrefois car, il nous manque la chaleur et l'affection maternelles que nous procurait notre mère Rose Marie Guiraud quant elle était présente. N'oubliez pas que notre mère est la pionnière de la danse et première chorégraphe de l'Afrique de l'ouest. Nous ne pouvons pas être plus royalistes que la reine. Avant son départ, aux USA, beaucoup de travaux étaient en suspensions. Je parle d'un centre commercial artistique, d'un auditorium de 2000 places avec un podium y compris un sous- sol comprenant des vestiaires, une cafétéria et d'autres accessoires, de deux bâtiments de trois classes chacun. Grâce à des partenaires nous avons réhabilité des dortoirs, la maison verte ( bâtiment mère ) comprenant quatre grandes salles polyvalentes, un musée deux salles d'audio-visuelles, des toilettes et la direction. En résumé, tout ce que vous voyez aujourd'hui briller est fait avec nos moyens de bord renforcés par nos partenaires. Quand on n'a pas le pouvoir d'acquérir de nouvelles choses, il faut savoir conserver le peu qu'on a. Quand Rose Marie Guiraud était là, les moyens avec lesquels elle travaillait en plus de sa personne physique donnaient une influence dans son ensemble. A cela s'ajoute-le fait que l'école n'a pas de subvention de l'Etat et les parents qui sont venus inscrire leurs enfants ont quasiment démissionné, personne ne paie et toutes les charges reposent sur la fondation Rose Marie Guiraud. Mais ce qui est marrant c'est que, quand il s'agit de leur santé et autres responsabilités, c'est l'EDEC qui s'en charge. Mais quand ces mêmes guirivoires trouvent le chemin de l'hexagone, les chèques sont destinés aux parents. Ils oublient totalement l'école et sa fondatrice autrefois mère de ces orphelins Guirivoires . Si les élèves que nous avons formés et qui sont partout dans le monde faisaient un geste, la fondation et l'école de danse ne seraient pas dans cet état.

Mais comment arrivez-vous à vivre ?
Nous arrivons tant bien que mal à faire face aux charges grâce aux petits contrats qui nous parviennent de temps à autre. Mais ce n'est pas suffisant il faut beaucoup de moyens. Ce qui veut dire que nous avons besoin de bailleurs de fonds et surtout de l'Etat, précisément le ministère de la Culture et la Francophonie.

Est-ce à dire que la renommée de l'EDEC était seulement liée à la personnalité de Rose Marie Guiraud ?
Vous savez en Afrique, il y a la personne elle-même. Mais en Europe, après la création d'une école de ce genre, l'Etat subventionne et suit. Or en Côte d'Ivoire, quand tu voyages, c'est synonyme d'une mort, les gens t'oublient. Ici la nature à vraiment horreur du vide. Et c'est ça le problème. On ne doit pas cacher le soleil avec la main. L'état de l'EDEC est dû à l'absence de sa fondatrice mais également à l'ignorance de ceux qui y ont été formés.

En 2006 l'école a participé à un concours et aurait reçu un chèque. Qu'en est-il réellement ?
Nous avons effectivement participé à un concours ?'Passionaria'' sponsorisé par une société de téléphonie mobile. l'EDEC y a participé et a remporté le premier prix avec Marie Lyne Guiraud, fille de Rose Marie Guiraud. Il était dit en fait qu'après la victoire, le sponsor devrait réaliser le projet de ton rêve. Marilyne a donc opté pour la réhabilitation de l'école de sa mère qui est l'EDEC. On ne nous a pas remis de chèque. La compagnie de téléphonie mobile sponsor de l'évènement, s'est chargée elle-même de fournir ses entrepreneurs et des matériaux pour la réhabilitation, et c'est ce qui a été fait. La maison mère a été réhabilitée, ensuite l'espace vert a été refait. Le sponsor est revenu équiper les dortoirs et les cases. Nous avons reçu des matelas, des lits etc. Pour nous, les promesses ont été tenues.

Où est Marilyne Guiraud ?
Marilyne est là et se porte très bien.

Et que fait-elle présentement ?
Elle continue toujours d'exercer dans les activités artistiques.

Vous avez annoncé l'arrivée de Rose Marie Guiraud et la signature d'une convention. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Après 12 ans d'absence due à une maladie qui ne pouvait se traiter que dans les pays développés, Rose Marie Guiraud revient. Elle a rendu service à la Côte d'Ivoire, il faut lui rendre hommage, lui dire merci. C'est ce que nous allons faire avec tous ses élèves et stagiaires même les anciens un peu partout dans le monde. Les festivités se feront du 1er Février au 4 Mars 2011. Nous allons sillonner la Côte d'Ivoire et la sous région de l'Afrique de l'ouest c`est-à-dire au Burkina, Mali, Ghana Bénin...En effet cette convention était prévue du 01 au 31 Aout 2010 mais a été reportée pour raison de calendrier trop chargé de nos partenaires.

Concrètement, avec qui allez vous signer la convention ?
Avec tous nos partenaires qui ont fait une partie des travaux à la place de l'Etat. Nous joignons également les guirivoires, les stagiaires de l'EDEC qui continuent l'?uvre de Rose-Marie Guiraud et tous les anciens en Europe, en Asie en Amérique et en Afrique et surtout en Côte d'Ivoire.

De façon succincte, faites nous votre bilan depuis votre prise de fonction jusqu'à ce jour.
Mon bilan, je le laisse à l'appréciation de tous ceux qui côtoient l'EDEC. En ce qui me concerne, je n'ai pas encore atteint mon objectif, faute de moyens. J'aurais voulu que tous les partenaires, l'Etat de la Côte d'Ivoire, les bailleurs de fonds d'horizons divers aident la fondation Rose Marie Guiraud. Que tous les Guirivoires aient à manger que la Troupe soit de plus en plus sollicitée. J'atteindrai mon objectif quand l'EDEC retrouvera sa place d'antan et quand les constructions seront achevées et surtout quand notre Mère sera de retour en possession de ses moyens physiques et moraux.

Pensez vous qu'en Côte d'Ivoire l'Art nourrit son Homme ?
En principe l'Art devrait nourrir son Homme chez nous. Mais il y a des éléments qui jouent contre nous dont le manque d'organisation, de moyens et par la faute de nos devanciers. Voyez le Burida, il n'y a pas encore de solutions aux problèmes des artistes. Depuis que Rose Marie Guiraud est allée aux Etats-Unis, nous sommes laissés pour compte. C'est un patrimoine international qui se meurt. Il faut savoir également que c'est la promotion de l'Art qui fait l'Art et c'est ce qui manque chez nous

P.A.T

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