mardi 7 décembre 2010 par Cote d'Ivoire Economie

La grand-messe annuelle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international s'est déroulée de 7 au 10 octobre dernier sur fond de reformes de la gouvernance. Si la situation économique mondiale est encore sujette à caution, c'est aujourd'hui l'Afrique, principalement subsaharienne, qui fait figure de bon élève.
Reforme ! Cette préoccupation aura été la grande vedette des Assemblées annuelles 2010 du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. La crise économique mondiale de 2007-2009 est passée par là. Elle a aggravé les problèmes existants et en a créé des nouveaux , souligne Olusegun O. Aganga, gouverneur pour le Nigeria au FMI et à la Banque mondiale et président du Conseil des gouverneurs de ces deux institutions. Ainsi, surfant sur la nécessité de s'adapter à ces circonstances nouvelles, toutes les énergies ont été canalisées vers la mise en place d'une architecture mondiale qui réduirait le risque de crise, s'attaquera plus efficacement aux effets de contagion, protégera les plus vulnérables et établira les fondements d'une croissance à la fois vigoureuse, durable, créatrice d'emplois et généralisée .

Une reprise fragile et inégale
Un premier signe de cet engagement réformateur a été le format des assises elles-mêmes. La quinquagénaire version fourre-tout a fait place à une messe plus ciblée et plus efficiente, avec un format de présentation des discours plus attrayant , le tout agrémenté par un logo plus dynamique et impressionnant. Au jeu du relooking sous l'empire de la crise, les pays membres de la Banque et du Fonds avaient déjà renforcé la capacité des deux institutions d'octroyer des prêts afin de soutenir le financement de la croissance et d'aider les pays à mieux faire face aux risques. Les effets consécutifs ne s'étaient alors pas fait attendre. Olusegun Aganga dresse le bilan avec un brin de satisfaction : Depuis le début de la crise, le FMI a engagé un montant record de 223 milliards de dollars en faveur de ses pays membres, notamment au titre d'accords de précaution, et a décaissé 72 milliards de dollars. Dans le même temps, le groupe de la Banque mondiale a engagé 130 milliards de dollars et a décaissé un montant record de 88 milliards de dollars, y compris 22 milliards en faveur des 79 pays les plus pauvres.
Couronnement de cette réactivité toute nouvelle des deux institutions jumelles de Bretton Woods, la plupart des pays d'Afrique subsaharienne ont réussi à surmonter la crise , a fait noter Antoinette Sayeh, directrice du département Afrique au FMI. La reprise économique est désormais bien ancrée en Afrique, même dans les pays à revenu intermédiaire, durement touchés par la crise. Nous tablons désormais sur une croissance proche de 5% en 2010, et encore plus forte en 2001 , a-t-elle renchéri. Seulement, en cet automne doux sur les bords du Potomac, la bonne santé retrouvée de l'Afrique ? mais également de l'Asie et de l'Amérique latine ? ne suffit pas pour redonner l'allant nécessaire à l'économie mondiale. Certes, il y a une reprise, et lorsque nous examinons les données nous notons qu'au niveau mondial la croissance revient. Mais nous savons tous que la reprise est fragile et inégale, et qu'elle est fragile parce qu'elle est inégale Nous faisons face à un avenir très incertain , a alerté Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du Fonds, apportant ainsi un bémol à la réformite ambiante.

De la nécessité de nouvelles représentations
En ce qui concerne les innovations inscrites à l'agenda, celles touchant au gouvernement de la Banque et du Fonds n'ont pas manqué de surgir dans toutes les discussions. La situation économique nouvelle, caractérisée par une montée en croissance des pays en développement et émergents et une stagnation ? quand ce n'est pas un recul ? des économies avancées, a donné de la carrure aux nouveaux champions mondiaux de la croissance qui réclament une correction du déséquilibre de la participation et de la représentation au sein du FMI en leur faveur. Dans cette logique, le groupe de la Banque mondiale a créé un troisième siège pour l'Afrique et arrêté le principe de transférer une partie des voix aux pays en développement et en transition . L'annonce a été faite par son président, l'américain Robert Zoellick. Avec ce nouveau siège, qui porte à 25 le nombre des membres du Conseil d'administration, les pays en développement se retrouvent à contrôler désormais une majorité, bien qu'ils aient une minorité dans les droits de vote (47,2%). Ce troisième fauteuil africain est occupé depuis le 1er novembre par Renosi Mokate, de la Banque centrale sud-africaine, qui représente en plus de son pays les deux plus grands producteurs de pétrole du continent que sont l'Angola et le Nigeria.
Côté FMI, le réalignement des quote-parts en fonction de l'évolution du poids des différents pays dans l'économie mondiale exigé laisse augurer d'un casse-tête chinois, tant l'équation comporte moult inconnues : d'abord la menace d'une réduction, de 24 à 20, du nombre des sièges du Conseil d'administration ; ensuite l'exigence faite à l'Europe (qui occupe 9 des sièges) de s'en délester d'au moins 2 ; puis le fait qu'en même temps qu'ils revendiquent d'être mieux représentés au sein de l'instance de décision du Fonds, les pays émergents exigent que le rééquilibrage ne se fasse point au détriment des autres pays en développement ; et enfin, le risque que si au 31 octobre 2010 ? date d'expiration du mandat des administrateurs actuels ?, une solution définitive n'est pas trouvée, le FMI flirte pour la première fois de son histoire avec une forme d'illégitimité opérationnelle.

Le mea culpa du FMI
Dans un environnement des Assemblées annuelles pollué par le désordre monétaire et les empoignades sino-américaines sur la question, les parties autour de la table n'ont pu aboutir à aucune décision concrète après plusieurs jours de discussion à Washington. Tout au moins ont-elles convenu de travailler à obtenir un accord avant le 31 octobre 2010, avec dans leur viseur la réunion des ministres des Finances du G20 des 22 et 23 octobre en Corée du Sud. S'engageant dans la foulée à s'employer activement à résoudre les questions en suspens, [qui portent sur] les modalités à mettre en place pour protéger le pouvoir de vote relatif des pays membres les plus pauvres ; l'implication accrue des ministres et la surveillance stratégique ; et l'adoption d'un processus de sélection ouvert, transparent et fondé sur le mérite pour choisir le chef du FMI et des autres institutions financières internationales .
Reprenant à leur compte la préoccupation d'accroissement de l'efficacité de la Banque et du Fonds pour mieux faire face aux effets de la crise, mère de toutes les réformes, les pays regroupés en divers blocs sont allés chacun de leur grain de sel dans la conduite à tenir pour empêcher qu'une nouvelle crise de l'ampleur et de la gravité de celle dont l'économie mondiale peine à se remettre totalement ne survienne encore. Sans vouloir jouer les Cassandre, le directeur général du FMI a d'ailleurs préféré prévenir à la tribune de la 64e séance plénière des Conseils des gouverneurs du Fonds et du groupe de la Banque : Aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure de dire que si une nouvelle crise éclatait ? ce que je ne prévois pas ? dans les prochains jours, dans deux ans, dans cinq ans, dans dix ans, nous avons de quoi y faire face
Une mise en garde qui n'a pas manqué de faire quelque peu froid dans le dos, surtout intervenant dans un contexte de récurrence d'informations annonçant ça et là une replongée possible de l'économie américaine. Mais qui, pour Dominique Strauss-Kahn et son binôme Robert Zoellick, est plutôt un appel à encore plus d'action. Car nous avons donc fait beaucoup de promesses, mais nous n'en avons pas tenues assez .

Stéphane Amani

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