mercredi 25 août 2010 par Nord-Sud

La crise pour le contrôle de l'Interprofession du cajou constitue une certaine menace pour les acteurs à la base.

Les agriculteurs sont de nouveau sur la sellette. La filière anacarde se retrouve, une fois encore, propulsée sur le front des conflits interminables. La crise de leadership qui sévit au sein de l'Interprofession du cajou (Intercajou) risque de perturber d'une manière ou d'une autre le bon déroulement de la campagne à venir. Dans cette structure chargée de fixer les prix, l'imbroglio le dispute à la cacophonie. Quelques jours seulement après sa décision de réinstallation, le président Abdoulaye Touré a porté plainte contre l'ancienne équipe dirigée par Bassifou Ouattara pour vol d'une partie du patrimoine de l'Intercajou. Mais contre toute attente, celui-ci vient d'obtenir une autre décision d'annulation de l'arrêt qui l'avait éjecté du fauteuil de président du conseil d'administration. Même si l'ouverture de la campagne est encore bien loin, beaucoup d'organisations paysannes craignent que toute cette anarchie influence négativement la filière. L'inquiétude est d'autant grande que, pour eux, une agriculture en crise et des agriculteurs en difficultés, c'est l'ensemble du monde rural qui descend aux enfers. Nous avons abandonné le coton pour la noix de cajou. Si le désordre arrive encore dans ce secteur qui nous a donné autant d'espoir, je ne sais plus où on va , se désole Karna Ouattara, membre de la coopérative agricole de Tioro. Sous son impulsion, les groupements et autres coopératives s'organisent pour minimiser l'impact des déchirements à la tête de l'interprofession. Le président de l'Organisation non-gouvernementale Action pour une agriculture propre de Booko, Bakary Traoré, qui milite pour la garantie d'une agriculture de qualité, durable et protégée, est solidaire des difficultés des agriculteurs et partage leurs inquiétudes quant à la crise touchant l'activité fondamentale et le développement du secteur. Un secteur en pleine croissance avec aujourd'hui plus de 320.000 tonnes de noix mises à la vente annuellement. Pour lui, ce ne sont pas simplement les batailles de positionnement qui règleront les problèmes de la noix de cajou mais la prise en compte effective des préoccupations des paysans notamment la question des prix. C'est l'intervention sur la production et les marchés, par la régulation doublée d'une gestion concertée, qui permettra de garantir durablement des prix convenables et rémunérateurs afin que les agriculteurs puissent vivre dignement de leur métier , explique M. Traoré. Aussi, en appelle-t-il le gouvernement et les pouvoirs publics à mettre de l'ordre dans la filière d'autant qu'il y va de la survie de nombreux producteurs.

Mettre un holà !

Les conflits concernent toujours les producteurs. Or, ce sont eux qui occupent la présidence du conseil d'administration. Quand il y a problème, le risque est grand que les producteurs soient à la merci des autres que sont les transformateurs et les exportateurs, souligne Nourlogo Silué, président de coopérative à Kanakono. Pour Mory Bamba, secrétaire exécutif de la coopérative Baara d'Odienné, il est également regrettable que, par défaut, la mise en vente soit assez libertaire. Il est illusoire d'espérer empêcher un paysan de vendre ses produits, fait observer Samouka Diomandé, responsable de coopérative à Touba. D'ores et déjà, le président de l'Autorité de régulation coton-anacarde (Areca), Mapri Kpolo, a averti que les difficultés au sein de l'Intercajou ne devraient pas mettre à mal l'ensemble de la filière. Une lecture assez cohérente d'autant qu'en ce qui concerne la récolte, cela reste de la responsabilité du paysan. En effet, il revient à chacun des paysans d'améliorer les techniques culturales et surtout de choisir quand il vendra ses récoltes, en ayant conscience des conséquences éventuelles. Des options existent afin de restreindre la vulnérabilité des paysans aux aléas des acheteurs véreux et des turpides au sein de l'Interprofession. Avant tout, il ne faut pas être effrayé par la crise de leadership. L'important, affirme Nailor Gnansounou expert au Cashew Office , une structure d'intermédiation basée à Bombay en Inde, est en train de discuter avec le producteur de ce qu'il peut et ne peut pas faire. D'autres préconisent la rétention au cas où. Sur ce volet, nombreux sont les facteurs qui alimentent la crainte des paysans. L'une des raisons tient au fait que, les années précédentes, certaines zones n'ont pas été suffisamment prises en compte dans la compensation de la rétention. Dimbokro fait partie de ces zones peu encouragées. Les produits sont restés sous les bras. Et pourtant, la question de l'anacarde y occupe une place incontournable et stratégique. Incontournable parce que la noix de cajou joue un rôle fondamental dans les équilibres socioéconomiques. Stratégique, parce que de son évolution et de son traitement, dépendent des circuits commerciaux forts pour la renaissance de la région.

Lanciné Bakayoko

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