vendredi 27 août 2010 par Nord-Sud

Le député Masséni Bamba a fait adopter par le parlement une proposition de résolution pour amener le pays à durcir le ton face aux mutilations génitales. Elle explique, dans cette interview, les motivations de son action.

Mme le député, qu'est-ce qui vous a amené à prendre cette proposition de résolution pour lutter contre les mutilations génitales? La Côte d'Ivoire dispose déjà d'une loi pour éradiquer ce fléau.
Le parlement a pris à l'assemblée générale cette proposition de résolution pour soutenir une déclaration de l'Organisation des Nations Unies (Onu) sur l'interdiction définitive des mutilations génitales. Cette déclaration sera faite en septembre. Tous les parlements africains qui ont eu à voter une loi contre les mutilations génitales ou qui ont des projets de loi concernant cette pratique, doivent soutenir l'Onu. C'est ainsi qu'en Côte d'Ivoire, les parlementaires ont adopté cette résolution.

Qu'est-ce que c'est ?
Les mutilations génitales constituent une privation de droit à la femme, avec des conséquences psychologiques et médicales. Nous avons essayé de mener la lutte au niveau des différents Etats, et nous avons constaté que, malgré les lois, les gens continuent de se cacher pour opérer cette pratique. Au vue de cela, l'Onu s'est saisie du problème en proposant une structure pour les Etats où se pratiquent les mutilations génitales. Au sortir de sa déclaration en septembre, les Etats qui ont déjà des lois, vont continuer la sensibilisation avec des sanctions, pour dissuader les personnes qui font ces pratiques.

En gros ?
Les pays qui ont pris des lois contre l'excision, décident de s'associer pour soutenir par toutes les voies, l'Onu dans sa déclaration pour l'interdiction définitive des mutilations génitales.

Combien de pays soutiennent la résolution ?
Sur les 28 pays qui ont voté des lois sur les mutilations génitales, ou pris des projets de loi, il y a 13 qui soutiennent la proposition de résolution, pour l'instant. Mais il y a des pays qui vont s'ajouter à la liste au fur et à mesure.

Cette résolution va-t-elle apporter un changement au niveau des sanctions ?
La loi contre les mutilations génitales a été votée en 1998, en Côte d'Ivoire, mais il n'y a pas encore de sanctions. Dans le cas d'espèce, le président doit prendre un décret d'application. Pour l'instant, les gens vont sur le terrain avec l'idée que la loi a été votée.

Quels types de sanctions cette loi a-t-elle prévues ?
Il y a l'emprisonnement et des amendes.

Y a-t-il déjà eu des cas d'emprisonnement ?
Pas à ma connaissance.

N'est-ce pas un manque de volonté politique ?
C'est un problème humain, et puis, c'est lié à la culture. Si on saisit des personnes qui pratiquent l'excision, qu'on leur brandit les peines d'emprisonnement, ce sera difficile. Il faut les dissuader par la sensibilisation.

Pensez-vous apporter un souffle nouveau avec cette résolution prise en prélude à la déclaration de l'Onu sur l'interdiction définitive des mutilations génitales ?
Nous l'espérons bien. Ce qu'il faut, c'est aller vers les personnes qui pratiquent l'excision, pour leur montrer les conséquences de leurs actes plutôt que de brandir la loi. C'est vrai qu'avant que cette loi ne soit votée en 1998, il y a eu une grande sensibilisation, mais, ç'a été le silence après.

Avec cette déclaration de l'Onu, qu'est-ce qu'il y aura de nouveau sur le terrain, par rapport aux actions précédentes que vous avez menées?
L'implication de l'Onu rassure les Etats qui ont pris des lois contre les mutilations génitales. Mais il faut que ce soit clair. L'Onu ne fera rien sur le terrain, ce sera à ces Etats de changer les choses par eux-mêmes. C'est vrai que nous avons le soutien international, mais c'est nous que cela concerne en premier lieu, c'est à nous de continuer le combat.
Il faut savoir que les gens tentent maintenant d'outrepasser la loi. Ils n'attendent même plus que la fille soit grande. Dès la naissance, de façon insidieuse, on l'excise. Il faut dénoncer ces personnes.

Peut-on avoir une idée de l'ampleur de l'excision dans le pays ?
Je n'ai pas de chiffre, mais les régions du nord et de l'ouest sont les plus touchées par le phénomène.

Pensez-vous que la campagne de sensibilisation, à elle seule, pourra amener les gens à changer de mentalité ?
Je le pense. Parce que les gens lient ces choses à la culture. Il faut les amener à comprendre les conséquences de l'excision. Au nom de quoi faut-il enlever un organe une personne ?

Y a-t-il eu un repli depuis 1998 ?
Oui, il faut le dire. Mais les associations de lutte contre les mutilations génitales n'ont pas continué le travail comme il se doit. Et les pratiquants se cachent pour exciser.

A quel point l'Etat s'est-il impliqué dans l'éradication du fléau ?
Ce n'est pas l'Etat qui doit aller sur le terrain, mais la société civile. C'est elle qui a pris ce problème à bras le corps.

Cette société civile a-t-elle les moyens pour agir efficacement sur le terrain ?
Elle doit rechercher les moyens.

Est-ce que l'Etat accompagne les Ong qui luttent contre l'excision ?
En principe, l'Etat doit les accompagner. Et je pense qu'il les accompagne à travers des structures telles que le ministère de la Femme, de la famille et des affaires sociales.

Pensez-vous que l'éradication des mutilations génitales en Côte d'Ivoire est pour bientôt ?
Je le pense. Je suis optimiste. Avec la scolarisation, les pratiques ont un peu baissé.

Dans combien d'années la fin de l'excision ?
Dans 5 ans, pourquoi pas.

Interwiew réalisée par Raphaël Tanoh

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