mardi 23 novembre 2010 par L'Inter

L'adrénaline monte dans les deux camps adverses et ça commence à sentir le souffre. Les signes d'une guerre civile semble en effet se mettre en place, dans cette atmosphère de campagne électorale pour le second tour de l'élection présidentielle ivoirienne qui oppose Laurent Gbagbo, le chef de l'Etat sortant et candidat de La Majorité Présidentielle (Lmp), à l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara, candidat du Rassemblement des Républicains (Rdr). En tout cas, la scène dont nous avons été témoin dans la nuit du dimanche 21 novembre dernier dans la commune de Port-Bouët, incline à craindre des violents affrontements pré-électoraux ou post-scrutin du 28 novembre 2010. C'est que ce dimanche, la commune du maire Hortense Aka Angui avait été transformée en un véritable champ de bataille entre étudiants pro-Lmp et militants Rhdp. Débandade, course-poursuite, utilisation d'armes blanches (couteaux, machettes, faucilles, gourdins etc.), barricades sur les voies publiques, jet de pierre, tout y est passé, témoignant ainsi de la volonté des deux camps d'en découdre par la violence. Il a même été signalé des bruits d'armes automatiques, ajoutant au caractère violent de cette confrontation entre ces habitants de la même commune. Comment en est-on arrivé là ? Selon des témoins rencontrés sur place, tout serait parti de la projection du film réalisé par la cinéaste Hanny Tchelley, intitulé Un homme, une vision , et qui présente Laurent Gbagbo comme le président qu'il faut à la Côte d'Ivoire. Ce film montre en effet les grandes oeuvres que le candidat de Lmp a réalisées et son projet de développement du pays. Un instrument de campagne que les hommes de Laurent Gbagbo utilisent depuis quelque temps pour conquérir des voix pour leur candidat. La projection du dimanche initiée par Gadji Mathurin, secrétaire général de la jeunesse du Front populaire ivoirien (Jfpi) section cité universitaire de Port-Bouët 1, devait se faire, dans ce cadre, sur le terrain de football du quartier de l'abattoir. Elle n'aura cependant pas lieu, car au moment où M. Gadji et ses hommes installaient leur matériel, ils auraient reçu la visite inattendue de spectateurs pas catholiques qui auraient saccagé leur matériel. Des jeunes identifiés comme des militants du Rhdp, en tout cas très hostiles à cette projection de film, y ont mis fin, selon des témoins, en détruisant le matériel de projection. L'information s'est ensuite répandue comme une traînée de poudre dans toute la commune de Port-Bouët, faisant croire à une provocation des étudiants et une attaque prochaine contre les militants du Rhdp. Cette même information est parvenue au QG de campagne des houphouëtistes à Port-Bouët, et les jeunes qui y montent la garde depuis les affrontements entre la Fesci et les militants du Rhdp à Cocody le vendredi 19 novembre, se sont préparés à parer à toute attaque. Mieux, selon des témoins, ces jeunes gonflés de colère contre les étudiants, se préparaient à aller régler leurs comptes aux étudiants à leur résidence dite cité des mariés . Dans le même temps, des étudiants de la cité '' U '' de Port-Bouët I, ont eux aussi reçu l'information d'une attaque imminente des jeunes de l'abattoir, et se sont préparés à faire face. Dans ce tourbillon de rumeurs, fausses ou vraies, les moyens de défense ont été sortis. Chaque camp s'attribuant une partie de Port-Bouët, a délimité son espace en dressant des barricades comme dans un territoire conquis. La scène rappelait tout simplement les images du conflit israélo-palestinien diffusées sur les écrans de télévision, et qui présentent chaque faction retranchée dans son camp et empêchant par tous les moyens, toute intrusion des membres de l'autre camp. Face à cette montée de tension, les forces de l'ordre ont été déployées pour éviter un affrontement entre les deux groupes. Aux environs de 22h30, des renforts continuaient d'arriver. Toutes les voies d'accès aux différentes cités universitaires de la commune avaient été fermées. Idem au niveau du Rhdp, où les jeunes avaient également bloqué les passages qui mènent à leur QG de campagne. Jusqu'à tard dans la nuit, les policiers et gendarmes continuaient les patrouilles de dissuasion pour calmer les esprits.

Gbagbo et Ouattara interpellés

La montée de tension tend à se généraliser avant le scrutin du 28 novembre. D'abord à Cocody, entre étudiants fescistes de la cité de Mermoz et les militants Rhdp au siège du Pdci-Rda. Ensuite à Port-Bouët, où étudiants et militants Rhdp se regardent en chiens de faïence. La violence est devenue le principal mode d'expression. La tolérance a été rangée au placard, avec en filigrane, la guerre civile qui est en train de germer à petits pas. Cet état de fait devrait interpeller les deux candidats en lice, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, qui aspirent à diriger la Côte d'Ivoire. Chacun des deux candidats dit vouloir le bonheur du peuple ivoirien et se présente comme l'icône de la paix. Et pourtant, les discours n'épousent toujours pas ces bonnes intentions. Ces violences tous azimuts sont donc des signaux envoyés aux candidats de Lmp et du Rdr, afin que chacun appelle à l'apaisement. Cela passe par le retour à un ton courtois dans leurs différents discours. Gbagbo et Ouattara pourraient par exemple, dans une déclaration commune sur les antennes de la télévision nationale, inviter leurs partisans à laisser le combat politique aux leaders politiques, et se limiter au rôle d'électeur. Ne dit-on pas que la politique n'est qu'un jeu ? . C'est ce qui devrait être, et dans ce cas, la politique reste aux politiques. La violence est alors à écarter. S'il est vrai que la situation post-électorale est fille de l'atmosphère pré-électorale, nos deux leaders devraient de ce fait veiller à ce que le calme règne en cette période, afin que la paix puisse se construire après le 28 novembre 2010.

Hamadou ZIAO

Photo: Gbagbo et Ouattara
Légende: Les deux candidats devraient appeler leurs partisans au calme

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