Depuis près de cinq mois, la capitale malienne et d'autres villes du sud et de l'ouest du pays subissent un blocus économique imposé par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM) sur les camionneurs.
Le groupe djihadiste affilié à Al Qaïda interdit aux routiers de convoyer du carburant à destination de Bamako. L'économie locale est affectée, mais l'Etat est à pied d'?uvre pour contrôler la situation.
Après Ségou, Sikasso, Mopti, Nioro et Kayes, c'est maintenant au tour de Bamako, la capitale malienne, de subir les effets du "djihad économique" décrété par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM, affilié à Al Qaïda) sur les camionneurs depuis quelques mois.
Le décor est chaotique aux alentours des stations-services dans la capitale, Bamako, où des centaines d'automobilistes et motocyclistes attendent pendant plusieurs heures pour être servis. Depuis quelques jours, la crise signalée à l'intérieur du pays s'est déplacée à Bamako.
Des images largement partagées sur les réseaux sociaux mettent en exergue ce chaos dans les stations-service.
La situation est difficile pour les usagers qui expriment leurs préoccupations.
"D'hier à aujourd'hui, j'ai eu toutes les difficultés du monde. J'ai dû pousser ma moto de Doukoroni à Badalabougou, à environ neuf kilomètres de là sans carburant", a indiqué un motocycliste.
Un autre, certainement un taxi-moto souligne que cette pénurie leur cause "des retards considérables". "La moto est aujourd'hui notre outil de travail et toutes nos activités sont liées au carburant. Notre entreprise est à l'arrêt, et c'est là l'une des conséquences les plus graves", fait-il remarquer.
Pour lui, il appartient au gouvernement "de jouer pleinement son rôle et d'agir". Il estime que cette démarche les aidera.
"Nous demandons aux négociants en hydrocarbures de faciliter les choses pour la population. Ils n'ont aucune raison d'augmenter le prix du carburant car cela n'aide pas le pays", confie un autre usager.
Pour apporter une réponse aux préoccupations des citoyens, le Premier Ministre, le Général Abdoulaye MAIGA, a présidé mardi 7 octobre à Bamako, une réunion du Comité interministériel de gestion des crises et catastrophes.
A l'issue de cette réunion, des mesures ont été prises, notamment l'organisation d'escortes de camions depuis les corridors jusqu'aux sites de consommation.
Depuis le 3 septembre dernier, le JNIM, affilié à Al-Qaïda, a lancé une campagne pour imposer un blocus à Kayes et Nioro du Sahel, deux villes dans le sud-ouest du pays, vers la frontière avec le Sénégal.
C'est une stratégie pour asphyxier l'économie malienne en multipliant les attaques armées et les enlèvements sur cette route commerciale stratégique reliant Dakar à Bamako, la capitale malienne.
C'est dans ces circonstances qu'un chauffeur malien et son apprenti avaient été tués sur la route de Kayes par les militants du JNIM.
Dans son rapport publié le 12 septembre dernier, Timbuktu Institute ou Centre africain d'Etudes sur la paix basé à Dakar, souligne que "les récentes attaques menées par le JNIM, affilié à Al-Qaïda, dans la région de Kayes au Mali, semblent relever d'une stratégie délibérée visant à déstabiliser, voire asphyxier l'économie malienne".
Selon l'institut, cette stratégie "viserait surtout à isoler la capitale, Bamako, tout en ayant une activité de plus en plus intensive dans cette région stratégique".
"Le JNIM a concentré ses attaques sur la région de Kayes, un hub économique stratégique qui représente la deuxième plus grande contribution au PIB malien derrière Bamako. La Route Nationale 1 (RN1), reliant Bamako à Dakar via Kayes et Diboli, est un axe commercial crucial, assurant environ 30% des importations terrestres du Mali, soit 2,7 millions de tonnes de marchandises par an, incluant carburant, céréales et autres biens essentiels", renseigne le rapport de Timbuktu Institute.
Pour étayer ses propos, Timbuktu Institute a d'une part cité les attaques coordonnées sur Kayes et Diboli du 1er juillet 2025, à 1,3 km de la frontière sénégalaise, et d'autre part, "le sabotage de la Route Nationale 1(RN1) survenue le 31 août 2025".
"(...) Le JNIM a incendié des engins de chantier sur la RN1, en cours de réhabilitation par l'entreprise chinoise COVEC, perturbant les travaux d'une route essentielle pour le commerce au Mali mais aussi au plan sous-régional", nous explique Timbuktu Institute ou Centre africain d'Etudes sur la paix.
"Un couvre-feu avait été instauré à Kayes jusqu'au 30 septembre 2025, limitant la circulation aux véhicules militaires et ambulances ; ce qui a réduit les échanges commerciaux transfrontaliers. Ce sabotage vise à entraver la modernisation des infrastructures, rendant Bamako plus dépendante des routes vulnérables", poursuit-il.
"En ciblant la région de Kayes, un carrefour économique vital représentant environ 80 % de la production aurifère malienne et un n?ud clé du corridor commercial Bamako-Dakar, le JNIM cherche à perturber les flux commerciaux essentiels qui assurent une part non négligeable des importations terrestres du Mali", argumente Timbuktu Institute.
Selon lui, cette stratégie "vise à priver Bamako de ressources vitales, pouvant provoquer une insécurité alimentaire accrue et une hausse des prix des biens de première nécessité".
Après les attaques coordonnées sur Kayes, Nioro du Sahel, Niono, Molodo, Sandaré, Gogui et Diboli, les autorités militaires avaient salué dans un communiqué la bravoure des "vaillants militaires" qui avaient réussi à contenir avec succès des attaques terroristes simultanées contre sept localités du pays, avant de neutraliser plus de 80 terroristes.
Le 16 septembre dernier, le général Abdoulaye Maïga, Premier ministre, avait reçu les transporteurs et les opérateurs économiques, afin de trouver des solutions pour rétablir le trafic routier perturbé et assurer l'approvisionnement de Bamako en carburant.
Jusqu'où ira ce "jihad économique" imposé par le JNIM (Jama'at Nusrat ul-Islam wa alMuslimin) sur Bamako, la capitale malienne ?
En tout cas, "sur l'aspect militaire, il apparaît que les attaques simultanées dans Kayes et Ségou (1er juillet 2025) visent à disperser les Forces armées maliennes (FAMa), affaiblissant leur capacité à protéger Bamako", souligne Timbuktu Institute.
Mais il a souligné que les FAMAs ont détruit le 13 juillet dernier le camp du JNIM qui était implanté dans la forêt de Gal-Gal.