lundi 23 août 2010 par Nord-Sud

Mercredi 4 août, il est 9 heures, nous embarquons à bord d'un taxi-brousse de la ville de Grand-Bassam pour nous rendre à Modeste, village situé à environ 4 km de là sur la route d'Abidjan. Après la traversée d'une partie de la cocoteraie, qui borde la voie express, nous voilà au carrefour de Modeste près de la route d'Azuretti. Sur la voie, on y trouve des vendeurs de pailles, de nasses et de paniers. Des bouteilles remplies de cacahuettes ou d'arachides occupent des étals entiers. En tous cas, il y a de quoi amuser la gueule . Renseignement pris, K.T, un maraîcher nous conduit jusqu'à la parcelle du vieux Guindo . Après deux Km de route, nous y sommes enfin au nord de Modeste dans une zone marécageuse. Non loin de là, à gauche, se trouve une carrière ; juste en face, à une distance négligeable, un bas-fond. La parcelle est grande d'environ 50m2. Sur chaque portion de terre, le vieux Guindo avait ensemencé quelques grains de cultures maraîchères. C'était sa nouvelle trouvaille, ce champ où il est mort. La tête tranchée par son fils Youssouf Guindo. De là, nous mettons le cap sur le village où nous allons chercher la famille Guindo. Elle habite non loin du carrefour de Modeste-route d'Azuretti. La cour familiale est entourée de feuilles sèches de cocotiers, et c'est un calme plat qui y règne. A l'intérieur de la cour, des dépendantes de fortune. Du sable gros grain revêt la cour et même l'intérieur. A côté, une vendeuse de légumes expose sa marchandise. Quelque temps après notre arrivée, nous sommes immédiatement accueillies par Mariam Guindo, l'une des filles aînées du vieux Guindo Arouna. Elle nous donne asseoir. Puis, nous demande des nouvelles à la manière africaine. Mais notre visite, nous laissera sur notre faim. Mariam Guindo parlera simplement de la douleur qu'elle ressent quant au décès brutal de son père et pas plus. Notre tentative de lui arracher quelques mots sera vaine. Mme Guindo Alima, la veuve du vieux Guindo Arouna, a préféré s'enfermer à double tour. Nous avons compris que nous étions des visiteurs indésirables. Quand survient un habitant du village qui nous indique la cour d'un des fils du vieux Guindo. Nous empruntons le couloir à droite. Au bout de celui-ci, nous voilà nez à nez avec Guindo Nouffou ; celui à qui nous allons rendre visite est en train de prier. Il s'est prosterné sur un tapis (Noudjoud) priant Allah. Nous sommes autour de 16 heures. Arouna, un ami de la famille prend également part à la prière.

Rien ne présageait cela.

Guindo Brahima, le frère cadet de Nouffou, est assis sur sa natte méditant et égrenant son chapelet (Zikr) nous cède sa place. Et accepte de nous parler de son frère Guindo Youssouf, l'assassin de leur père. Il est rejoint après par son frère aîné Nouffou, lui aussi est maraîcher. Mon frère cadet est le 7ème enfant d'une famille de 12 enfants. Il est lui aussi maraîcher. Sa parcelle est un peu éloignée de celle de notre père. Youssouf a fait l'école coranique pendant 6 ans. Il était tout le temps avec le vieux. Et ne manquait aucune prière. Il était très assidu et aidait le vieux à diriger la prière dans une baraque de fortune car notre père était un fervent croyant. Souvent, il lui arrivait de jouer les prédicateurs. On se plaignait parfois de ses longues prêches. Outre la prière à laquelle Youssouf marquait un pieux attachement, il aimait son boulot de maraîcher et aidait volontiers le vieux dans sa parcelle , conte-t-il. Et d'ajouter que Youssouf est plus ou moins d'un tempérament calme. Parfois ce que je déplorais chez lui, ce sont ses palabres avec le vieux. Souvent, il s'emportait un peu trop. Youssouf n'a ni femme, ni enfant, puis il marque un silence, histoire de faire passer la douleur qu'il ressent encore en lui. Il poursuit : jusqu'aujourd'hui, nous nous posons la question de savoir pourquoi il a tué notre père. Rien ne présageait cela, vu l'harmonie qui régnait au sein de notre famille. Le jour du meurtre, il était allé avec papa dans la parcelle pour lui prêter main forte. Moi j'étais au boulot à Abidjan. Je suis mécanicien. Lorsque le drame s'est produit, j'ai été informé et je suis venu précipitamment à la maison pour vérifier la mauvaise nouvelle. Une fois descendu du véhicule, c'est une foule de gens en émoi que j'ai vue devant notre cour. Mon frère Youssouf était entre les mains des villageois. Le premier mot que j'ai pu sortir de la bouche, est-ce vraiment lui l'auteur du crime ? Il a répondu par l'affirmative. A l'instant, j'ai cru que le ciel allait nous tomber dessus, c'était terrible , raconte-t-il en marquant à nouveau un silence. Nouffou, son frère, très avare en mots, ne dira pas grand'chose. A l'en croire, Youssouf, le meurtrier était en de bons termes avec leur père. Youssouf était tout le temps aux côtés de nos pères. On pourrait dire que c'est l'enfant gâté et l'enfant chéri. Le vieux le défendait sans réserve malgré ses prises de bec avec son entourage, coupe-t-il court avant de prendre congé de nous. Guindo Brahima reprend les échanges là où il les avait laissés. J'ai fait appel à un ami imam, qui est venu soutenir la famille. Les gendarmes informés se sont rendus rapidement sur les lieux. Ils ont pris Youssouf et l'ont conduit à leur poste. Quand nous sommes retournés sur les lieux du crime pour veiller le corps de notre papa en attendant que la gendarmerie revienne le lendemain pour le constat à cause de la pénombre, ça n'a pas été facile ; nous avons allumé un feu pour nous éclairer. Le choc était

le village de Modeste a vécu l'horreur

total, nous avons veillé toute la nuit littéralement dévorés par la douleur. Le lendemain, tôt le matin la gendarmerie est venue pour le constat d'usage avant de nous remettre le corps. Et nous avons procédé à des cérémonies religieuses avant son inhumation. C'est difficile, ce que nous traversons. Notre belle mère Guindo Alima est encore sous le choc. Elle n'ose pas dire un mot , puis notre hôte prend congé de nous. Nous ressortons de la cour, et non loin de là, A. C, un gérant de cabine, accepte également de nous parler sous le sceau de l'anonymat. Ces propos ne varient pas ce jeune garçon, Youssouf, semble poli. Je le vois souvent passer devant ma cabine mais son histoire nous étonne tous , souligne-t-il en hochant la tête. Tout comme lui, nos interlocuteurs émettent beaucoup de réserves. M. S, un voisin de la famille Guindo est sans appel Youssouf est bruyant et très agité, en témoigne les nombreux palabres avec son géniteur. Notre interlocuteur ne veut pas nous en dire plus. C. O la soixantaine et T.B la trentaine sont les deux dames qui ont fait la découverte macabre, le samedi 31 juillet autour de 17h30. Les deux vaillantes dames sont des tresseuses de pailles. Elles bravent les intempéries pour aller couper et tresser des pailles afin de subvenir aux besoins de leurs familles. Ce sont elles qui ont portés la triste nouvelle au village. Nous les avons approchées pour en savoir davantage. Nous avons l'habitude d'aller chercher les pailles. Ce samedi, nous nous sommes rendues dans la cocoteraie pour vaquer à nos occupations. C'est sur le chemin du retour que nous avons découvert le corps sans vie et étêté du vieux Guindo allongé à même le sol dans sa parcelle. C'est effroyable. Apeurées, nous sommes allées informer le village , expliquent-elles et pas plus. A la gendarmerie où Youssouf était en garde à vue, il était souvent agité, explique l'un de ses proches, au point où il s'en prenait souvent aux autres prisonniers. Pour sûr, l'enquête menée par la gendarmerie pour connaître le mobile de l'assassinat n'a pas livré ses secrets. Guindo Youssouf n'a pas pipé un seul mot vaillant. Il a été conduit au parquet, puis déféré. L'affaire est donc aux mains du parquet. Pour rappel, Guindo Arouna, maraîcher, a trouvé la mort dans des conditions atroces. Il a été décapité le samedi 31 juillet par son fils Guindo Youssouf, 27 ans, à l'aide d'une machette. Le crime s'est produit dans sa parcelle au nord de Modeste à deux Km de la voie express. Le mobile de l'assassinat du vieux Guindo 61 ans demeure un mystère. Son assassin de fils entretient le secret. On Attend toujours de savoir.

Emmanuelle Kanga à Grand-Bassam

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