vendredi 19 novembre 2010 par Le Nouveau Réveil

Les militants du Rhdp, victimes des atrocités des populations des zones forestières, militants du candidat Laurent Gbagbo, ont reçu la visite du directeur de campagne adjoint du Rhdp chargé des affaires juridiques. Me Soungalo Coulibaly est allé constater avec des huissiers les dégâts subis par les populations baoulé. L'homme de droit fait le point dans l'interview qu'il a bien voulu nous accorder et appelle au calme.



Au lendemain du premier tour, nous avons appris qu'il y a eu des exactions sur les populations allogènes dans certaines localités, notamment à Bédiala, Banoufla, Bonoufla, Baoulifla, Zépréguhé, Bodoua et même dans les campements baoulé. Vous avez envoyé des huissiers dans ces localités. Quels sont les résultats de vos investigations ?

Effectivement, au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, nous avons été constamment interpellés de ce que les populations allogènes subissaient des exactions dans les zones forestières au motif qu'ils auraient voté un candidat à l'élection présidentielle autre que le candidat de LMP, à savoir Monsieur Laurent Gbagbo. Nous avons alors dépêché sur place des huissiers afin de constater tous les actes de violence qui ont été perpétrés dans ces localités pendant et après le premier tour de l'élection présidentielle. En effet, il ressort que de graves violations des droits de l'Homme et du citoyen ont été commises par des partisans du candidat Laurent Gbagbo telles que des séquestrations, des agressions physiques, des empêchements d'exercer librement le droit de vote, voire des assassinats. Par ailleurs, dans ces localités, tout a été mis en ?uvre pour biaiser le scrutin et organiser des fraudes massives.



Quels sont les faits notables que vous avez lévés et qui montrent que dans ces localités, la fraude a été massivement organisée ? Donnez-nous quelques exemples de violations graves de droits de l'homme que vous avez pu constater dans ces localités et des cas d'empêchement des citoyens ivoiriens d'exercer leur droit de vote ?

Nous pouvons citer les exemples suivants : A Loboguiguia, village situé à 15 km de Daloa sur l'axe Daloa-Duékoué. Là-bas, la mosquée du village a été détruite par des jeunes partisans du camp présidentiel. Un ressortissant guinéen du nom de Losseny Doumbia a vu sa porte cassée, ses affaires jetées dans un puits et a été chassé du village avec sa famille au motif que celui-ci aurait apporté son soutien aux militants de l'opposition. Dans ce même village, le jour de l'élection, il y avait deux bureaux de vote dont l'un était ouvert pour les autochtones et l'autre destiné au vote des allogènes. Il est à noter que dans ce dernier bureau de vote, il n'y avait pas d'isoloir parce que les autochtones voulaient contrôler le vote des allogènes. Malgré cette précaution prise par les autochtones, certains allogènes ont pu voter pour le candidat de leur choix. Ce qui a suscité le courroux des autochtones qui s'en sont pris à eux en les violentant. A Bédiala, Banoufla et Djénoufla qui sont des villages gouro, les procès-verbaux n'ont pas été produits. Les délégués des partis politiques de l'opposition ont été chassés et même le directeur de campagne local du candidat Alassane Ouattara, M. Jimmi Séhi Bi, a été séquestré. A Zaguiguia, un village bété, seulement quatre personnes ont été autorisées à voter en lieu et place de toute la population allogène. Ils ont donc procédé au remplissage des urnes. A Gossé, le chef du village a voté pour tout le monde. C'est aussi le cas de Toroguhé où il n'y avait pas des représentants des partis politiques de l'opposition et les élèves gendarmes votaient sans listing. A Békipria, M. Inza Karaboué a été chassé du village avec sa famille pour avoir dénoncé lors du dépouillement que des voix du candidat du RDR ont été attribuées au candidat Laurent Gbagbo. A Dadouan, pour empêcher des éventuels électeurs du candidat Alassane Ouattara de bien opérer leur choix, le président du bureau de vote, partisan du candidat Laurent Gbagbo, collait sur son emblème, qui est la case, un sticker.

Plus grave, il a été révélé que le préfet de région, M. Dakouri, s'est érigé en directeur de campagne de Laurent Gbagbo à Daloa. Le lundi 8 novembre, au cours d'une rencontre avec la communauté baoulé, il a demandé à ses hôtes de " sauver la Côte d'Ivoire qui risque de tomber entre les mains d'un intégriste en votant pour Laurent Gbagbo ". A Bédiala, sur instructions du directeur local de campagne de Laurent Gbagbo, M. Goré Bi Zi Kader, les militants de l'opposition ont été interdits de vote. Dans cette localité, les urnes étaient déjà bourrées depuis 9 heures du matin en faveur du candidat du FPI. A Zépréguhé, le vendredi 29 octobre, dernier jour de la campagne, les Bété ont convoqué une réunion chez le chef du village. Au cours de cette réunion, il a été demandé aux allogènes en majorité baoulé de voter sans exception pour Laurent Gbagbo. Cependant, après le dépouillement, quand les autochtones bété ont constaté que certains avaient néanmoins voté pour le candidat de leur choix, ils ont crié à la trahison. Ainsi, les Baoulé ou autres allogènes qui étaient les représentants des différents partis de l'opposition dans les bureaux de vote ont, pour certains, reçu des menaces de mort et d'autres ont subi des exactions. Dans la nuit du 31 octobre, les jeunes bété se sont rendus dans les campements pour demander aux Baoulé notamment de quitter leurs terres. A Kanonguhé, ces jeunes bété ont agressé le vieux Aka Kouamé et Kouamé Yao Benoit à l'arme blanche. Le jeune N'Guessan Konan Gervais qui n'a pu fuir à temps, a été tailladé à la machette.



Est-ce seulement dans cette région qu'il y a eu des exactions et des cas d'empêchement de vote ?

Il y a eu bien d'autres cas, notamment : à Bayota, à Téhiri, à Kpapékou, à Gnalébrébouo où M. Koffi N'Guessan Mathieu a été poignardé. Il a été évacué dans une clinique à Gagnoa où il a reçu des soins. Les deux enfants de M. Kouakou Maurice ont été également grièvement blessés à l'arme blanche. Ils ont aussi été évacués à Gagnoa pour des soins. A Logouata, Brihi, Gnalégrébouo, les militants de l'opposition ont subi des exactions après le vote du 31 octobre dernier. Dans la région de Divo, les militants de l'opposition ont été empêchés de voter dans les localités suivantes : A Zikidiessé, les bulletins étaient cochés d'avance. Les résultats ont été pourtant validés à la surprise générale. A Obié, les procès-verbaux étaient curieusement remplis au crayon à papier. A Béhiri, trois personnes présumées étrangères, à savoir Touré Kalifa, Konaté Siata et Samaké Daouda ont été interpellées par le chef du village, ensuite battues, séquestrées et conduites au Commissariat de police de Divo. Ces personnes ont été jugées le 17 novembre 2010 en notre présence. Elles ont été libérées pour délit non constitué. A Nébo, les militants LMP avaient décidé que les populations malinké n'avaient pas droit au scrutin du 31 octobre. En outre, ils n'ont pas permis aux représentants des candidats de l'opposition, pourtant munis de mandats, d'avoir accès aux bureaux de vote. A Brabodogou, l'accès du pont menant aux bureaux de vote était filtré par les militants LMP. A Data, dans le département de Hiré, M. Touré Bakary a été violenté et blessé grièvement. A Gnéhiri, le domicile de M. Fofana Adama a été saccagé et détruit complètement. Certaines personnes qui ont tenté de le secourir ont eu leurs maisons décoiffées. A Fresco, dans certains villages, des barrages ont été dressés pour empêcher les militants de l'opposition de se rendre dans les bureaux de vote pour accomplir leur devoir de citoyen. Certains jeunes de LMP étaient dans la cour des établissements abritant les bureaux de vote et demandaient les cartes d'électeur à tous ceux qui venaient voter. Dès qu'ils s'apercevaient qu'il s'agissait d'un nordiste ou d'un Baoulé, ils l'empêchaient de voter. Dans le village de Louloudou, des urnes ont été détruites en présence des gendarmes sans réaction de ceux-ci. Dans le village de Zégbanti, les militants de l'opposition ont été empêchés de voter. La même chose s'est produite à Dassioko et cette énumération n'est pas exhaustive. Il ne faut pas oublier les cas qui ont été signalés dans d'autres lieux où nos missionnaires n'ont pas pu aller. Le 31 octobre dernier, il n'y a pas eu de vote libre et démocratique dans l'ouest et le centre-ouest de la Côte d'Ivoire.



Nous nous acheminons à grands pas vers le deuxième tour de l'élection présidentielle. Avez-vous pris des dispositions contre de tels agissements que vous venez de nous décrire ?

Nous avons transmis l'ensemble de ces procès-verbaux à la CEI, à la Division des Droits de l'Homme de l'ONUCI, au Centre de Commandement Intégré (CCI), à l'Union Européenne et à l'Union Africaine afin d'attirer leur attention sur ces dérives. Nous pensons que chacune de ces organisations prendra des dispositions pour que, lors du second tour de l'élection présidentielle du 28 novembre 2010, ce genre d'exactions ne se reproduise plus ou que chaque citoyen puisse exercer son droit de vote librement sans en être empêché. En tout état de cause, nous demandons aux militants et sympathisants du RHDP de se mobiliser et de faire barrage à de telles violations des droits de l'homme car en Côte d'Ivoire, tous les citoyens sont égaux, il n'y a pas d'Ivoiriens supérieurs à d'autres en ce que la loi sur la nationalité est impersonnelle. Ainsi, aucun Ivoirien n'a plus de droit qu'un autre pour l'empêcher d'accomplir son devoir de citoyen.

Interview réalisée par Patrice Yao



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