jeudi 23 septembre 2010 par Nord-Sud

Même si l'on observe une relative embellie au niveau du coton, les paysans ne sont pas prêts d'oublier les déceptions de cette spéculation. Ils scrutent d'autres horizons notamment le riz et l'oignon. Les premières expériences sont prometteuses.

Le coton et l'anacarde retrouvent des fleurs mais les paysans de la région du Bafing sont hésitants. Ces deux spéculations ont laissé de mauvais souvenirs aux producteurs dont certains continuent encore de payer les dettes. IIs n'ont pas été souvent bien rémunérés. La plupart d'entre eux se sont orientés vers d'autres secteurs plus porteurs notamment le riz et l'oignon. La nourriture marche toujours parce que les gens sont obligés de se nourrir, fait remarquer Maniga Traoré, producteur à Santa. Aujourd'hui, le potentiel rizicole de la région du Bafing est des plus importants. Il est estimé globalement à plus de 780.000 hectares dont 157. 000 hectares de plaines et 23.000 hectares de bas-fonds. D'après les chiffres du recensement agricole, la production du riz de bas-fond serait passée de 50.000 à 63.000 tonnes en 2009, soit une augmentation de 6 % par an. Mais, selon le directeur départemental de l'agriculture, Youssouf Touré, cette production est caractérisée par sa dispersion. Les principales productions se situent dans les zones sous influence de la mousson.

63.000 tonnes de riz par an

N'empêche, les paysans s'essaient à toutes les variétés pour rester dans le tempo. En effet, quatre types de rizicultures sont pratiqués dans la région. Pour Simon-Pierre Konan, ingénieur agronome, le riz de mangrove est le plus ancien. Il est pratiqué dans les plaines qui longent le fleuve Bafing et ses principaux affluents. Ce riz, essentiellement produit sur les coteaux et dans les bas-fonds, est souvent associé, dans des systèmes de polyculture vivrière pluviale, après défriche-brûlis, au manioc et à l'igname. Sa principale destination est l'autoconsommation , révèle Moussa Cissé, agent d'encadrement agricole à Niokosso. Préféré au riz de coteau par les consommateurs, le riz de bas-fond est en grande partie commercialisé. Selon le technicien, la production entre dans le cadre de systèmes qui lui associent, au sein des exploitations, des cultures pérennes, comme le cajou ou le coton. Même s'ils sont en relatif déclin, ces dernières occupent une place non-négligeable, tant dans les travaux agricoles que dans les revenus des ménages. En outre, lorsque les bas-fonds sont aménagés, ce sont de nouvelles cultures de fruits et légumes, jugées plus rentables, qui en bénéficient aussi. Toute cette dynamique a permis aux acteurs du riz de réorganiser rapidement les flux et les circuits commerciaux. Nous avons eu des difficultés pour le coton. Mais avec le riz, nous voulons être plus rémunérés , explique le président de la coopérative de Famoci, Anliou Bamba. En aval, les grossistes pratiquent du crédit, par exemple. Mais cela ne va pas sans heurt. Selon ces grossistes interrogés, le non-remboursement fréquent des crédits fragilise leur activité. Par ailleurs, la production de riz est très dépendante des aléas climatiques et la croissance observée, peut chuter brusquement à la suite de mauvaises conditions météorologiques. De même, elle est très sensible à l'état du marché. Ainsi, la baisse des prix constatée peut entraîner une réduction des superficies ensemencées.


Préférence extensive

Il convient de souligner que l'augmentation des ventes, liée à une forte croissance de la production, résulte beaucoup plus d'une extension des superficies cultivées que d'une élévation des rendements, confirmant la préférence des agriculteurs, une fois de plus, pour des systèmes extensifs, au détriment d'une intensification risquée et exigeante en travail. Mais pour le coordonnateur du projet Riz pour tous , Gilbert Amanfo, l'essor du riz dans la région est plus le résultat de dynamiques endogènes des agriculteurs que la conséquence des opérations de développement, initiées par les autorités. Celles-ci ont porté leurs efforts sur une intensification des systèmes de production appuyée sur l'irrigation, qui ont connu de nombreuses difficultés, quand elles ne se sont pas soldées par des échecs. Néanmoins, des progrès notamment dans la transformation du paddy, ont été réalisés. Le décorticage qui était essentiellement manuel est de plus en plus mécanisé grâce à un accès facilité à des décortiqueuses mécaniques. Le parc de décortiqueuses s'est amélioré avec la contrebande guinéenne. Leur diffusion permet d'abaisser le prix de revient du riz et de mettre sur le marché des quantités accrues , analyse M. Amonfo. Ces évolutions s'expliquent en grande partie par le dynamisme des réseaux commerciaux. Un indicateur de cette structuration de l'activité commerciale : l'augmentation du nombre d'opérateurs et l'apparition de nouveaux types d'acteurs, les détaillantes-collectrices d'une part, et les grossistes-collecteurs d'autre part. Les femmes achètent le riz aux paysans-producteurs et le revendent au détail, à la mesure. Par ailleurs, le développement d'activités de grossistes-collecteurs de produits vivriers en provenance de Guinée a conduit à la création d'un nouveau marché. Ces grossistes achètent aux collecteurs dans les marchés de regroupement et aux producteurs dans les villages et marchés de collecte. Toutefois, les opérateurs interrogés expriment des contraintes de financement pour s'approvisionner en riz local. Beaucoup de grossistes en rupture de stocks attendent d'être payés par leurs clients pour s'approvisionner à nouveau. Tout ceci limite l'essor du commerce de riz local. En dehors du riz, l'oignon se comporte assez bien dans le Bafing. Il reste une composante de systèmes de culture diversifiés qui concernent trois espaces : les champs, les tapades et les bas-fonds. La culture de l'oignon est beaucoup moins coûteuse en investissements et en intrants , explique David Akapo, consultant agricole. Selon lui, les productions de bas-fonds représentent la source principale de revenu monétaire agricole de ce maraîcher. L'expansion et l'étalement des cultures d'oignons sont cependant contraints par des problèmes d'accès aux terres, à la trésorerie pour l'achat des intrants et à la concurrence entre travaux agricoles.

Oignon en offensive

Dans ses tentatives d'appui à la commercialisation de l'oignon, la Coopérative des femmes agricultrices rencontre plus de difficultés : l'exiguïté et la dispersion des surfaces emblavées. Ce qui rend la collecte et le stockage en magasins difficiles et coûteux. Par ailleurs, la longueur du cycle de culture de l'oignon ne permet pas l'utilisation du fonds de roulement pour les intrants, accordé par la coopérative pour le financement de la commercialisation. Cependant, les frais de collecte et de gestion par la coopérative sont répercutés dans le prix d'achat aux paysans, qui reste bien inférieur à la moyenne des prix versés aux producteurs par des commerçants sans contrat notamment dans les marchés hebdomadaires de regroupement, même après déduction des frais de transport supplémentaires. En outre, les conditions d'achat de la coopérative sont jugées contraignantes par les producteurs : tri et rejets, obligation d'apport minimum 500 kilogrammes aux points de collecte. Ainsi, les volumes commercialisés dans le cadre de contrats producteurs-commerçants restent très faibles. Aujourd'hui, le rôle de l'organisation dans la filière oignon concerne surtout l'approvisionnement en semences de qualité.

Lanciné Bakayoko, envoyé spécial

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